Pourquoi les femmes n’auraient-elles pas le droit d’assister aux enterrements?

Famille Naamane

ChroniqueLors de l’enterrement de notre regrettée Aïcha Ech-Chenna, la présence féminine était importante. Des amies, des membres d’associations, des médecins, des pharmaciennes, des enseignantes, des avocates, des juges, des femmes de ménages, des commerçantes, des artistes...

Le 07/10/2022 à 10h59

Des femmes de tous profils venus accompagner cette femme qui a tant fait pour les mères célibataires et leurs enfants, contribuant grandement à la stabilité des familles.

Lorsque les hommes faisaient la prière de l’âcer dans la mosquée, les femmes attendaient à l’extérieur. Elles sont exclues de salate al janaza (prière mortuaire).

Un homme, connu et estimé à Casablanca, suivi d’un journaliste qui se faisait son écho, s’adresse à un groupe de femmes, dont moi, pour nous demander de respecter le protocole: lorsque les hommes sortiront de la mosquée pour aller vers la tombe, les femmes devront être en arrière et les hommes en avant du convoi.

La colère monta bien vite côté femmes et également chez quelques hommes.

J’ai pris à part ce Monsieur pour lui demander la raison de sa requête. Il me parle de protocole.

Moi: Quel protocole ? Je n’en ai jamais entendu parler. 

Lui: La présence des femmes aux enterrements est interdite.

Moi: Le Coran n’en parle pas.

Lui: Ce sont les habitudes.

Moi: Assidi, à une femme militaire ou pilote, on ne demande pas de se mettre à l’arrière. Nos impôts on les paye, on ne nous demande pas de reculer.

Pendant ce temps, la protestation montait chez les femmes. Ce Monsieur finit par me dire, contrarié: «faites ce que vous voulez si vous ne voulez pas respecter le protocole».

D’autres commentaires ont fusé lors de la mise en terre de la dépouille:

Un homme: «A’oudou billah mina ach-chaytani arrajim («je m’en remets à Dieu contre Satan»), les femmes ne doivent pas être là, c’est péché!»

Moi: Pourquoi assidi

Lui: C’est un enterrement et il y a la lecture du Coran. Les gens doivent être âala oudou’». («purifiés par les ablutions rituelles»).

Moi: Tous ces hommes sont purifiés? Et qui vous dit que les femmes ne le sont pas?

Un jeune homme intervient: Je suis un homme et je ne suis pas âla oudou’. Personne ne m’a chassé!

Lui : Toi tu n’es pas une femme maqdoura (souillée, impure par le sang des règles!)! C’est hram! Vous voulez rendre licite ce que Dieu interdit?

Et il se retourne pour psalmodier le Coran!

Quelles humiliations! Nous sommes encore dans l’ère préhistorique! Je regardais ces femmes. Quelle est leur valeur si elles sont maqdourates?

Alors allons à la source pour savoir ce que dit l’Islam sur cette question.

Le Coran n’en parle pas. Quant aux ulémas, il y a un désaccord entre eux. Les avis contre se basent sur le fait que les femmes ne devaient pas être visibles dans l’espace public et aux hommes. Ils se basent également sur un hadith, non classé comme authentique et souvent remis en question. Le Prophète aurait dit: «Allah a maudit Zawwarates des cimetières». (Pouvant être traduit par visiteuses des tombes). Le mot zawwarates a été défini par de nombreux ulémas comme la démesure, l’exagération et non se rapportant à la présence des femmes aux cimetières.

En outre, la femme était considérée comme faible et incapable de maîtriser ses émotions.

Il faut dire qu’il y avait également des rituels: se rouler dans la terre, se griffer le visage, hurler pour exhiber sa peine. Rituels qui n’existent plus aujourd’hui, surtout de la part des femmes qui décident de braver les résistances et d’assister aux enterrements.

Certaines sources indiquent même que salate al janaza est permise aux femmes, soit à la mosquée, dans une maison ou ailleurs. Il semblerait que du vivant du Prophète, les femmes participaient à la prière mortuaire dans sa mosquée. Elles auraient continué à le faire même après son décès.

