«Le Maroc a profité de la décennie noire pour nous voler le couscous», affirme un ministre algérien

Mohamed Meziane, ministre de la Communication algérien.

Mohamed Meziane, ministre de la Communication algérien.

Le 12 juin, lors d’une séance plénière de questions orales au Parlement, en Algérie, le ministre de la Communication algérien, Mohamed Meziane, s’est livré à un ridicule plaidoyer visant sans surprise le Maroc, accusé cette fois-ci de s’être approprié la culture algérienne pendant l’un des moments les plus sanglants de son histoire.

Le 13/06/2025 à 12h39

En Algérie, tordre l’histoire pour lui faire dire ce que l’on veut est devenu monnaie courante, depuis Abdelmadjid Tebboune grand habitué de la chose jusqu’à ses ministres, notamment Mohamed Meziane, ministre de la Communication. Le 12 juin, ledit ministre s’est exprimé au Conseil de la nation afin d’assurer que «les médias nationaux continueront d’œuvrer, aux côtés de l’ensemble des institutions nationales, pour la préservation du legs civilisationnel et culturel, en tant que partie intégrante de la souveraineté et de l’identité nationale».

Un rappel associé à une mise en garde contre «la campagne de spoliation systémique menée par certaines parties qui s’évertuent à porter atteinte à l’essence même de l’Algérie, profondément enracinée dans l’Histoire», a alors annoncé le ministre.

Vol de chansons et de chanteurs

Sans surprise, c’est encore une fois du Maroc dont il est question. Mais de quoi l’accuse-t-on en réalité? La liste est longue, car le Maroc est visiblement dénué de toute culture. Ainsi, nous apprend le ministre de la Communication, le premier vol concernerait «certaines chansons anciennes de la culture populaire algérienne», des «chansons purement algériennes selon les spécialistes de l’authenticité de l’histoire de l’art et de la poésie», précise-t-il en rappelant l’origine de ses chansons: Tlemcen.

Bien entendu, le ministre de la Communication se garde bien de rappeler que dans cette ville qui fut sous influence ou domination marocaine pendant plusieurs siècles, alors que l’Algérie n’existait pas encore et n’était pas même à l’état de projet, les traces de la culture marocaine sont nombreuses et sont visibles dans les monuments et l’artisanat qu’elle a gardés pour héritage.

Mais qu’à cela ne tienne, pour Mohamed Meziane et d’après les pseudos spécialistes consultés, «si ces chansons apparaissent à certains comme appartenant à un pays, c’est uniquement parce qu’elles ont été reproduites soit par admiration, soit à des fins malveillantes, notamment par la naturalisation de certains chanteurs algériens et par les tentations matérielles et financières qu’ils se sont vus offrir». Cheb Khaled et Faudel n’ont qu’à bien se tenir…

Le couscous de la discorde

Le meilleur est à venir car Mohamed Meziane ne s’arrête pas au patrimoine musical, et remet sur la table… le couscous. «Le voisin s’attribue ce produit national et c’est un exemple parmi tant d’autres produits qui lui sont injustement attribués», se lamente-t-il.

Le Maroc aurait ainsi volé ce plat car avance-t-il, «tous les historiens anciens disent que le couscous est apparu pour la première fois dans l’histoire en Algérie». Et de citer pour donner plus de crédit à ses propos «une étude approfondie menée par un historien français au début du siècle dernier». On n’aura pas plus de détails sur le nom de cet historien ni sur le sujet de son étude, après tout nous ne sommes plus à une approximation près, ni à une incohérence non plus car l’Algérie a beau se démener pour affirmer son indépendance vis-à-vis de son créateur, c’est une étude française qu’elle brandit pour preuve de ce qui lui appartiendrait ou pas. Quant à expliquer les raisons pour lesquelles le couscous a été officiellement inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en décembre 2020, à la suite d’une candidature commune du Maroc, de l’Algérie, de la Mauritanie et de la Tunisie, il faudra repasser.

Mais le couscous n’est qu’un infime grain de blé dans la vaste opération de pillage culturel que mènerait le Maroc aux dépens de l’Algérie: «Notre voisin occidental a exploité, sans scrupules moraux, la situation difficile que l’Algérie a traversée dans les années 1990 pour poursuivre un projet visant à voler tout ce qui est algérien, y compris les symboles de la résistance, les hommes de science, la culture, la cuisine, l’architecture et le chant», affirme ainsi Mohamed Meziane qu’il conviendrait de renommer Ministre de la propagande au vu de l’énormité des affirmations lancées toute honte bue. Et de citer comme «exemple des pillages par le voisin occidental: le couscous!»

Depuis quelques années, l’Algérie se livre à une véritable campagne d’appropriation culturelle visant le patrimoine marocain. Du caftan au zellige en passant par le thé à la menthe, et tant d’autres composantes de la culture marocaine, l’Algérie n’a de cesse de tenter de s’accaparer des éléments culturels qui n’ont jamais fait partie de son histoire.

Pour ce faire, le pays est passé maître dans la falsification du contenu d’encyclopédies en ligne telles que Wikipédia, dont le contenu peut être publié, corrigé ou encore supprimé par toute personne inscrite en tant que simple contributeur. En coulisse de la plateforme, c’est une véritable guerre qui se joue entre rédacteurs marocains et algériens, avec pour enjeu pour les uns de corriger les falsifications de l’histoire du Maroc qu’y introduisent les autres.

Autre terrain de ce conflit culturel qui n’a pas lieu d’être – l’histoire du Maroc étant suffisamment documentée –, l’Unesco, auprès de laquelle l’Algérie s’emploie désormais chaque année à tenter d’inscrire au patrimoine immatériel des éléments de la culture marocaine, à l’instar du caftan.

Par Leïla Driss
Le 13/06/2025 à 12h39