Elections en Espagne: Pedro Sanchez, un «survivant» politique aussi habile que tenace

Pedro Sanchez lors du rassemblement de clôture de la campagne électorale à Getafe, dans la banlieue de Madrid, le 21 juillet 2023.. AFP or licensors

Habitué des «remontadas» depuis le début de sa carrière, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a déjoué dimanche les sondages donnant la gauche largement battue aux législatives et garde même une chance de se maintenir in extremis au pouvoir.

Le 24/07/2023 à 07h30

«J’ai appris à donner le maximum jusqu’à ce que l’arbitre siffle la fin de la rencontre», assurait en 2019 le chef de file du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), ancien basketteur amateur, dans une autobiographie intitulée «Manual de resistencia» («Manuel de résistance»).

Les élections législatives de dimanche, qu’il avait convoquées à la surprise générale après la débâcle de la gauche aux élections locales du 28 mai, ont à nouveau illustré sa capacité de résistance face à l’adversité.

Donné largement battu, selon l’ensemble des enquêtes d’opinion, par son rival de droite Alberto Núñez Feijóo, Pedro Sánchez a réussi à n’être distancé que de justesse. Et surtout, il garde des chances de se maintenir au pouvoir grâce à l’appui de la gauche radicale et des partis basques et catalans, la droite et l’extrême droite n’ayant pas à eux deux la majorité absolue.

«Flair politique»

Pedro Sanchez a pris «une décision très risquée» en convoquant ces élections mais a une nouvelle fois fait preuve d’«un bon flair politique», souligne auprès de l’AFP Giselle Garcia Hipola, professeure de sciences politiques à l’Université de Grenade.

Sourire charmeur et télégénique, le Premier ministre - surnommé «El guapo» («le beau gosse») au début de sa carrière en raison de son physique à la Cary Grant - est en effet un habitué des coups de poker, qui lui ont permis de se sortir de situations difficiles à plus d’une reprise.

Né le 29 février 1972 à Madrid d’une mère fonctionnaire et d’un père entrepreneur, cet économiste - dont la thèse a été accusée de plagiat, ce qu’il a toujours nié - a pris en 2014 les rênes du PSOE, à l’issue des premières primaires de cette formation.

Relativement novice et méconnu, il émerge alors en se positionnant comme un «militant de base». Mais cette première expérience se solde par un échec: le parti enregistre les pires résultats électoraux de son histoire et ses cadres le poussent vers la sortie.

Donné pour mort politiquement, Pedro Sánchez parvient pourtant à reprendre la tête du PSOE à peine six mois plus tard après avoir sillonné l’Espagne dans sa Peugeot 407 pour aller à la rencontre des militants, qui lui apportent leur soutien.

«Pragmatique»

Cette ténacité le conduit au pouvoir en juin 2018 après un nouveau coup de poker: rassemblant sur son nom l’ensemble de la gauche et des partis basques et catalans, il renverse le Premier ministre conservateur Mariano Rajoy, plombé par un scandale de corruption, et prend sa suite.

A la tête d’une majorité instable, il est contraint de convoquer deux élections législatives consécutives en 2019, qu’il remporte. Puis d’accepter début 2020 un mariage de raison avec ses anciens frères ennemis de Podemos (gauche radicale) pour se maintenir de façon pérenne au pouvoir.

Pedro Sánchez a su «s’extirper de situations difficiles», souligne Paloma Roman, politologue à l’Université Complutense de Madrid, qui décrit ce père de deux adolescentes, qui a pris fin 2022 la tête de l’Internationale socialiste (IS), comme un «survivant» au profil «pragmatique».

Gouvernant en minorité, il est tout de même parvenu durant son mandat à réformer le marché du travail et les retraites, à augmenter de 50% le salaire minimum, et à instaurer une loi réhabilitant la mémoire des victimes de la Guerre civile (1936-1939) et de la dictature de Franco (1939-1975).

Mais il a pâti des tensions récurrentes avec ses alliés de gauche radicale et des critiques vis-à-vis du soutien apporté à son gouvernement par le parti séparatiste basque Bildu, héritier de la vitrine politique de l’ETA, qui a fait grincer des dents jusqu’au sein du PSOE.

Des formations sur lesquelles cet ancien membre du cabinet du haut représentant de l’Onu en Bosnie va devoir à nouveau s’appuyer pour espérer reconduire une majorité.

Par Le360 (avec AFP)
Le 24/07/2023 à 07h30