Au cœur de COBCO, le game changer de l’industrie des batteries électriques au Maroc

Au sein de la base industrielle de production de matériaux pour batteries électriques de COBCO.

Le 02/07/2025 à 14h05

VidéoLe Maroc entre dans la cour des grands fabricants mondiaux de précurseurs de batteries lithium-ion. À Jorf Lasfar, l’usine COBCO, joint-venture entre le fonds panafricain Al Mada et le géant chinois CNGR, ouvre la voie à un écosystème industriel de pointe et hautement stratégique. Une première historique en dehors de l’Asie. Visite guidée.

Un investissement de plusieurs milliards de dirhams, une superficie de plus de 200 hectares, un objectif d’équiper 1 million de véhicules électriques par an… Il suffit de franchir les portes de l’usine COBCO à Jorf Lasfar pour saisir l’ampleur de la mutation industrielle à laquelle participe le Maroc. Un complexe industriel tentaculaire, doté d’un labyrinthe de conduites, d’unités automatisées et de laboratoires de pointe.

À l’origine de cette usine, deux acteurs aux expertises croisées. Al MADA, fonds d’investissement marocain à ancrage panafricain, porteur d’une vision durable du développement, et CNGR Advanced Materials, leader chinois et numéro un mondial des précurseurs de batteries lithium-ion, implanté dans plus de 30 pays et partenaire de marques emblématiques comme Tesla ou LG.

«Nous ne sommes pas une gigafactory, mais nous sommes spécialisés dans la partie “amont” de l’écosystème des batteries», nous explique Zineb Zeryouhi, directrice générale adjointe de COBCO. Cette nuance est fondamentale: l’usine de Jorf Lasfar ne fabrique pas directement de batteries, mais produit un de leurs composants les plus critiques, le précurseur NMC (nickel manganèse cobalt). Or, ce produit stratégique représente à lui seul près d’un tiers de la valeur d’une batterie électrique, qui elle-même compte jusqu’à 40% du coût d’un véhicule électrique. Autrement dit, COBCO s’est positionné là où la valeur ajoutée est maximale.

Un projet pionnier aux dimensions mondiales

Inaugurée en grande pompe le 25 juin dernier, cette usine est historique à plus d’un titre. «C’est la première usine de précurseurs en dehors de l’Asie», rappelle Zineb Zeryouhi. Avec une capacité de production initiale de 40.000 tonnes par an de précurseurs NMC, extensible à 120.000 tonnes par an à terme, le Maroc devient ainsi l’un des rares pays au monde capables de répondre aux besoins croissants des marchés automobile européen et nord-américain.

La localisation stratégique à Jorf Lasfar, près du plus grand port vraquier marocain, ne doit rien au hasard. «C’est une implantation stratégique. Elle permet de faciliter l’approvisionnement en matières premières tout en optimisant les exportations vers nos marchés internationaux», précise Zineb Zeryouhi.

Un modèle industriel circulaire et durable

L’usine COBCO est aussi un modèle exemplaire d’intégration industrielle circulaire. Ici, le processus de fabrication relève presque du génie chimique, au sein d’un parcours complexe, minutieusement orchestré. Tout commence par la dissolution des matières premières critiques, nickel, cobalt et manganèse, puis leur purification afin d’éliminer toutes les impuretés. Après une série de dosages rigoureux, les éléments sont mélangés selon des proportions bien précises afin de répondre aux standards et exigences des clients internationaux.

La réaction chimique, cœur battant de l’usine, mobilise ammoniaque, solutions alcalines et additifs dans de gros réacteurs. «Nos réacteurs fonctionnent en continu», précise un ingénieur de production sur place. «Rien ne sort d’ici sans contrôle strict. Tout produit non conforme est recyclé sur place», insiste la directrice générale adjointe.

Mais au-delà des enjeux industriels, COBCO porte une ambition écologique assumée. «Dès 2026, notre usine fonctionnera à 100% grâce à l’énergie verte marocaine», affirme fièrement Zineb Zeryouhi. Déjà en 2025, la part d’énergie verte se chiffre à 80%. L’eau utilisée est entièrement recyclée ou dessalée pour préserver les ressources locales, et le recyclage des batteries en fin de vie fait partie intégrante du modèle économique circulaire de l’entreprise.

La formation au cœur de l’écosystème

COBCO entend créer à terme 3.600 emplois directs et indirects. Dès la conception du projet, COBCO a mis en place des partenariats avec les universités et instituts locaux afin de former les talents nécessaires au développement de cette industrie exigeante. «Nous misons sur le talent marocain», insiste Zineb Zeryouhi.

Cette implantation industrielle est également et surtout stratégique: COBCO est le premier jalon d’un écosystème de batteries et composants de batteries en devenir, un écosystème nécessaire pour accompagner l’industrie automobile nationale exportatrice à prendre le virage mondial et inévitable de la mobilité électrique. Avec cette usine de précurseurs, le Maroc se donne toutes les chances de consolider son leadership régional dans l’industrie automobile d’aujourd’hui et de demain.

La mise en production réussie de COBCO renforce davantage l’attractivité du Maroc, et en plus des projets déjà en cours de déploiement tels que BTR et Gotion, créera un large effet d’entraînement auprès d’autres acteurs internationaux, attirés par le modèle proposé par cette première unité industrielle. Ainsi, c’est tout un écosystème nouveau qui pourrait émerger rapidement sur le territoire marocain.

Par Hajar Kharroubi, Youssef El Harrak et Abderrahim Et-Tahiry
Le 02/07/2025 à 14h05