Entre satire sociale, hallucination collective et quête identitaire, Lasri poursuit son exploration de l’âme marocaine contemporaine avec une plume aussi libre que tranchante. L’histoire de «Lénine, réveille-toi, ils sont devenus ouf!» se déroule à Casablanca, dans un futur proche. Un homme ivre tire un câble au sol et provoque une explosion. Miraculé de l’accident, il devient malgré lui le suspect numéro un d’un attentat visant des installations secrètes. Ce point de départ absurde sert de tremplin à un récit fiévreux, où les autorités s’enlisent dans une enquête aussi paranoïaque qu’absconse. Le roman interroge: pourquoi cet homme? Pourquoi cette explosion? Et surtout… pourquoi tout cela semble si familier?
Avec un humour acide et une lucidité crue, Lasri dresse un portrait sans concession d’une société perdue entre médiocrité collective et perte d’élan onirique. Il s’appuie sur des indicateurs bien réels — taux de suicide en hausse, indice de bonheur au plus bas — pour nourrir une fiction délirante, à la frontière du politique, du spirituel et du grotesque.
Une œuvre visuelle et littéraire
En 42 chapitres illustrés de 42 dessins réalisés par l’auteur, ce roman graphique et littéraire explore la psyché d’un antihéros aux prises avec un monde qui ne tourne plus rond. C’est une fresque éclatée, un mille-feuille d’émotions artificielles, de souvenirs fictifs et de vérités déformées, où se mêlent spiritualité, satire et autofiction décalée.
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Dramaturge, romancier, cinéaste, bédéiste et créateur de web-séries, Hicham Lasri est une figure inclassable de la scène artistique marocaine. Son œuvre, multiforme et engagée, oscille entre provocation joyeuse et désespoir lucide. Depuis «Static» (2010) jusqu’à «Punk Fitna» (2024), il n’a cessé de défricher des territoires littéraires et visuels inédits.
Son univers, nourri de cinéma indépendant (plusieurs films sélectionnés à la Berlinale et à Cannes), de théâtre subversif (Arabe Lives Matter, 2024), de BD dérangeantes («Redrum», à paraître) et de web-séries grinçantes («Caca Mind», «Fitna & Fitness»), s’inscrit dans une démarche résolument marginale et libre.