Quand Imbroda rêve secrètement de Reconquista

Rachid Achachi.

ChroniqueLe président de la ville de Mellilia, Juan José Imbroda, a récemment multiplié les déclarations provocatrices à l’égard du Maroc. Entre propos absurdes sur le Polisario et relents de marocophobie, elles illustrent un certain aveuglement politique, bien éloigné de la réalité. Car les relations maroco-espagnoles n’ont jamais été aussi solides, portées par une coopération économique et diplomatique inédite.

Le 30/01/2025 à 11h07

Il y a quelques jours, lors de la tenue du Forum «Nueva Economia» à Madrid, en Espagne, le président de la ville de Mellilia, Juan José Imbroda, s’est autorisé en répondant aux journalistes un certain nombre de dérapages, sur des sujets qui dépassent largement aussi bien ses prérogatives que l’entendement.

Sachant qu’il a 80 ans, certains pourraient prendre pour alibi son âge pour justifier de telles bourdes. Mais cela serait trop facile: des politiciens ayant à peu près le même âge gardent une lucidité à en faire pâlir plus d’un. Donald Trump, âgé de 78 ans, en est l’exemple parfait. Citons rapidement deux ou trois de ses déclarations.

Première déclaration: «Le front Polisario a ma sympathie. Pour moi, ils sont espagnols. Je pense que nous devrions leur donner la nationalité espagnole, et qu’ils puissent venir dans notre pays

Contrairement aux apparences, cette proposition, bien que farfelue, ne porte aucunement atteinte à la souveraineté du Maroc. Car, d’un côté, il n’y a point de Polisario dans le Sahara marocain, mais des Sahraouis de culture hassanie et des Marocains originaires de différentes régions du pays. Par contre, du côté algérien, au lieu de ricaner et de rire à gorge déployée en croyant qu’il s’agit là d’un affront fait au Maroc, les nationalistes du cru devraient fortement s’inquiéter des conséquences d’une telle perspective. Car si le Polisario existe quelque part, c’est bien en Algérie où il prospère avec l’argent des contribuables algériens. Un argent qui serait infiniment plus utile pour développer le pays et élever le niveau de vie des Algériens, au lieu d’être dépensé stérilement au profit d’une milice parasitaire.

Revenons à la question de la nationalité. Si demain tous les membres du Polisario venaient à devenir espagnols de jure, cela voudrait dire que des milliers de combattants armés jusqu’aux dents et formés par l’armée algérienne deviendraient des sujets de la couronne espagnole et des miliciens dont l’allégeance serait plus qu’incertaine.

Si cela ne tenait qu’à moi, je dirais à Juan José Imbroda «Beasse7a w ra7a», vous pouvez tous les prendre. On verra combien de temps vous tiendrez avant de les renvoyer à Chengriha. Quant à la fameuse sympathie, comme disait une reine suédoise du XVIIème siècle, «c’est sur les sympathies et les antipathies que la raison a perdu ses droits».

«Les relations entre Madrid et Rabat n’ont jamais été aussi bonnes. En témoigne l’organisation de la Coupe du monde par nos deux pays et le Portugal, le développement de nos échanges commerciaux, ainsi que les convergences des points de vue diplomatiques sur le devenir du Sahara marocain.»

Enfin, pour être un peu provocateur, que dirait monsieur Imbroda si un responsable politique marocain venait à proposer d’accorder la nationalité marocaine à tous les habitants des provinces espagnoles d’Andalousie, de Murcie, de Valence, des îles Baléares et des îles Canaries? Nous avons nous aussi beaucoup de sympathie pour eux et, pendant des siècles, les habitants de ces territoires dépendaient politiquement de dynasties marocaines (Almoravides, Almohades et Mérinides). De même, nous pouvons demander des réparations pour les descendants des quelques centaines de milliers de musulmans et de juifs persécutés et chassés d’Espagne, et dont la majorité s’est installée au Maroc. Qu’en dites-vous, monsieur Imbroda?

Autre dérapage, Juan José Imbroda a accusé le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez de ne pas avoir de politique étrangère et de ne pas être assez ferme vis-à-vis du Maroc. On retrouve dans ces propos tous les relents marocophobes qui existent au sein de la frange la plus radicale du Parti populaire espagnol, dont Imbroda est membre. Rappelons pour information que ce parti a été créé par Manuel Fraga, un ancien ministre franquiste, qui fut aussi un Torquemada de la presse espagnole durant les années 60.

Ainsi, selon Juan José Imbroda, si votre politique n’est pas de nature à entretenir l’illusion d’un empire espagnol puissant et conquérant, et qui ne perçoit le Maroc qu’à travers les lunettes de la Reconquista, c’est que vous n’avez pas de politique étrangère.

On peut reprocher beaucoup de choses à Pedro Sanchez, particulièrement concernant la politique intérieure. Mais il faut être espagnol pour le faire, et je ne le suis pas. Par contre, concernant sa politique étrangère, si l’on devait la juger sur pièce, elle est irréprochable par bien des aspects. Car jamais, durant les dernières décennies, les relations entre Madrid et Rabat n’ont été aussi bonnes. En témoigne la co-organisation de la Coupe du monde par nos deux pays et le Portugal, mais aussi le développement rapide de nos échanges commerciaux (l’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc), ainsi que les convergences des points de vue diplomatiques sur le devenir du Sahara marocain, à travers le soutien de Madrid au plan d’autonomie proposé par le Maroc.

Enfin, et je conclurai avec ça, Imbroda a affirmé solennellement: «Je soutiens toujours de bonnes relations avec le Maroc, mais en même temps, nous ne leur devons rien». Eh bien, il se trouve que si. Vous nous devez la terre que vous affirmez présider et que vous et vos ancêtres occupez depuis la fin du XVème siècle, dans la continuation de l’épuration ethnique que vos ancêtres ont réalisée en Andalousie contre les musulmans et les juifs, et que vous appelez Reconquista.

Par Rachid Achachi
Le 30/01/2025 à 11h07

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