L’exception judéo-marocaine

Zineb Ibnouzahir

Zineb Ibnouzahir . Achraf Akkar

ChroniqueLes plus âgés d’entre nous vivaient la cohabitation entre Marocains de confessions différentes comme quelque chose de normal. C’était normal de partager ensemble le repas du Shabbat, le couscous du vendredi et de fêter la Mimouna, cette autre exception marocaine…

Le 22/11/2020 à 12h01

C’est sans tapage médiatique, ni aucune communication spécifique que le Maroc a intégré dans l’un des manuels scolaires de l’enseignement primaire des cours dédiés à l’histoire et à la culture judéo-marocaines.

Depuis la dernière rentrée scolaire, les enfants marocains de la 6e année du cycle primaire apprennent à connaître ou à mieux connaître leurs concitoyens de confession juive, à en savoir plus sur leurs traditions, leur passé, leur identité, leur marocanité. Ces cours, qui s’inscrivent dans un chapitre dédié à la dynastie alaouite, sont d’autant plus une exception dans les pays arabo-musulmans qu’ils sont dispensés en langue arabe.

Si on a pris pour habitude de dénoncer la piètre qualité de l’enseignement public au Maroc et à épingler souvent le contenu de certains manuels scolaires, il faut aussi savoir applaudir les avancées et en l’occurrence, celle-ci en est une de taille. Elle touche à notre histoire et de facto, à notre identité et grâce à ce cours enfin dispensé, c’est avec une partie de nous-mêmes que nous faisons plus ample connaissance.

Depuis la promulgation de la nouvelle constitution en 2011, où il est affirmé en préambule que l’unité de notre pays est forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, et que cette unité s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen, des initiatives concrètes telles que l’enseignement du judaïsme marocain, mais aussi la création de Bayt Dakira à Essaouira, sont plus que bienvenues.

Les plus âgés d’entre nous n’ont pas eu accès à ces cours, toutefois, nous vivions la cohabitation entre Marocains de confessions différentes comme quelque chose de normal. C’était normal de partager ensemble le repas du Shabbat, c’était normal de partager le couscous du vendredi ensemble, et de fêter la Mimouna, cette autre exception marocaine, ensemble aussi… On parlait darija, comme on parlait hébreu –ne serait-ce que quelques mots tout du moins– et ensemble, pendant ces soirées conviviales qui nous réunissaient, on chantait à tue-tête le répertoire musical de notre pays commun, le Maroc.

Mais aujourd’hui, les jeunes générations font leur apprentissage de la vie sur les réseaux sociaux et s’exposent comme jamais nous ne l’avons été nous-mêmes à des discours de haine, portés souvent par des prêcheurs venus d’ailleurs, qui diffusent une vision tronquée de notre religion, qui catégorisent la vie et ses tenants de façon manichéenne, entre "haram" et "halal". Il était grand temps de nous repencher sur notre histoire, riche par ses métissages et d’apprendre à ces citoyens de demain que le Maroc, ce n’est pas qu’un drapeau sous lequel on se range, ce n’est pas qu’une seule culture, ni qu’une seule religion. Le Maroc, c’est bien plus que cela, c’est un symbole à plus d’un titre de valeurs nobles et humaines.

Cette initiative marocaine, qui a été applaudie à tout rompre par la communauté juive séfarade aux Etats-Unis, nous rappelle à tous ce qu’est cette exception marocaine dont nous devons être fiers. Car à l’heure où l’islam et les musulmans sont plus stigmatisés que jamais, que leur religion est associée par certains médias et politiques occidentaux à une religion de haine, le Maroc rappelle, sans fanfaronner pour autant, ce que sont les véritables valeurs de fraternité. Celles qui font que l’on dispose de la même nationalité, que l’on porte à son pays le même amour, quelle que soit la croyance religieuse. C’est dans ces différences que l’on se retrouve, qu’on en apprend sur soi-même en découvrant l’autre, qu’on se respecte et qu’on s’aime. 