De très nombreux ulémas affirment que la présence des femmes dans les cimetières est autorisée.

Au Maroc, nous suivons le rite Malékite et imam Malik a autorisé la prière des femmes, se basant sur un hadith rapporté par l'imam Ibn Abu Chaiba d'après Abou Horeïra, qui a dit que le Prophète assistait à des funérailles quand il a vu son compagnon Omar réprimander une femme. Le Prophète, lui a dit: «laisse-la ô Omar!» (Rapporté par Ibn Majah et Nassai).

D'après Abou Said Al Khoudri, compagnon du Prophète, le Prophète a dit: «certes je vous avais interdit de visiter les tombes, maintenant visitez-les, car il y a dans cette visite une leçon…». (Rapporté par Ahmed et authentifié par Cheikh Albani dans Ahkam Janaiz, p. 228).

En 2020, le député Omar Balafrej a interpellé le ministre de l’Intérieur et le Ministre des Habous et des Affaires islamiques sur une aberration: à Marrakech, une femme, accompagnée de sa mère, sa sœur et sa tante, a été interdite d’accès au cimetière lors des obsèques de son père.

«Au début, c’est le gardien du cimetière qui m’a fermé la porte au nez. Une autre personne est venue me dire que c’était hram [péché] et que je ne pouvais pas assister à l’enterrement de l’un des êtres les plus chers à mon cœur», témoigne F.M., ex-cadre dans plusieurs institutions du pays. 

L’exclusion des femmes des enterrements est dégradante, discriminatoire. Elle émane d’une confusion entre la religion et les coutumes. Aucun texte de loi ne justifie cette exclusion. Il s’agit purement et simplement de traditions sacralisées.

L’Etat devrait se prononcer sur ce genre d’absurdité pour briser des interdits sociaux, considérées comme sacrées, en contradiction avec la religion et faisant office de lois, pour lutter contre les résistances qui freinent l’évolution de la société. 

Et dire que dans le lieu le plus saint de l’Islam, la Mecque, le pèlerinage s’effectue de façon mixte, sans aucune barrière entre les hommes et les femmes, sans protocole…

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 07/10/2022 à 10h59

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وَلَا تُصَلِّ عَلَىٰ أَحَدٍ مِّنْهُم مَّاتَ أَبَدًا وَلَا تَقُمْ عَلَىٰ " "قَبْرِهِ ۖ إِنَّهُمْ كَفَرُوا بِاللَّهِ وَرَسُولِهِ وَمَاتُوا وَهُمْ فَاسِقُونَ سورة التوبة هذا كل ما وجدت في القرآن الكريم، و هو امر الله سبحانه وتعالى لرسول الكريم ألا يقف على قبر فاسق. غير هذا فإن السيدة المحترمة و جميع النساء بإمكانهم حضور الجنائز و الله عز وجل لم يقل بمنعهم . J'ai préféré m exprimer en arabe pour être le plus proche de réalité du coran

Bsr professeure.Je pense qu'il faut laisser les femmes accompagner leurs morts à leurs dernières demeures.Toutefois elles ne doivent pas perturber l'ordre funéraire par des pleurs ou des lamentations trop excessives.Il est vrai que la séparation d'avec un être cher n'est pas chose facile,il faut quand même un peu de retenue de la part et des hommes et des femmes.Une femme a perdu sa fille.Au cimetière,elle s'est donnée en un spectacle...Le plus terrible c'étaient ses blasphèmes:"Ô Dieu,je T'adorais pour ma fille.Maintenant que Tu me l'as prise,je ne vais plus Te vénérer." Venir au cimetière est un moment pour se rappeler que la mort est là,que Dieu peut nous rappeler auprès de Lui à tout moment,qu'il faut oeuvrer pour l'au-delà et qu'il faut prier pour nos morts et tous les morts.B fête.

Bonsoir c est humain d avoir des émotions fortes dans ces conditions on ne doit en aucun cas faire aucun commentaires desobligeant.

