À suivre les débats politiques dans les médias officiels algériens, l’observateur étranger ne peut que se sentir pour le moins dérouté. Le pays semble vivre sur une autre planète où rien n’est de la faute du régime algérien, où des forces occultes se liguent contre ce dernier pour l’affaiblir, lui l’ancien «paradis» des révolutionnaires, érigé en dernier bastion de résistance face au nouvel ordre mondial.
Avec sa culture d’assiégé, ses attitudes de pays «martyr», il se présente comme le seul îlot qui résiste aux grandes dynamiques de changement. Un syndrome d’Astérix chez les Gaulois déplacé au palais d’Al Mouradia et au club des Pins. Tout le monde a tort sauf le régime militaire algérien.
Une certitude. Le régime d’Alger s’entête à vivre et à faire vivre sa population dans un monde parallèle, à base de mythes, de fake news et d’une culture du complot poussée à son paroxysme.
La seule musique qu’il veut entendre est celle du panégyrique des grandes réalisations. Toute critique est considérée comme une agression qu’il faut punir par une rupture voire par la prison.
L’autoritarisme répressif et la négation des libertés semblent inscrits dans son ADN, constitutifs même de sa nature profonde.
La nouveauté aujourd’hui est que l’évolution du régime d’Alger dans un monde parallèle est révélée au grand jour et qu’elle impacte lourdement la relation de l’Algérie avec son environnement régional et international.
Aujourd’hui, nul ne l’ignore: à l’exception de deux pays avec lesquels il maintient un semblant de normalité — l’Italie et la Tunisie — le régime d’Alger entretient des relations internationales marquées, sinon par la rupture, du moins par une tension chronique et presque névrotique.
Avec l’Italie de Giorgia Meloni, le régime algérien se targue d’avoir développé de riches relations économiques. Son insistance à mettre en valeur ce lien entre Alger et Rome vise à remplir deux objectifs. Elle sert davantage à compenser la dégradation de sa relation avec Paris et à éloigner le spectre d’une rupture généralisée avec l’espace européen, compte tenu des crises profondes avec l’Espagne et la France.
Quant à la Tunisie, les rapports sont perçus sous l’angle d’une soumission totale des autorités tunisiennes de Kaïs Saïed au bon vouloir des maîtres d’Alger.
Dans cette relation politique hautement toxique, la carte de l’aide économique et énergétique algérienne est utilisée de manière assumée et sans complexes comme un instrument de menaces et de chantage.
Si Kaïs Saïed ne courbe pas l’échine devant le duo Tebboune-Chengriha, la Tunisie qu’il dirige avec une main de fer risque de sombrer dans le dénuement total avec ses conséquences sociales et politiques.
«La dépendance croissante et la posture de soumission affichée par Tunis à l’égard du régime algérien commencent à susciter des remous dans l’opinion publique tunisienne, au point d’alimenter toutes sortes de spéculations sur d’éventuels soubresauts politiques.»
— Mustapha Tossa
D’ailleurs, la dépendance croissante et la posture de soumission affichée par Tunis à l’égard du régime algérien commencent à susciter des remous dans l’opinion publique tunisienne, au point d’alimenter toutes sortes de spéculations sur d’éventuels soubresauts politiques.
Pour le reste des pays, Alger entretient une série de tensions et de ruptures, tant régionales qu’internationales, qui interrogent sur l’inclination presque systématique du régime à entrer en confrontation avec son entourage.
Avec le Maroc, la crise est devenue chronique et structurelle. Contre toute logique politique, Alger s’accroche au Polisario et continue de l’utiliser comme une arme contre le Royaume avec la stratégie assumée de l’affaiblir et d’obérer ses chances de développement.
Pour atteindre cet objectif, le régime d’Alger semble prêt à dilapider ses ressources et à les offrir à quiconque serait disposé à freiner l’ascension du Maroc vers son statut de puissance régionale incontournable.
Avec la France, la crise s’est durablement enracinée. Sauf retournement diplomatique inattendu, il paraît peu probable d’envisager une amélioration des relations entre Paris et Alger, tant la méfiance — qui n’a, au fond, jamais réellement disparu — s’est installée comme une faille structurelle entre les deux capitales.
Depuis la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara atlantique, la France est devenue un ennemi pour le régime algérien.
Tous les moyens semblent bons pour entretenir la discorde, y compris l’arrestation de citoyens français sur la base de prétextes douteux. À cela s’ajoutent le refus systématique de délivrer des laissez-passer pour les Algériens visés par une OQTF, ainsi que la manipulation de la diaspora algérienne en France, par le biais d’influenceurs mobilisés pour attiser les tensions, propager la haine et semer le chaos.
Avec le monde arabe, Alger semble avoir largué les amarres. Non seulement le régime s’affiche comme un allié assumé de l’Iran — au point que certains observateurs qualifient l’Algérie de base avancée de Téhéran en Afrique du Nord — mais il multiplie également les signes d’hostilité à l’égard de deux puissances majeures du Golfe: les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Une telle posture, à rebours des dynamiques arabes actuelles, rend presque anachronique la présence du régime algérien au sein de la Ligue arabe.
Alger est aujourd’hui à un tournant. Le régime peut choisir de reconnaître les erreurs d’une stratégie qui a isolé le pays. Une stratégie qui lui vaut désormais le qualificatif peu enviable d’«État voyou». L’autre option serait de persister dans l’affrontement et les provocations. Mais cette voie ne ferait qu’aggraver l’isolement du pays. Elle pourrait même précipiter la chute du régime et son démantèlement.





