Abdellatif Ouahbi élude le débat parlementaire sur le projet de loi encadrant la profession d’avocat

Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, au Parlement le 29 décembre 2025. (Y.Mannan/Le360)

Le 29/12/2025 à 19h12

VidéoInterpellé à la Chambre des représentants sur le projet de loi en préparation relatif à la profession d’avocat, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a opposé un refus net de répondre. Une attitude qui a surpris les députés et ravivé les critiques autour d’un texte déjà contesté par une partie du barreau.

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, s’est clairement abstenu de répondre, ce lundi, devant la Chambre des représentants, à une question portant sur le projet de loi qu’il prépare concernant la profession d’avocat.

Lors de la séance des questions orales, la députée et avocate d’El Jadida, Chafika Lachraf, a interrogé le ministre afin qu’il apporte des éclaircissements à l’assemblée sur «l’organisation générale de la profession d’avocat», faisant implicitement référence au projet de loi en cours d’élaboration et au climat de tension qu’il suscite au sein du barreau.

Dans une réponse brève et jugée abrupte, le ministre s’est retranché derrière l’intitulé strict de la question telle qu’elle lui avait été transmise. «Ce n’est pas la question que j’ai reçue», s’est-il contenté de déclarer en quelques secondes, affirmant qu’il s’en tiendrait uniquement à la notion d’«organisation» au sens le plus large. Il a ensuite regagné son siège, laissant l’élue visiblement surprise.

Issue du Front des forces démocratiques, Chafika Lachraf a regretté, dans une déclaration à Le360, «le silence» du ministre sur un projet qu’elle qualifie de controversé et susceptible, selon elle, de provoquer «une crise». «Au lieu de nous exposer les aspects positifs du texte et de répondre aux interrogations légitimes, alors que nous constatons une grogne croissante parmi les avocats, le ministre a botté en touche en affirmant qu’il n’avait pas de réponse à donner», a-t-elle déploré.

À l’issue de la séance, Abdellatif Ouahbi, interrogé par Le360, a de nouveau refusé de livrer le moindre détail sur son projet de loi relatif au métier d’avocat.

Sur le même sujet, la députée Loubna Sghiri a exprimé son rejet du texte, estimant qu’il porte atteinte à «l’indépendance» de la profession. Parmi les points les plus contestés, elle a cité l’inscription d’avocats étrangers auprès des tribunaux marocains, les modalités de création future de cabinets d’avocats, la fixation des droits d’adhésion aux barreaux par le ministère de la Justice, ainsi que l’implication de ce dernier dans la transmission des sanctions disciplinaires prises par les barreaux.

«Pourquoi instaurer une tutelle du ministère de la Justice alors que nous disposons de notre propre organisation, à savoir les barreaux du Maroc?», a martelé la députée, membre du Parti du progrès et du socialisme.

En refusant d’entrer dans le fond du débat au Parlement, le ministre de la Justice alimente davantage les crispations autour d’un projet de loi déjà perçu comme une remise en cause de l’autonomie du barreau. À mesure que le silence officiel se prolonge, la fracture entre l’exécutif et les avocats semble, elle, se creuser.

Par Mohamed Chakir Alaoui et Yassine Mannan
Le 29/12/2025 à 19h12