Plongée au cœur de Comediablanca: le festival du rire qui a conquis Casablanca

Oualas, humoriste maroco-ivoirien, lors de sa participation au Comediablanca, le festival du rire de Casablanca. (S.Bouchrit/Le360)

Le 04/06/2025 à 18h35

VidéoLe rire a une nouvelle capitale: Casablanca. Le 30 mai, le Complexe Mohammed V a vibré au rythme des sketchs, des improvisations et des éclats de voix lors de la deuxième édition de Comediablanca, le festival du rire qui mêle talents locaux et internationaux. Récit d’une soirée où l’humour devient lien social et célébration culturelle.

Par une soirée douce du vendredi 30 mai, le Complexe Mohammed V de Casablanca s’est métamorphosé en temple du rire. L’événement tant attendu, Comediablanca, a offert une deuxième édition flamboyante, aussi riche en éclats de rire qu’en moments de communion. Plongée dans les coulisses, les rires et l’émotion d’un festival qui fait désormais battre le cœur de la scène humoristique casablancaise.

Dès l’entrée dans l’enceinte du Complexe Mohammed V, l’atmosphère change. Quelque chose d’électrique flotte dans l’air, un mélange d’impatience et d’excitation. À la manœuvre de cette transformation, Amir Rouani, réalisateur et directeur artistique du festival, qui a su repenser entièrement la scénographie pour cette édition. Exit la scène traditionnelle, place à un audacieux cube tourné, dont la face avant adopte la forme d’un triangle. «Ça a fait plaisir surtout aux comédiens», confie-t-il. Et pour cause: cette disposition crée une impression de proximité immédiate. Le public n’est plus un simple spectateur, il devient complice, presque partenaire du show. Une scène pensée par quelqu’un qui comprend les artistes, et ça se sent: les comédiens l’ont tous souligné, c’est une scène sur laquelle «on donne tout».

Mais Comediablanca, ce n’est pas seulement une soirée de performances. C’est aussi une expérience complète pensée en amont, dès l’extérieur. Autour du complexe, un véritable village a été conçu pour accueillir le public bien avant le début des spectacles. On y trouve une zone de jeux, un espace food court et même un service de kinésithérapie mobile, gratuitement accessible à tous. Signé U Radio, ce lieu croise familles, jeunes, passionnés de stand-up et simples curieux. Jeux d’arcade, mini-foot, station Just dance ou chasses au trésor numériques, tout est prévu pour faire monter la température et l’enthousiasme. Le village devient alors le prélude ludique à une soirée inoubliable.

Sur scène, la soirée commence avec Meryem Benoua, véritable phénomène sur TikTok. Maîtresse de cérémonie, elle fait monter l’ambiance par une série d’interactions totalement improvisées avec le public. Questions, vannes, rebonds en direct: Meryem joue avec la foule comme elle le fait dans ses vidéos, mais en live, et ça fonctionne. Les rires fusent déjà avant même que les sketchs n’aient commencé. Elle réussit à créer une atmosphère de proximité et de détente, donnant le ton d’un festival à la fois exigeant et accessible.

Une scène plurielle, à l’image du Maroc

La programmation, elle, est aussi diversifiée que percutante. La première à monter sur scène est Coco Makmak, humoriste libanaise, qui offre un sketch inédit dédié au Comediablanca. Elle y aborde les mariages mixtes entre Arabes et Européens avec un humour fin, qui évoque les écarts culturels à travers la nourriture, l’argent, les traditions. Elle parle aux Marocains, avec la distance bienveillante d’une l’expatriée, et provoque un rire complice.

Elle est suivie par Mimo Lazrak, ovni du stand-up marocain, qui séduit par son écriture ciselée et son autodérision. Son observation des classes sociales et des différences de genre, ses anecdotes sur sa quête du mariage, font mouche. Il récolte une standing ovation méritée.

Entre, ensuite, Ethan Lallouz, humoriste juif marocain, qui joue brillamment avec ses origines. Son sketch est un bijou d’humour noir et de réflexions identitaires. Il passe le micro à Erick Baert, un imitateur qui fait voyager le public entre les voix de Prince, Coldplay, Céline Dion ou encore, Johnny Hallyday, en moins de temps qu’il ne faut pour envoyer un message.

Sarah Lélé propose ensuite un set audacieux, à la croisée de l’humour social et du témoignage. Homophobie, culture du rire en Afrique et en France: son humour a du fond, de la forme, et suscite autant la réflexion que les éclats de rire. Puis Oualas, l’humoriste maroco-ivoirien, surgit avec une énergie irrésistible. Il parle du Canada, de la Côte d’Ivoire, de la Covid et fait de chaque anecdote une scène vivante. Enfin, Roman Frayssinet clôt la soirée avec son univers absurde et intelligent: il aborde la cuisine, l’argent, le Canada, dans un tourbillon hilarant où les contradictions deviennent poétiques.

Des voix et des visages derrière les rires

Dans les coulisses, certains témoignages donnent une autre profondeur à l’événement. Comme celui de Oualas, pour qui faire rire est une mission presque vitale. «On est tous de passage sur terre, des fois on se prend la tête pour rien... nous, les humoristes, on est là pour apporter cette gaieté», dit-il avec une sincérité désarmante. Lui qui se dit «très africain» malgré ses deux cultures, se sent chez lui au Maroc, où il retrouve des valeurs partagées entre nord et sud du continent. «Quand je fais rire les gens, j’oublie tout le reste», ajoute-t-il, comme un manifeste de vie.

Saoussane Hmidouch, créatrice de contenu, connue sous le nom de «saocurious» sur Instagram, raconte, quant à elle, l’envers du décor. Depuis les réunions de préparation jusqu’aux répétitions, elle a suivi l’équipe pour réaliser un mini-documentaire sur la naissance de ce festival. «L’idée, c’est de montrer les coulisses d’un événement culturel et artistique au Maroc», explique-t-elle. Ce regard en immersion témoigne d’un travail de fourmi, mais aussi d’une passion commune entre organisateurs et artistes. Elle souligne une équipe «passionnée», un enthousiasme communicatif et une volonté sincère de faire du Comediablanca un moment de célébration du rire, mais aussi de la culture marocaine.

L’envers du décor

Comediablanca n’est pas un festival de plus dans une programmation culturelle. C’est un projet enraciné. Le choix des artistes, le format de la scène, le clin d’œil à la culture populaire marocaine avec l’annonce des humoristes sur l’envers d’un plat Taous, tout a été pensé pour affirmer une identité forte. Ce n’est pas un simple spectacle de stand-up, mais une déclaration d’amour à Casablanca, à sa diversité, à son humour, à son public.

Au terme de la soirée, une chose est sûre: Comediablanca ne se contente pas de faire rire. Il rassemble, il relie, il crée du lien. C’est un espace de liberté, un miroir tendu à la société, un laboratoire d’idées et d’identités. À travers l’humour, il aborde des questions sociales, culturelles, parfois politiques, toujours humaines.

Cette deuxième édition confirme ce que beaucoup pressentaient déjà: Comediablanca est en train de s’imposer comme un rendez-vous incontournable de la scène culturelle marocaine. Et le public, lui, en redemande.

Par Camilia Serraj et Said Bouchrit
Le 04/06/2025 à 18h35