«Un chiffre soviétique qui annule tout parfum de démocratie»: le simulacre d’élection présidentielle en Algérie expliqué par Xavier Driencourt

L’ancien ambassadeur de France à Alger (2008-2012; 2017-2020), Xavier Driencourt. (A.Gadrouz / Le360)

Dans une tribune parue ce mercredi dans Le Figaro, Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger durant deux mandats (de 2008 à 2012, puis de 2017 à 2020), dénonce vigoureusement le simulacre d’élection présidentielle qui s’est tenu récemment en Algérie. À travers une analyse on ne peut plus franche et incisive, Driencourt met en lumière l’absurdité du résultat proclamé, le qualifiant de «chiffre soviétique qui annule tout parfum de démocratie».

Le 11/09/2024 à 20h10

Le président Abdelmadjid Tebboune a, sans surprise, été réélu au terme d’une campagne inexistante, voire d’une mascarade orchestrée comme à l’accoutumée par l’armée algérienne. Driencourt décrit dans une récente tribune cette mécanique bien huilée qui régit la politique algérienne depuis la prise de pouvoir de Houari Boumediene en 1965: une armée omnipotente choisit le candidat, et le système met en scène un semblant de «démocratie» factice pour donner le change à la communauté internationale.

«Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a, comme prévu, été réélu, au terme d’une non-campagne menée en plein mois d’août. Il a en effet rempli les deux conditions nécessaires à tout candidat algérien à la présidence de la République: d’abord, être choisi et soutenu par l’armée, comme cela a toujours été le cas depuis 1965, date de la prise de pouvoir de Houari Boumediene (…) La deuxième condition est de créer un léger parfum de démocratie», explique avec brio l’auteur de «L’Énigme algérienne: chroniques d’une ambassade à Alger», paru en 2022 aux éditions de L’Observatoire.

Ainsi, la dernière élection n’a permis l’apparition que de deux (faux) candidats, un islamiste et un socialiste kabyle, jouant tout simplement le rôle de faire-valoir, de lièvres, dans cette farce électorale. Ce jeu de dupes n’a pour objectif que de donner un semblant de «légitimité» à la réélection de Tebboune. «En effet, seuls deux candidats ont été autorisés, un islamiste et un socialiste kabyle, ce dernier prêt à jouer le jeu pour amener, espérait-on, les Kabyles à se rendre dans les bureaux de vote», fait savoir l’ancien diplomate.

La pantalonnade atteint son paroxysme avec les résultats officiels du scrutin: 94,65% des voix pour Tebboune, un chiffre aussi invraisemblable que farfelu, qui n’a même pas été atteint par l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Driencourt écrit à ce propos: «Qui peut sincèrement croire à un tel score, auquel même les commentateurs les plus favorables ne peuvent souscrire? Évidemment, à lui seul, ce chiffre soviétique annule tout “parfum de démocratie”.»

Driencourt ne manque pas de souligner le désastre en termes de participation électorale: «était annoncée une participation officielle de 48,03% sur un corps électoral de 24,35 millions d’électeurs, ce qui devait donc faire onze millions de votants. Or, les résultats publiés –avec plusieurs heures de retard– donnaient 5,63 millions de votants, soit un taux réel de 23%. Cinq millions de votes auraient ainsi disparu? En outre, la participation était quasiment nulle dans certaines régions: autour de 3% dans les wilayas de Tizi-Ouzou et Bejaïa».

Le portrait brossé par Driencourt révèle, encore une fois, une Algérie où la volonté populaire est totalement muselée et bafouée sous un vernis de «démocratie» factice et d’une élection présidentielle fabriquée de toutes pièces par l’armée algérienne. Cet état de fait est un puissant révélateur de l’état de déliquescence du régime en place.

Par Saad Bouzrou
Le 11/09/2024 à 20h10