Par Zineb Ibnouzahir
Le 22/11/2020 à 12h01

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Mon grand père rahimahou Allah avait des larmes aux yeux chaque fois qu'on parlait de la Palestine. Jadis c'était l'exception Phélestinie-Marocaine.

simple question, Qu'ont fait les juifs d'Algérie quand Napoléon 3 avait décrété que :"tous les juifs d'Algérie peuvent s'octroyer la nationalité française"? On ignore peut etre cette loi , qui fut promulgué suite à une pétition des juifs algériens adressé à Napoléon 3 où ils réclamaient leur naturalisation. Ils sont toujours du coté des vainqueurs.

Merci à vous de rappeler cette vérité historique. Je vous confirme que même si j'appartiens à une ancienne génération j'ai le plus grand respect pour nos compatriotes de confession juive. Je sais que eux aussi sont fières d'être des marocains; ils portent très haut notre civilisation judéo-marocaine. Pour terminer mes propos je peux vous dire que nous avons tant à partager avec nos compatriotes de confessions juive qu'avec tous les arabes réunis.

Je partage à 100%

Ce n'est pas un hasard ce sont nos siècles d'Histoire qui ont construit cette mosaïque d'identité et de tolérance. La question palestinienne dans tout cela ? La façon dont elle a été introduite chez nous par les panarabistes a été une erreur monumentale. On y a perdu une partie de nos citoyens juifs partis malgré eux. Vers la fin des années 60, j'étais petit et j'ai habité deux quartiers d'Errachidia qui avait un autre nom. Ces deux quartiers étaient à moitié juifs. Aucune différence entre les habitants. Les anciens respectaient mais les "militants" nous poussaient à harceler les habitants juifs. Ces familles quittaient les unes après les autres pour Israël. La tolérance était déjà de l'Histoire ancienne. Intérêt pour la Palestine ?

Bonjour Madame Zineb Ibnouzahir. Tel le suggère Monsieur Raphael que je salue, cette légitime mise à jour serait à remonter aux pré-Alaouites. Les musulmans unifiaient Oumma توحيد الأمة indépendamment de l’ethnicité. Les dhimmis أهل ٱلكتاب acquittaient Gizia الجزية versus une protection. Si l’universalisme réducteur pointe du doigt le Mellah الملاح reculant à 1438, le parallèle chronologique met en relief le marranisme durant la Reconquista et la disputa de Tortosa 1413 de Benedicto XIII. Les juifs furent présents à la cour du sultan Mérinide. Aaron Batash هارون بطاش fut vizir 7 ans à Fès. Après l’Alhambra 1492, le sultan Wattasside محمد الشيخ المهدي offrit protection aux réfugiés المهاجرين Soit trois siècles avant la révolution française. L’islam est le berceau de l’humanisme.

Loin de politiser ni altérer l'objectif de cette initiative hautement pédagogique , il s'agit d'apprendre aux générations futures : 1/le sentiment d'appartenance au territoire dépasse toute confession, toute ethnie. 2/ les differentes confessions ne seraient un obstacle pour la cohabitation et le respect des uns et des autres. 3/Les communautés avec leurs diverses cultures ne s'effacent avec leurs tombes mais survivent au cours de l'histoire par leur valeur rajoutée et surtout quand c'est une communauté de l'ECRITURE. 4/Le Maroc reconnait touts ses compatriotes en dehors de leur communautarisme confessionnel(Summum d' une leçon sur l'humanisme et la justice pour les petits apprenants en herbe.) 5/Une fierté pour nous d'avoir plus d'une culture, plus d'une confession, plus d'une vision. Arretons SVP de tatonner et observons l'utilité de cette initiative pour une identité plus humaniste à long terme.Si nous pleurnichons notre école actuelle et déplorons sa faillite éducative, rassurons-nous par ce grand geste et saluons cette avancée inouïe dans notre histoire ,SI non on aurait rien compris à cette petite leçon dédiée aux élèves de 6ieme AS (L'âge de la compréhension et du discernement) spectaculaire historiquement.

