Après s’être assuré que la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara était définitivement gravée dans le marbre, Israël a décidé à son tour, le lundi 17 juillet 2023, de franchir le pas en reconnaissant officiellement la marocanité de notre Sahara. Cette nouvelle reconnaissance, historique, constitue la deuxième étape majeure d’une longue dynamique diplomatique, entamée par SM le Roi à partir de 2015-2016 et qui commença à porter ses fruits dès 2020.
Pendant des décennies, le Maroc a joué ouvertement et en toute transparence la carte du droit international et du multilatéralisme pour résoudre la question du Sahara. Cependant, ce dossier a été pendant longtemps, trop longtemps, pris en otage par les antagonismes de la Guerre froide et le jeu pour le moins trouble de certains de nos «partenaires» européens, dont certains se disent «amis du Maroc».
Depuis, les choses n’ont pas fondamentalement changé. La paralysie des instances de l’ONU, «ce machin», comme l’appelait De Gaulle, a pris une nouvelle forme, mais toujours avec la même dose d’hypocrisie et de mauvaise foi. Car du point de vue de certaines chancelleries occidentales, pourquoi résoudre un problème quand on peut en profiter par la voie du chantage et des arbitrages du moment? Dans cette perspective, la vérité et la légitimité de notre cause, nous Marocains, ne pèsent pas lourd devant les calculs boutiquiers de certaines capitales.
Cependant, un virage stratégique a été entamé dès 2015 par SM le Roi. Une nouvelle doctrine diplomatique a vu le jour dans un contexte de début de multipolarisation mondiale et s’est très tôt articulée autour de deux axes majeurs: la diversification stratégique et le retour à notre profondeur continentale africaine.
Les deux axes peuvent être déclinés en 7 étapes stratégiques:
- La visite royale en Inde le 25 octobre 2015 dans le cadre du Sommet Inde-Afrique, qui visait à ouvrir les portes de l’économie indienne autant à l’Afrique qu’au Maroc.
- La visite royale en Russie en mars 2016, avec à la clé la signature d’un «partenariat stratégique approfondi». Cette visite a eu lieu environ 2 ans après l’annexion de la Crimée par la Russie et les vagues de sanctions occidentales imposées à Moscou. Une manière aussi, pour le Maroc, d’affirmer son autonomie stratégique et sa souveraineté en termes de politique extérieure.
- La visite royale en Chine en mai 2016, qui a donné lieu à la signature d’une déclaration conjointe relative à l’établissement d’un partenariat stratégique entre Rabat et Pékin.
- Le discours historique du Roi à Riyad en 2016, qui annonçait clairement la couleur quant à la volonté du Maroc d’œuvrer activement pour la stabilité du monde arabe et pour le renforcement de sa souveraineté.
- La réintégration du Maroc dans l’Union africaine le 30 janvier 2017.
- Le dépôt de la candidature du Maroc pour intégrer la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en février 2017.
- La signature d’un protocole d’accord entre le Maroc et le Nigéria en mai 2017 pour la construction du gazoduc Afrique-Atlantique.
Toutes ces visites furent autant d’occasions pour le Maroc de rappeler à l’Occident que le monde est grand, et que les perspectives stratégiques du Maroc sont désormais plurielles. Quant à la réintégration dans l’UA, la candidature pour intégrer la CEDEAO ainsi que le pharaonique projet de gazoduc Nigéria-Maroc, Rabat affiche clairement son intention de valoriser son saut qualitatif sur le plan infrastructurel et économique, à travers un schéma de partenariat Sud-Sud orienté vers l’Afrique.
Un désenclavement diplomatique vis-à-vis du monde occidental qui n’est pas passé inaperçu en Occident, puisqu’il revient clairement à mettre en concurrence l’Occident avec les nouveaux pôles rivaux (Russie, Chine, Inde...).
Or, en 2017, la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine marqua un tournant dans la diplomatie des États-Unis, puisque désormais, le prisme idéologique et impérialiste allait céder légèrement le pas à plus de réalisme diplomatique.
Une aubaine pour le Maroc qui, pour une fois, aura un interlocuteur pragmatique et réaliste à la Maison Blanche, et qui veut réellement faire bouger les lignes, n’en déplaise à certains faucons à Washington.
3 ans plus tard, les efforts ininterrompus de la diplomatie marocaine ont permis de débloquer la situation.
En effet, le 10 décembre 2020, le président américain annonce officiellement que les États-Unis reconnaissent la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara. Conclue dans le cadre des «Accords d’Abraham», cette décision historique fut accompagnée par un rétablissement normalisé des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël.
Si cette normalisation fut une surprise pour bon nombre d’observateurs, elle est, si l’on prend le recul historique nécessaire, la résultante naturelle de liens historiques très solides qui lient le Maroc à Israël. À ce propos, on pourrait citer le fait qu’environ 800.000 Israéliens sont d’origine marocaine, et maintiennent jusqu’à ce jour des liens autant affectifs que patriotiques avec leur pays d’origine, le Maroc. Sans oublier l’existence d’un bureau de liaison à partir de 1994, et qui ne fut fermé, en 2000, qu’en raison de l’enclenchement de la deuxième Intifada.
Sur un autre plan, la signature de plusieurs partenariats d’échange de savoir-faire, de technologies et le lancement de plusieurs grands projets de coopération entre nos deux pays ouvrent la voie à d’importantes possibilités de développement économique et de rattrapage technologique pour le Maroc. À ce propos, l’organisation du Forum «Morocco-Israël: Connect to Innovate» en 2022 n’en est qu’un jalon.
Les potentialités sont immenses, et il est temps pour bon nombre de Marocains d’apprendre à mettre de côté la dimension affective et béate, au profit d’un réalisme économique et diplomatique qui vise à servir avant tout les intérêts supérieurs du Maroc, et par conséquent, de tous les Marocains.
Ainsi, face à la stérilité du multilatéralisme, qui ne sert au fond qu’à camoufler un désir d’entretenir le statu quo, le Maroc privilégie désormais le bilatéralisme, sans pour autant déserter les champs de bataille diplomatiques à l’ONU.
Après Washington et Tel-Aviv, à qui désormais le tour?