France: déploiement de l’armée en Nouvelle-Calédonie après trois nuits d’émeutes

Des personnes marchent dans la rue en poussant des caddies, à côté d'une voiture incendiée, après le pillage d'un supermarché dans le quartier de N'Gea à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 14 mai 2024. AFP or licensors

L’armée française s’est déployée en Nouvelle-Calédonie, où trois nuits d’émeutes ont plongé le territoire français du Pacifique sud dans une crise sécuritaire et politique, sur fond de révolte contre une réforme électorale controversée. Le gouvernement a placé le territoire sous le régime de l’état d’urgence et y a interdit le réseau social TikTok.

Le 16/05/2024 à 08h57

L’armée française s’est déployée en Nouvelle-Calédonie, où trois nuits d’émeutes ont fait quatre morts. L’intervention des militaires doit permettre de «sécuriser» les ports et l’aéroport du territoire, désormais sous le régime de l’état d’urgence décrété par le gouvernement mercredi soir. Le Premier ministre Gabriel Attal a également annoncé l’interdiction du réseau social TikTok, utilisé par les émeutiers.

D’importants effectifs de policiers et de gendarmes, dont des éléments de leurs deux groupes d’élite, le GIGN et le RAID, sont déjà mobilisés. D’après le ministère de l’Intérieur français Gérald Darmanin, 1.800 policiers et gendarmes y étaient déployés mercredi et 500 de plus sont attendus.

La nuit de mercredi à jeudi «a été moins violente» que les deux précédentes, a estimé le représentant de l’État dans l’archipel, Louis Le Franc, même si elle a encore été le théâtre d’affrontements «très importants». Dans l’agglomération de Nouméa, qui a été la proie des violences, les riverains ont érigé des barricades de fortune faites de palettes de bois, de bidons et autres brouettes, alors que policiers et gendarmes ont procédé à quelque 200 interpellations depuis lundi.

«Il y a aussi des pièges tendus aux forces de l’ordre», qui ont subi des «tirs nourris de carabines de grande chasse», a déclaré M. Le Franc. Le bâtiment du Sénat coutumier a été incendié, selon son service de communication, sans que l’ampleur des dégâts soit immédiatement connue.

«On n’est pas entendus»

Symbole de cette nouvelle flambée de violence, le quartier pauvre d’Auteuil, où des tirs nourris résonnaient encore au petit matin, était très endommagé jeudi, a constaté un correspondant de l’AFP: supermarché incendié, commerces et restaurants brûlés et pillés.

«Nous venons ramasser ce qu’il y a dans les magasins pour manger (...) On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage», a affirmé à l’AFP une habitante d’Auteuil, qui a requis l’anonymat. La violence, «on est obligés de passer par là, de tout péter parce qu’on n’est pas entendus», a assumé un jeune homme vivant dans la commune de Houaïlou, qui a également refusé d’être nommé.

À Paris, le président français Emmanuel Macron va présider une «réunion de suivi» sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Il a proposé aux élus calédoniens d’avoir «un échange par visioconférence» à son issue. La principale figure du camp non-indépendantiste, la présidente de la province Sud et ex-secrétaire d’État Sonia Backès, a réclamé jeudi dans un courrier adressé au premier ministre que la France accepte la mise en place d’un «fonds exceptionnel de reconstruction» pour effacer les stigmates de trois nuits de «violence inouïe», dont elle a chiffré le coût à 150 millions d’euros.

Dans le cadre de l’état d’urgence, le ministre de l’Intérieur a procédé à cinq premières assignations à résidence de membres de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), la frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), accusée d’être à l’origine des violences.

Dans un communiqué, les chefs de ce mouvement ont déclaré que «les exactions commises (...) n’étaient pas nécessaires», mais étaient «l’expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et sont marginalisés au quotidien».

Les principaux partis politiques du territoire et les autorités avaient appelé au calme mercredi, face à cette vague de violences, la plus grave depuis les années 1980. Elle a fait trois morts, deux hommes de 20 et 36 ans, ainsi qu’une adolescente de 17 ans, ont détaillé les autorités. Un gendarme touché par balle à la tête a également succombé à ses blessures.

Pont aérien

C’est une réforme constitutionnelle, adoptée par les députés français dans la nuit de mardi à mercredi, qui a mis le feu aux poudres. Elle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, enjeu crucial dans l’archipel. Les partisans de l’indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral et marginaliser «encore plus le peuple autochtone kanak».

Le texte devra encore être voté par les parlementaires qui doivent se réunir avant «fin juin», sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient auparavant, a fait savoir le président de la République.

Côté population, faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires continuent de provoquer de très longues files d’attente devant les commerces du territoire. Les autorités ont annoncé un «pont aérien» entre l’Hexagone et le territoire calédonien, où l’aéroport reste fermé jusqu’à nouvel ordre, notamment pour «assurer la prise en compte des besoins essentiels de la population».

Le haut-commissaire Louis Le Franc a également évoqué la mise en place de convois sécurisés pour approvisionner les points de distribution alimentaire. «Si la situation ne (revient) pas rapidement à la normale, les établissements vont être confrontés (...) à une pénurie de médicaments», a également alerté la fédération des établissements d’accueil des personnes âgées.

Par Le360 (avec AFP)
Le 16/05/2024 à 08h57