Avec le retrait acté de Joe Biden de la course aux présidentielles, deux candidats, a priori, demeurent en lice. A priori, car contrairement à Donald Trump, qui a réussi à décrocher l’investiture du parti républicain en mars dernier, l’investiture (ou non) de Kamala Harris ne sera décidée que vers la mi-août. Mais connaissant la crise que traverse le Parti démocrate depuis plusieurs années, il est peu probable qu’il se risque à un aventurisme douteux en nommant une novice comme Michelle Obama. Quoique, tout est possible. Mais vraisemblablement, c’est Kamala Harris qui représentera son parti aux prochaines élections présidentielles.
Parlons maintenant de l’éventuel impact sur les relations bilatérales entre le Maroc et les États-Unis de la victoire de l’un ou de l’autre candidat.
Concernant Donald Trump, les choses sont on ne peut plus claires. Par conséquent, nul besoin de trop s’y attarder. Trump fut le premier président américain à avoir reconnu en 2020, par décret présidentiel, la souveraineté pleine et entière du Maroc sur le Sahara.
Il est avant tout un réaliste. Et de ce point de vue, il est prévisible par bien des aspects, car pour lui, la réalité n’est pas dirigée par les idées, la morale et les vœux pieux, mais par les faits et les rapports de force. Étant conscient de l’État de déclin relatif de l’hégémonie américaine, il entend avant tout œuvrer pour le rétablissement de son pays, à travers une certaine dose de protectionnisme et d’isolationnisme propre à une certaine tradition diplomatique américaine, celle de la «doctrine Monroe». Mais aussi à travers la fin de la politique systématique d’ingérence et de déstabilisation à l’échelle mondiale, menée de manière particulièrement intense par la Maison Blanche depuis 2001.
Après, concernant son caractère et son tempérament, laissons cela aux habitués des bistrots et des cafés, et aux amateurs de psychologie de comptoir. Car en géopolitique, notamment sur la longue durée, les personnages politiques s’effacent devant la permanence des États et de leurs impératifs.
Maintenant, parlons un peu de Kamala Harris. Premièrement, ne nous laissons pas berner par les noms des partis aux États-Unis qui, formellement, ne correspondent pas à notre lecture de l’échiquier politique au Maroc ou en Europe.
Les Démocrates aux États-Unis sont avant tout l’équivalent de la gauche progressiste de l’autre côté de l’Atlantique. Et comme toutes les familles politiques, le Parti démocrate est traversé par différents courants, parfois antinomiques.
Mais le fait est que, depuis presque deux décennies, soit depuis le premier mandat de Barack Obama, c’est le courant de la gauche radicale qui a réussi à devenir le nouveau tropisme du parti. Pas la gauche radicale de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat. Ça, c’est has been. Mais celle de la dictature des minorités, du wokisme, du lgbtisme, du politiquement correct et de la cancel culture.
C’est d’ailleurs ce que Elon Musk a récemment pointé du doigt, en accusant, je reprends ses termes, «le virus wokiste» d’avoir tué son fils (de manière métaphorique), puisqu’il a entamé une transition de genre à travers une thérapie chimique qui le rendra infertile de manière définitive.
Cependant, ils sont chez eux, et ils font ce qu’ils veulent. Mais cela n’est pas sans conséquence sur le reste du monde. Car comme toute idéologie, le wokisme cherche à s’exporter et à atteindre une dimension planétaire. Et ce, à travers un immense réseau d’ONG, des médias et du lobbying.
Certes, qu’il s’agisse des démocrates ou des républicains, les constantes de la géopolitique américaine demeurent les mêmes. Mais les démocrates sont drapés en quelque sorte dans un tissu arc-en-ciel.
Ainsi, quand Trump menace ou pointe du doigt un pays, c’est souvent sur une base martiale ou commerciale, comme pour la Chine. Quand les démocrates le feront dans le cas d’une victoire de Kamala Harris, ça sera sur une base idéologique, celle du respect des minorités sexuelles et autres, des libertés sexuelles et de l’ingérence humanitaire. N’allez surtout pas comprendre que lors d’une ingérence humanitaire, vous allez être bombardés par des bouquets de fleurs et des peluches. Mais vous le serez bel et bien par des bombes au napalm et des missiles Tomahawks. Mais ce sera pour votre bien, puisqu’on vous dit qu’il s’agit d’une guerre humanitaire.
Mais, blague mise à part, la différence demeure de taille. Puisque dans le premier cas, le rapport de force se limite aux différentes politiques extérieures et aux rapports de forces à l’international. Dans le deuxième, la politique extérieure des États-Unis prend nécessairement la forme d’une ingérence systématique dans les politiques intérieures des pays sur le plan sociétal, juridique, culturel…
Et ça, le Maroc n’en veut pas. Ni aucun autre pays.
Ainsi, le parti peut s’appeler «Démocrate», il demeure avant tout un parti de gauche, avec un prisme idéologique qui ne manque pas de prendre la forme d’une ingérence systématique dans les affaires des autres États, souvent sous couvert humanitaire, pour mieux cacher les formes de propagande et de manipulation les plus abjectes.
Cependant, le Maroc ne doit pas prendre officiellement position pour l’un ou pour l’autre. Car, premièrement, nous n’allons pas à notre tour faire de l’ingérence, celle-là même que l’on reproche aux autres. Mais aussi parce que rien n’est encore joué. Si Trump part a priori gagnant dans ces élections, tout demeure encore possible. En témoigne la récente tentative d’assassinat dont il a été la cible le 13 juillet dernier et qui, espérons-le, ne sera pas réitérée par les commanditaires.
Mais, nous pouvons intérieurement espérer une victoire de Donald Trump pour au moins deux raisons.
La première est qu’il permettra de donner une nouvelle et vraie dynamique à la reconnaissance américaine de la marocanité de notre Sahara, à travers des actions plus concrètes, et potentiellement, en nous permettant d’obtenir d’autres reconnaissances de grande envergure.
Deuxièmement parce que, malgré ses détracteurs, il demeure l’un des très rares présidents des États-Unis à ne pas avoir entamé de guerre, mais d’en avoir terminé une en Afghanistan, d’où le retrait des forces américaines a été décidé et signé par Trump, bien que réalisé sous le mandat de Biden. Et un peu moins de guerre, le monde en a bien besoin aujourd’hui, au vu de ce qui se passe actuellement à Gaza et en Ukraine. Là encore, rien n’est encore sûr quant à la politique qui sera menée à l’international en cas de victoire de Trump, mais il est toujours permis d’espérer.