Bonjour Chère Madame Zineb Ibnouzahir, J'ai lu avec beaucoup d'intérêts votre publication., Je suis d'accord avec vous. Dans la conclusion de mon écrit " Juifs du Maroc des racines ou des ailes ?" publié en 2005 je rappelais dans la conclusion "... L 'Histoire est une grande dame, il appartient aux chercheurs et étudiants d'explorer en toute neutralité et impartialité les différents apports du judaïsme marocain ...... L'Epilogue de mon essai " De Jérusalem à Fès un nom" paru cette année, suggère la création d'une chaire de l'Histoire juive du Maroc ....... Merci pour votre article, il prouve l'ADN de nos chercheurs. C'est une belle avancée. Bon courage. Raphael DEVICO

La communauté marocaine de confession juive vivant à l'étranger pourrait avoir le même statut que les autres communautés marocaines. Mais...il y a quelque chose qui dérange dans cette approche. Une partie des juifs marocains a choisi combattre et spolier nos frères palestiniens dans le sang et à les pousser à l'exil avec des billets sans retour. Pas de rapprochement svp avec Israël sur le dos des Palestiniens...je cesserais d'être fier de mon pays.

@Boukry Vous êtes plus palestinien que les Palestiniens et moins patriote que les juifs marocains. Ils ne mettent pas de condition à leur attachement.

Quels sont ces intérêts stratégiques ?

Entre "le sentiment de fierté" et les intérêts stratégiques du Maroc, je n'hésiterai pas une fraction de seconde !

La culture judéo-arabe a connu son âge d'or avant l'arrivée des Romains, les croisades et au début du 19ème siècle avec le partage de l'Empire Othman entre les deux puissances de l'époque (Angleterre et France). Les accords de Balfour et la contribution financière de Rothschild créant ainsi un foyer Juif en Palestine vont affecter les rapports entre les fils d'Abraham. La France mandataire du Liban et de la Syrie va aussi créer un séparatisme entre musulmans et chrétiens. Ainsi le monothéisme, au lieu de rapprocher une partie des peuples, va les opposer les uns aux autres. Cependant, la montée de l'antisémitisme et de l'islamophobie, notamment dans les pays européens, est de nature à faire converger les opinions des juifs et arabes vers le chemin de la paix.

Les juifs ont été toujours dispersés un peu partout et ont trouvé refuge en Europe en Afrique, surtout du Nord, au Moyen Orient, en Europe de l'Est, surtout en maintenant en Amérique . Ils ont été expulsés de différents les lieux du Moyen Orient , spécialement de Bani Nadir aux environs de Médine avant de se réfugier à Khaybar duquel ils ont été expulsés . Auparavant ils ont été expulsés de différents lieux, notamment de France pas moins de 12 fois depuis l'année 533 même à Tome de César,d'Espagne avec les musulmans par la reine Isabelle de Castille avant de se réfugier un peu partout au Maroc notamment à Fez, dans l'Atlas et d'autres villes . Leur histoire contemporaine est un peu connue depuis le 2è guerre mondiale.S'ils ont vécu depuis,celà ne veut pas dire qu'ils sont d'origine Amazigh

Cette initiative vient un peu tardivement mais il vaut mieux tard que jamais. Hélas, nous n’avons plus que 3000 marocains de confession juive qui vivent toujours au Maroc, souvent des personnes âgées. Ceux-là, nous devons les chouchouter et les accompagner tendrement, car ils sont les derniers témoins de cette communauté religieuse avec qui nos parents et grands-parents ont vécu en harmonie avec respect et compréhension mutuels. L’éducation des jeunes d’aujourd’hui est également importante pour contrecarrer tous les discours d’intolérance auxquels ils sont quotidiennement exposés sur Internet. Le Maroc n’oubliera JAMAIS ses compatriotes, qu’ils soient au Maroc ou qu’ils viennent d’Europe, des USA, du Canada, d’Israel ou de n’importe quel pays.