No comment. Simplement, signaler cette métaphore faite par un commentateur : répudier l'islam ....Courageux comme perspective mais que ne ferait on pas pour être en harmonie avec soi-même . Marre du discours religieux - décalé à l'ère de l'IA et du numérique... qui doit être personnel , et ne pas s'immiscer dans le vie sociale... Il est permis de rêver!!!

Quand on accompagne un mort ce n'est pas pour faire la fête,il faut respecter l'émotion et le chagrin de chacun et de chacune. On n'a pas à appréhender les femmes dans un moment d'émotion, c'est contraire à la paix et à la prière.il faut veiller à la santé et le chagrin de tous. Ne pas laisser le au revoir d'un mort troublé par des problèmes. Gardez un bon récit de son enterrement.

Aala oudo Quel argument ? Mainte fois en tant qu’homme, j’ai quitté les toilettes pour rejoindre le cortège funéraire. Amon Avis, nos femmes sont très sensibles et ont du mal à maîtriser leurs émotions. Imaginez vous un enterrement qui tourne en mendba « hay ha hay hay ». Ce phénomène est un phénomène culturel. Changeons la culture avant de changer les lois. Cette pratique Judéo/musulmane doit cesser d’exister.

Tout a fait d'accord! Celles qui donnent la vie, sont légitime d'assisté à la mort.

Bonsoir Madame Soumaya Naamane Guessous. Ces charlatans donneurs de leçons sont pénibles, irrécupérables et malheureusement nombreux. Ils sont convaincus qu'il leur revient de réprimander tout comportement non conforme à ce qu'ils considèrent comme parole divine. D'ailleurs, il parle de Dieu comme s'il parle d'un copain, c'est absolument affligeant. Comment peut-on penser que les femmes sont souillées et impures, alors qu'on est sorti de leur ventre où on a été développé et nourri grâce à leur sang? Il faut vraiment avoir les fils qui se touchent! Cordialement.

Juste un témoignage À Médine (al Madina al Mounawara) non loin de la Mosquée où repose notre Prophète Sidna Mohammed (Salla Allaho Alalayhi Wassalam) il ya le cimetière al Baqî’ - j’ai vu plusieurs gardiens muni de longues branches de bois très fines avec lesquels ils empêchent les femmes d’y accéder (ziara) J’ai vu aussi à l’intérieur de Jannat al Baqî’ un afghan qui prends une pierre et la placer au creux de ces deux mains tout en récitant Douaa sitôt un jeune gardien lui arrache la pierre et repose doucement à sa place en lui disant nous n’avons pas de tel agissements dans l’islam. Je m’adresse à ce jeune en lui dite moi pourquoi on interdit aux femmes d’y accéder dans ce lieu où reposent des milliers de compagnons du Prophète (SAW) ? Sa réponse fut qu’elle fassent pire !

Merci pour cette réflexion. J'ai moi-même tenu à assister à l'enterrement de mon père. Des femmes m'ont tirée par le capuchon de ma djellaba, mais j'ai avancé, et un homme a dit "laissez-la" Il m'a ouvert la porte de sa voiture en me précisant"c'est juste pour la mosquée". J'ai remercié. Après la prière, il m'a dit "ma femme vient pour te ramener à la maison". La femme arrivée, j'ai demandé de suivre le flot des voitures. Elle a dit "d'accord, mais je te dépose, je ne rentre pas dans le cimetière". J'ai dit qu'elle en serait récompensée au Paradis. A l'entrée du cimetière, un vieil ami de mon père m'a pris la main, et m'a dit "Viens ma fille, viens accompagner ton père". Il avait l'âge et l'autorité morale qu'il fallait pour m'imposer aux autres. J'ai assisté à l'enterrement.

On est mentalement colonisé par les idées rétro-fascistes des des Khalijis. Si j’étais une femme, je répudie l’islam.

La misogynie et non l'Islam ont completement discrédité le monde musulman. Nous passons pour les plus arriérés du monde. Cet exemple en est un parmi tant d'autres. Aux femmes de se revolter contre cette violence et ce mépris permanents et aux hommes eclairés de les soutenir.

