Agriculture: tout savoir sur l’homologation, la commercialisation et l’usage des pesticides au Maroc

Pesticides.. DR

Source d’inquiétude pour les consommateurs, la présence de pesticides dans les produits agricoles est pourtant l’objet d’une série de contrôles assurée par l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Voici comment l’organisme public gère l’homologation des produits phytosanitaires, encadre leur commercialisation et leur usage et contrôle leur présence dans les fruits et légumes proposés dans les marchés.

Le 25/05/2023 à 08h33

La présence de résidus de produits phytosanitaires (communément appelés pesticides) dans les aliments consommés au Maroc est souvent décriée par les associations de protection du consommateur. Ces dernières pointent du doigt le danger que représentent ces produits chimiques, utilisés par les agriculteurs pour éliminer insectes et parasites, et dont le contrôle échapperait parfois aux radars des autorités sanitaires.

Le 28 mars 2023, le ministère de la Santé et de la Protection sociale avait lancé un appel à consultation pour la réalisation d’une étude sur l’effet des pesticides de santé et d’hygiène publiques (PSHP) sur la santé humaine et l’environnement. Objectif: établir une liste des pesticides considérés comme «hautement dangereux» selon les critères établis par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Plus de 1.000 pesticides autorisés

Cette annonce a remis au goût du jour les interrogations sur le contrôle des produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques, tâche dévolue à l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). Ce dernier a mis en place un index phytosanitaire listant les 1.135 pesticides autorisés au Maroc (et issus de 327 substances actives), principalement utilisés dans la culture des fruits et des légumes, notamment la tomate, les agrumes, la vigne, les blés, et la pomme de terre. «Le Maroc est l’un des pays qui utilise le moins de produits phytopharmaceutiques, avec une quantité moyenne de moins d’1,5 kg de produit par hectare. D’autres pays en utilisent jusqu’à 9 fois plus, selon les données de la FAO», indique l’ONSSA, contacté par Le360.

Quelques données de l’index phytosanitaire de l’ONSSA

Nbre de pesticides autorisésNbre de substances activesNbre d’entreprises homologuéesNombre de fournisseurs
113632770202

D’après l’Office, ces produits sont soumis à une procédure d’homologation, dont les critères de sécurité correspondent aux exigences internationales les plus rigoureuses en la matière. Concrètement, un importateur souhaitant commercialiser ce type de produits doit d’abord demander un agrément auprès de l’ONSSA, en respectant un cahier des charges précis. Ce dernier stipule, entre autres exigences, la nécessité de disposer de locaux de stockage aérés et sécurisés, dans une zone éloignée des lieux d’habitation. Une commission dédiée étudie les demandes et délivre son approbation au bout d’un délai variant de 6 à 12 mois.

L’homologation, un long processus

Une fois l’agrément obtenu, place à l’homologation des produits. Une commission, composée du ministère de l’Intérieur, des départements de l’Agriculture, de la Santé, du Développement durable, de l’Eau, de l’Industrie et des Douanes, évalue la toxicité de ces pesticides, leur efficacité et leur innocuité par rapport à la santé humaine et animale et à l’environnement. Généralement, le processus d’homologation d’un nouveau pesticide dure entre 2 et 4 ans.

L’importateur et le distributeur des produits homologués sont tenus de respecter les impératifs de conditionnement, de stockage et de transport des produits, faute de quoi ils risquent une suspension de leur activité, voire le retrait de l’agrément pour l’importateur. «Durant les 5 dernières années, plus de 300 produits ont été retirés du marché et quelque 1.300 revendeurs ont été accompagnés dans leur mise à niveau, notamment en ce qui concerne l’aménagement des locaux, la gestion des produits et la tenue de registres d’achat et vente assurant la traçabilité de ces produits», révèle l’organisme.

Comme le précise l’ONSSA, les décisions d’homologation de chaque produit comportent «toutes les informations pour une utilisation raisonnable, sûre et efficace, en l’occurrence la dose à respecter, le délai avant récolte (DAR) à partir duquel la récolte est possible et le nombre de traitements à ne pas dépasser, pour que le produit réponde à l’exigence de la limite maximale de résidus (LMR) réglementaire». Et c’est à l’ensemble de ces directives que devra souscrire l’utilisateur final, à savoir l’agriculteur.

Plus de 8.000 échantillons par an

À partir de cette étape, les vérifications de l’ONSSA concernent l’usage des pesticides, via des plans de contrôle et de surveillance des résidus dans les produits agricoles, et cela au niveau des exploitations, dans les marchés de gros, les grandes surfaces et les unités de conditionnement et de stockage. Des contrôles sont également effectués au niveau des postes frontaliers sur les importations de produits agricoles, afin d’y identifier d’éventuels résidus dangereux. «Nous sommes passés de 710 échantillons analysés en 2018, à 5.000 échantillons sur le marché local et 3.000 échantillons sur les végétaux importés en 2022», explique notre source à l’ONSSA.

Entre janvier et avril 2023, les experts de l’Office ont ainsi réalisé 1.984 prélèvements, dont 488 dans les champs, 514 dans les marchés de gros, 556 dans les stations de conditionnement et les unités de stockage, 297 dans les grandes et moyennes surfaces et 129 dans les commerces. À l’issue de ces contrôles, 2.195 kilos de marchandise ont été détruits.

Former les revendeurs et les agriculteurs

Bien, mais peut mieux faire, semble commenter Ouadie Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC). «Il faudrait sécuriser toute la chaîne, de la vente à l’utilisation dans les exploitations agricoles et combattre les nombreux produits de contrebande présents sur le marché, pour éliminer tous les risques qui peuvent porter atteinte à la santé et à la sécurité du consommateur», préconise-t-il.

Selon lui, ces produits sont souvent commercialisés par des personnes qui méconnaissent leur composition, et qui ne peuvent pas donner les bonnes informations aux agriculteurs. «L’agriculteur n’est pas toujours en mesure de connaître les quantités de produits phytosanitaires recommandés ou d’identifier les produits interdits par les autorités», souligne l’acteur associatif. D’où la nécessité, insiste-t-il, de sensibiliser et de former davantage les agriculteurs et les revendeurs de proximité, puisque «ce sont des produits chimiques dangereux qui peuvent porter atteinte à la santé et à la sécurité du consommateur».

Par Elimane Sembène
Le 25/05/2023 à 08h33