Après six longues années de travaux de restauration, le Musée Al Batha des arts de l’islam s’est offert une nouvelle vie. Un espace rénové qui aspire désormais à devenir «un pilier culturel majeur» et «un véritable symbole du vivre-ensemble», selon les mots de Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées (FNM).
En franchissant le portail monumental, le visiteur est immédiatement frappé par la splendeur retrouvée des lieux: plafonds délicatement peints, zelliges restaurés, boiseries patinées par le temps… Dix salles réaménagées racontent désormais l’histoire de l’islam au Maroc, de l’époque préislamique aux fastes des dynasties successives, tout en rendant un hommage appuyé à l’âme singulière de Fès. Un jardin à la végétation luxuriante, redessiné avec l’aide de maîtres artisans, accompagne le parcours et offre au visiteur une parenthèse de sérénité.
Un message fort
Mehdi Qotbi, président de la fondation des musées, rappelle que l’auteur de cette renaissance est le roi Mohammed VI. Il ne manque pas de rappeler l’âme de ce projet: «C’est toujours un bonheur de voir un lieu aussi magique et extraordinaire accueillir à nouveau des visiteurs. Ce musée va enrichir l’offre touristique et culturelle de la ville de Fès et, au-delà, renforcer le rayonnement de tout le Royaume. Le coup d’envoi, donné par Sa Majesté le Roi en 2019, vise à préserver et valoriser un patrimoine rare, qui incarne l’islam marocain du vivre-ensemble et de la tolérance.»
Ces paroles révèlent la vocation du musée: devenir un véritable outil de dialogue. Pour celui qui a chapeauté son projet de rénovation, l’objectif est on ne peut plus clair. «C’est un message fort que le Maroc envoie au monde dans une période agitée. Dans une période de guerre, il y a une voie, la voie du Maroc, la voie de la paix, de l’amour et du vivre-ensemble», confie-t-il.
Afin de constituer la collection exposée, près de 7 000 œuvres ont été soigneusement examinées. Quelque 700 pièces, sélectionnées avec minutie, sont désormais accessibles au grand public: «Quasiment la totalité des œuvres qui seront exposées proviennent de nos collections internes, c’est-à-dire des musées du Maroc, des richesses du Maroc. Et en même temps, nous avons acquis des objets pour enrichir cette belle collection.»
La collection exposée au Musée Al Batha. (Y.ElHarrak/Le360)
«Vous allez découvrir des merveilles, des pièces étonnantes. Ce musée, je pense, deviendra l’un des plus grands au monde, ici à Fès. Parmi les pièces majeures exposées, nous avons ce minbar datant du 10ème siècle, l’un des plus anciens encore conservés. Bien évidemment, nous avons aussi des pièces de monnaie du 10ème siècle, frappées sous le règne de Moulay Idriss Ier, ainsi que bien d’autres trésors rares… Je laisse au public le plaisir de venir explorer ce bijou exceptionnel», invite le président de la Fondation nationale des musées.
Un accès à la culture pour tous
Si le musée entend jouer un rôle majeur dans la promotion de l’histoire et des arts islamiques, il souhaite aussi attirer et sensibiliser un large public, notamment les plus jeunes. En ce sens, Mehdi Qotbi rappelle que «tous les mercredis, l’entrée est gratuite pour les jeunes sur présentation de leur carte d’étudiant, et tous les vendredis, les musées de la Fondation sont gratuits pour l’ensemble des Marocains. Nous espérons ainsi encourager chaque citoyen, en particulier la jeunesse, à emprunter le chemin de la lumière, de la connaissance, de la beauté et, bien sûr, de l’histoire».
Le président de la FNM table sur un afflux massif de visiteurs: «Je ne peux pas prédire un chiffre exact, mais je pense que nous accueillerons plusieurs centaines de milliers de visiteurs par an, attirés autant par les merveilles du musée que par la richesse unique de cette ville exceptionnelle, qu’est Fès.»
Des hôtes d’exception saluent cette ré(ouverture)
Parmi les personnalités marquantes de l’inauguration, deux sommités scientifiques ont exprimé leur enthousiasme: Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022, et Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012. Pour Alain Aspect, «c’est un musée absolument extraordinaire, et c’est un immense honneur d’avoir pu le visiter ainsi, guidés par des experts. Cette perspective sur la culture millénaire de ce pays est vraiment magnifique.»
Quant à Serge Haroche, né au Maroc, il est revenu avec émotion sur ses origines: «Je suis heureux d’avoir eu l’occasion de revenir au Maroc. Je fais découvrir ce pays à mes collègues scientifiques, dont certains viennent pour la première fois. Nous avons visité Volubilis il y a quelques jours et, aujourd’hui, ce musée nous montre la continuité et l’échange entre les civilisations préislamiques et islamiques. J’espère que ce sera un exemple pour le reste du monde sur la manière dont des gens aux croyances différentes peuvent vivre ensemble.»
Cette dimension du «vivre-ensemble», soulignée à plusieurs reprises lors de la cérémonie, fait écho aux valeurs de Fès, berceau culturel et spirituel du Maroc, et à l’histoire plurielle de la ville. L’essence même du Musée Al Batha qui vient de rouvrir ses portes.