Quand le sage montre la Lune, l’idiot regarde le doigt. C’est le moins que l’on puisse dire s’agissant de la réaction officielle algérienne face à l’ultimatum posé par la France au régime voisin quant à l’application des OQTF sur les ressortissants algériens indésirables en France, ainsi qu’à la libération de l’écrivain Boualem Sansal. Dans un communiqué rendu public jeudi 27 février, le ministère algérien des Affaires étrangères a dit beaucoup (trop) de choses, sauf l’essentiel.
Le repositionnement français dans sa relation avec l’Algérie supposait une réponse claire, argumentée et, a minima, digne. Il n’en sera strictement rien. Les faits sont clairs: à l’issue du Conseil interministériel dédié, mercredi 26 février, à l’Algérie, la France a fixé un ultimatum au pouvoir algérien pour qu’il récupère ses citoyens indésirables dans l’Hexagone. L’ultimatum posé par la France est sans ambiguïté: si Alger ne récupère pas ses ressortissants sous OQTF dans un délai de quatre à six semaines, tous les accords bilatéraux pourront être remis en question. Dans un entretien avec Le Figaro, le premier ministre français François Bayrou laisse entendre sans ambages que la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal fait partie des composantes de l’ultimatum adressé par Paris à Alger. Pour la première fois, Paris adopte une posture frontale, avec un calendrier et des exigences précises. L’époque des circonvolutions diplomatiques est révolue.
Mais Alger a-t-il seulement compris l’ampleur du changement?
À lire le communiqué, le doute est plus que permis. On retient certes le niet opposé à la proposition française: «L’Algérie rejette catégoriquement les ultimatums et les menaces», lit-on. Ce sera la seule phrase un tant soit peu intelligible dans un long fatras d’insignifiances, de contre-vérités et de slogans creux.
Que nous apprend donc la diplomatie algérienne? Que c’est la France qui est à l’origine de «la montée en cadence de l’escalade et des tensions» et que, maligne, l’Algérie «a laissé la partie française en assumer seule la responsabilité pleine et entière». Mieux, on découvre que le régime d’Alger s’astreint soudainement «au calme, à la mesure et à la retenue». Un numéro d’autocongratulation grotesque, qui masque mal la panique à bord. Encore plus croustillant: la leçon de droit administrée par la dictature militaro-policière à la France. «Le droit français, les conventions bilatérales, le droit européen et le droit international sont tous du côté de l’Algérie, notamment en matière de protection consulaire de ses ressortissants». Comprenez que ne pas admettre ses propres citoyens, disposant de passeports biométriques valides, c’est les protéger. La pirouette, surréaliste, frise le ridicule.
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Grande classe, l’Algérie «est attentive à sa position internationale». Venant d’un pays qui jette par milliers des migrants subsahariens dans le désert, on avouera que c’est couillu.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. La toute fraîche «gentillesse» algérienne est un choix. «Toute remise en cause de l’Accord de 1968, qui a été au demeurant vidé de toute sa substance, sera suivie de la part de l’Algérie d’une même remise en cause des autres accords et protocoles de même nature». Les dignitaires français ayant argent, biens mal acquis et enfants en Algérie, comme les millions de harragas français qui se précipitent sur la première patera pour rejoindre l’El Dorado algérien, sont prévenus. Et bien sûr, tout cela est, encore une fois, la faute à «l’extrême droite française revancharde et haineuse».
Le régime d’Alger ne plaisante pas. «Le président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, M. Abdelmadjid Tebboune, a présidé, jeudi, une réunion du Haut Conseil de sécurité», indiquait un timide communiqué de la présidence, au moment même où les Affaires étrangères réagissaient.
Comme tout le reste en Algérie, même ce Haut Conseil a été vidé de toute sa substance. Tebboune le réunit d’ailleurs à tout bout de champ.
Un silence assourdissant sur les sujets brûlants
On l’aura compris, et plus hors-sol que jamais, le régime algérien préfère désormais la politique-fiction, le surréalisme aux faits. Sur l’objet même de la nouvelle attitude française, à savoir ces milliers d’Algériens que la France veut refouler pour menace à la sécurité du pays, le communiqué ne dira pas un mot. Le dernier exemple en date n’est autre que le terroriste présumé accusé d’avoir assassiné une personne et blessé sept autres à l’arme blanche, samedi 22 février, dans la ville de Mulhouse. L’homme, en situation irrégulière en France, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à laquelle les autorités algériennes ont opposé une fin de non-recevoir à quatorze reprises. Mais cela, Alger refuse de le voir. Tout comme elle ne cite à aucun moment l’affaire qui était à l’origine de la crise provoquée par Alger: l’appui de la France à la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Les actes de provocation n’ont jamais cessé depuis. Aujourd’hui, et dos au mur, l’Algérie s’en lave les mains. Elle est «attentive à sa position internationale», dit-on. L’affaire Boualem Sansal, cet écrivain franco-algérien, âgé de 80 ans, souffrant d’un cancer de la prostate, embastillé par le régime, qui cristallise le conflit désormais ouvert entre Paris et Alger? Pour le régime, elle n’existe même pas, alors que sa libération fait partie intégrante des exigences de la France.
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Tous ces sujets n’existent pas en fait. Seuls persistent le «calme», la «mesure» et la «retenue» légendaires du régime d’Alger. Mais aussi la menace de réciprocité sur la mobilité. Encore faudrait-il trouver un seul responsable ou dignitaire français ayant réellement envie de séjourner en Algérie, d’y faire du shopping ou de s’y soigner. Sauf à vouloir jouer à se faire peur, il y a nettement mieux, pas loin. Qu’importe, c’est le monstre français qui a commencé, et il en a l’habitude. La douce Algérie est de nouveau victime d’une France colonialiste, sioniste, marocaniste...
Alors que la mesure française vient définitivement enterrer toute la doctrine victimaire du régime, substitut de légitimité, Alger n’en a cure. À bien lire le communiqué, l’Algérie n’est pas derrière la crise. «L’Algérie n’a pris l’initiative d’aucune rupture», écrit la diplomatie algérienne. Réponse: «Cette crise ne vient pas du gouvernement français, elle vient du refus des dirigeants algériens de remplir les obligations auxquelles ils sont engagés», rappelait encore le premier ministre français François Bayrou dans un entretien publié jeudi 27 février par Le Figaro.
La vérité est simple: Paris a changé les règles du jeu, et Alger ne sait plus comment réagir. En refusant d’assumer ses responsabilités, le régime algérien s’enferme dans une posture victimaire devenue obsolète. La menace de réciprocité sur la mobilité? Un coup d’épée dans l’eau. Pendant ce temps, la France reste ferme: si Alger persiste dans son refus, les conséquences seront lourdes. Et cette fois, le régime ne pourra pas se cacher derrière son habituel discours anti-français pour éviter l’inéluctable. Top chrono, le régime d’Alger a six semaines. Et Paris ne bluffe pas.