En plus de l'éducation des juifs marocain, c'est un consulat d'Israel qu'il faut dans le Sahara marocain au plus prêt de la frontière algérienne

erratum : En plus de l'éducation des juifs marocains, c'est un consulat d'Israel qu'il faut dans le Sahara marocain au plus près de la frontière algérienne

Bien dit 👍

Bravo! Mais,attendez-vous à des tirs groupés, car il y a des personnes que la vraie vérité dérange! J'aimerais signaler certains petits détails,sans commentaire : 1/ Dans le pays Amazigh,les marocains de confession hébraïque parlaient Tamazighte.Certains portent,jusqu'à nos jours des noms amazigh (Azoulay, Oiknine,Zemmour...) 2/jusqu'en 1915,le drapeau Marocain avait l'étoile de david au centre,et c'est Lyautey qui l'avait supprimée.3/Beaucoup de marocains musulmans gardent toujours les noms hébreux de leurs ancêtres juifs convertis à l'Islam.Mieux encore,à une période récente de notre histoire,cette catégorie formait l'essentiel de l'élite marocaine.

Bel article, je suis en total accord avec ce qui y est dit

Bravo Mme Zineb pour tes textes laborieux , démonstratifs et utiles, car certains croient qu'en pratiquant un exhaussement de notre culture et se contentant de la décrire pourrait amener à faire immerger notre identité culturellement riche par son pluralisme, alors qu'il faut retrousser nos manches pour réaliser des avacées spectaculaires et bien sagement à un niveau scolaire très précoce et dans un lieu unificateur de valeurs qui n'est autre que l'ecole, ainsi la lANGUE et le TEXTE s'averent les armes puissants pour nous trouver une place et nous reconnaitre culturellement par les autres nations, il faut libérer notre langue de ce seul discours religieux (et catastrophique quand il est radical) en affleurant nos cultures (que nous connaissons parfaitement entre nous et ce n'est en le rappelant ou en leur apportant éloges qu'on arrive à les exporter) mais en pensant comment rendre notre culture une identité éducative loin du simple discours oral, il faut passer à un stade Supérieur de la reflexion, commencer par notre histoire, réele histoire qui trouve son prélude dans la constitution, cette histoire qui ne se détachera des diverses confessions humaines (acceptation de l'autre different, non idéologiquement mais ancré dans notre culture), cette histoire qui montrera la cohabitation humaine purement humaine nous conférant une identité culturelle fondée et ancestrale....viendra la géographie qui appuiera l'histoire, la philosophie de vie relative à chaque climat (un plus encore pour notre cher Maroc) ainsi de suite...et cela ne peut se faire qu'au sein et avec la LANGUE ...pour arriver à notre identité singulière avec notre pluralité culturelle mais attachée aux terriens par notre humanisme culturellement ancestrale. Les musées instaurés ne peuvent trouver echos et intérêt que s'ils sont intégrés comme concepts historiques au sein de l'école, de la jaillira des énergies humaines artistiques .. MAIS dans une stratégie cognitive et éducative globale et en symbiose avec la volonté de faire évoluer notre population pour un devenir meilleur.

À faire émerger...

les marocains de confession juive sont des amazighs de sang et de culture,les juifs d"origine palestinienne ont disparu il y a plus de 10 siecles,seuls les amazighis de confession israelite vivent aujourd"hui dans leur pays le maroc et d"autres vivent dans des pays étrangers mais restent attachés à leur origine marocaine dont ils sont fiers, les mellahs regroupaient musulmans et juifs,à fes,meknes,rabat et d"autres contrées marocaines même dans les campagnes!

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