Étudiants à l’étranger: comment transformer la fuite des cerveaux en levier de développement

La France accueille plus de 400.000 étudiants étrangers dans ses universités et grandes écoles, dont plus de 48% venant du continent africain.. Stephane AUDRAS/REA

Revue de presse Chaque année, près de 60.000 jeunes Marocains quittent le pays pour étudier à l’international, séduits par des opportunités étrangères. Mais, derrière ce mouvement massif se cache un enjeu stratégique: le Royaume parviendra-t-il à transformer cette mobilité en atout national, plutôt qu’en perte sèche pour son économie et son innovation? Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Éco.

Le 13/10/2025 à 19h05

Chaque année, près de 60.000 étudiants marocains quittent le Royaume pour poursuivre leurs études dans des universités étrangères. Ce mouvement massif, qui traduit à la fois une aspiration individuelle et un enjeu collectif, pose une question essentielle, soutient le quotidien Les Inspirations Éco: comment transformer cette mobilité académique en un véritable levier de développement national, plutôt qu’en une simple perte pour l’économie marocaine?

Une étude menée par les chercheurs Aomar Ibourk et Tayeb Ghazi et relayée par le quotidien apporte un éclairage inédit sur cette problématique. Leur analyse met en évidence une politique de mobilité encore largement orientée vers la facilitation du départ, sans réelle stratégie de suivi ni de retour.

Ce déséquilibre contribue à renforcer un phénomène bien connu, celui de la fuite des cerveaux. Les chiffres de l’UNESCO sont éloquents. En dix ans, le nombre d’étudiants marocains à l’étranger a augmenté de 73%, passant de 40.285 en 2011 à près de 70.000 en 2021.

La France demeure la première destination, accueillant à elle seule près de la moitié des effectifs, soit environ 33.000 étudiants. Le Canada, l’Espagne et l’Allemagne attirent également une part croissante de jeunes Marocains désireux de poursuivre leurs études à l’international.

Pourtant, les moyens institutionnels mis en place pour encadrer ce flux restent modestes, note Les Inspirations Éco. Comme le rappellent les chercheurs, les programmes de bourses directement gérés par le ministère de l’Enseignement supérieur ne représentent qu’une fraction infime du nombre total de départs enregistrés chaque année.

L’analyse de plus de 200 programmes promus par le ministère révèle un déséquilibre structurel. Selon les auteurs, le ciblage des étudiants marocains n’est pas le fruit d’une stratégie proactive élaborée par le Royaume, mais découle principalement des critères d’admission fixés par les pays et les établissements d’accueil. Autrement dit, le Maroc forme ses meilleurs profils pour répondre aux besoins des marchés étrangers, au lieu de les orienter vers ses propres priorités économiques et industrielles.

Les filières considérées comme stratégiques pour le développement national, telles que les énergies renouvelables, l’industrie 4.0 ou encore la santé, demeurent marginales dans l’offre actuelle de mobilité publique, a-t-on pu lire.

Cette situation traduit un manque d’alignement entre la politique de formation à l’étranger et les besoins réels du tissu économique marocain. C’est une fois les étudiants partis que les lacunes apparaissent avec le plus de netteté. D’après l’étude, leur suivi académique est entièrement confié aux établissements étrangers, sans que les institutions marocaines ne maintiennent de lien actif avec eux.

Cette rupture du lien institutionnel prive les étudiants d’informations précieuses sur les opportunités de carrière au Maroc et contribue, de facto, à leur intégration durable dans les pays d’accueil, écrit Les Inspirations Éco. Ces derniers, à l’inverse, déploient des politiques attractives de visas post-études et de mise en emploi, favorisant leur rétention.

Les chercheurs dénoncent ici un véritable «impensé stratégique». Le Royaume, expliquent-ils, ne dispose d’aucun dispositif clair et institutionnalisé pour encourager le retour de ses diplômés et faciliter leur insertion sur le marché du travail national. Pour remédier à cette situation, l’étude appelle à une refonte profonde du dispositif actuel.

Il ne s’agit plus de se contenter d’un portail passif d’information, mais de construire une plateforme d’orientation active capable d’accompagner les étudiants à chaque étape de leur parcours. Les chercheurs préconisent également la création de bourses d’excellence spécifiquement destinées aux domaines prioritaires pour le développement du pays, tels que les nouvelles technologies, la transition énergétique ou la santé publique.

Ils insistent, en outre, sur la nécessité de développer un accompagnement continu pendant la période d’études à l’étranger, de renforcer les réseaux d’anciens étudiants marocains et d’offrir aux diplômés des perspectives de carrière claires à leur retour au pays.

Ces mesures permettraient de transformer la mobilité étudiante en véritable moteur d’innovation et de compétitivité et rejoignent les directives royales du 20 août 2022, qui appelaient à repenser la politique nationale en faveur de la diaspora marocaine et à valoriser son rôle dans la transformation économique du pays.

L’étude invite le Maroc à s’inspirer de certaines expériences étrangères réussies. En France, par exemple, le dispositif Campus France centralise et structure l’ensemble du parcours étudiant, depuis la candidature jusqu’à l’obtention du visa.

En Allemagne, le DAAD (Office allemand d’échanges universitaires) adopte une approche proactive de communication, multiplie les bourses ciblées et entretient un lien constant avec ses étudiants à l’étranger.

Ces modèles se distinguent par leur capacité à créer de véritables réseaux de compétences et à maintenir un lien durable entre les étudiants et leur pays d’origine, tout en valorisant le retour.

Par La Rédaction
Le 13/10/2025 à 19h05