Les autorités algériennes ont demandé à douze fonctionnaires français en poste en Algérie de quitter le territoire algérien, a annoncé ce lundi Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, précisant que cette décision était une réponse à l’arrestation de trois ressortissants algériens en France.
«Je demande aux autorités algériennes de renoncer à ces mesures d’expulsion sans lien avec la procédure judiciaire en cours», a dit le chef de la diplomatie française dans une déclaration écrite transmise à des journalistes. «Si la décision de renvoyer nos agents était maintenue, nous n’aurons d’autre choix que d’y répondre immédiatement», a-t-il averti. Parmi les douze agents qu’Alger souhaite expulser, certains sont fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, a indiqué à l’AFP une source diplomatique.
Vendredi, trois ressortissants algériens, dont l’un employé dans l’un des consulats d’Algérie en France, ont été mis en examen (inculpés) à Paris pour «arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie de libération avant le 7ème jour, en relation avec une entreprise terroriste», selon le parquet national antiterroriste (Pnat) français.
Dans cette affaire qui concerne l’opposant au régime algérien Amir Boukhors, influenceur surnommé Amir DZ et réfugié en France, ces hommes sont aussi poursuivis pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle». Ils ont été placés en détention provisoire.
Implication des services secrets algériens
Ces inculpations sont l’aboutissement de près d’une année d’enquête. Le 29 avril 2024, Amir Boukhors est enlevé près de chez lui dans le Val-de-Marne par des hommes se faisant passer pour des policiers. Il comprend qu’il s’agit d’un kidnapping lorsqu’un des ravisseurs lui affirme qu’un responsable algérien veut lui parler. Il est alors conduit dans un lieu isolé, drogué, puis enfermé avec les poignets menottés. Le lendemain, il se réveille sous la surveillance de deux jeunes femmes. L’une d’elles, prise de panique après avoir vérifié son identité et son statut de réfugié politique, confie qu’il devait être envoyé en Espagne. Plus tard, d’autres hommes le menacent en citant ses vidéos évoquant l’Algérie. Il est finalement relâché après 27 heures.
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Les investigations de la Brigade criminelle et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) françaises allaient ensuite révéler que l’enlèvement, avec même un projet d’assassinat du blogueur, selon Le Parisien, a été commandité par les services secrets algériens. Il n’en fallait pas plus pour que le début de réconciliation entre les deux pays vole en éclats.
Le ministère algérien des Affaires étrangères avait tonné le samedi 12 avril soir contre «ce nouveau développement inadmissible et inqualifiable (qui) causera un grand dommage aux relations algéro-françaises». Ces propos contrastaient avec l’annonce, la semaine dernière par le ministre français des Affaires étrangères, d’«une nouvelle phase» pour les relations entre Paris et Alger, à l’issue d’un entretien avec son homologue Ahmed Attaf et surtout avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
Le président français Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune avaient acté quelques jours auparavant la fin d’une crise d’une intensité rare, qui avait conduit les deux pays au bord de la rupture diplomatique.