Vous avez raison. Ces traditions sacralisées, souvent absurdes et étrangères à l'Islam sont parfois un frein à notre évolution et à notre sortie du sous-développement social. Une seule façon comme vous le dites, que l'état tranche et dise ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. J'ai eu une discussion récemment avec une personne de la famille qui m'assurait sans broncher que laver un œuf avant de le casser était une obligation de l'Islam. Une absurdité mais une réalité.

Bonsoir PARA_DOX. Laver un oeuf consiste à enlever la protection qui se trouve à sa surface et de ce fait, on favorise la pénétration des germes à l'intérieur de l'oeuf. Donc ...Cordialement.

Une hygiène rassurante mais excessive. Je n'ai rien trouvé sur le sujet car j'ai fait mes petites recherches.

Laver un œuf relève encore plus de l'hygiène et de la protection de votre santé contre les salmonelles.

A ma connaissance, "Salat el Janaza" n'est pas une obligation "Farida" mais une pratique recommandée "Sounna" qui constitue un moment privilégié de recueillement collectif, ne ressemblant pas à la pratique des cinq autres prières obligatoires, où des prières (da3awi) sont invoquées pour la personne décédée et son âme au lieu de la récitation des sourates du saint Coran. Logiquement (du point de vue de la religion je n'en sais rien), rien n'empêcherait la présence des femmes à cette occasion puisque elles peuvent le faire à "Lamssala" à l'occasion des fêtes de "Aïd Sghir" et "Aïd Lekbir", pour lesquelles "Salat el Aïd" est obligatoire, en étant séparées des hommes. Ouallahou A3lam comme on dit. Que font les autres pays musulmans comme la Turquie ou l'Indonésie par exemple pour gérer cela?

Notre société a du mal à avancer face à ces traditions d'un autre âge. La jeunesse a du pain sur la planche. Merci madame, d'aborder ces sujets et de faire réfléchir certains d'entre nous.

Merci beaucoup Madame. Lors d'un enterrement, ce n'est pas seulement le fait d'accompagner nos morts à leur dernière demeure qui nous est interdit, nous les femmes, mais aussi de les pleurer et de vivre pleinement notre chagrin avec toutes ces traditions marocaines lors des obsèques, la sadaka du soir de l'enterrement, les 3 jours après le décès...

Mme Guessous, il n'est écrit nul part dans le coran qu'il lui est interdit d'assister a l'enterrement, mais selon divers hadiths, il existe deux cas, l'un est "Makrouh Tanzihi" selon les écoles châféites, hambalite et mâlékite Et il y a "Makrouh Tahrimi" selon l'école hanafite, Toutefois rien n'interdit a la femme d'assister aux funérailles ou a l'enterrement quand elle est saine. de nos jours on voit différentes femmes assister aux funérailles

Bravo Madame

La prière mortuaire est autorisée pour les femmes dans les massajid. Là, ça n’a pas été le cas apparement.

Il faut des oulémas courageux pour se pencher sur les dérives employées par certains, au nom de la religion de l'Islam, pour interdire aux femmes musulmanes leurs droits au même titre que les hommes. Beaucoup d'interdits, beaucoup de discriminations dans le droit des femmes particulièrement dans le processus de l'héritage, dans le devoir d'accepter des concubines, etc... Quelqu'un s'était-il penché sur les environnements qui avaient milité en faveur de ces différences et ces environnements sont-ils aujourd'hui présents ou appliqués ? C'est cela la question que nos oulémas devaient se poser. BS

Excellent..

Bien dit. Il faudrait beaucoup plus de debats sur de tels sujets (dans les lieux de culte, a la tele et la radio, webcasts). Beaucoup de pratiques anachroniques et dont les enseignements ont ete mal interpretes furent sacralisees sans justification, juste car il n'y a plus d'ijtihad et meme quand cest essayé les obscurantistes dopé a la pensee du golfe font que tout bloque.

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