Fontaine offerte par le Maroc à l’UA: «Le zellige s’est érigé au fil des siècles en symbole raffiné de l’artisanat marocain», estime son architecte Kamal Bedraoui

Zouhair Kabbaj, directeur général de Kazo Group et l'architecte Kamal Bedraoui, posant devant la fontaine offerte par le Maroc à l'Union africaine.

EntretienKamal Bedraoui, l’architecte qui a conçu la fontaine ornée de zellige offerte par le Maroc à l’Union africaine en février dernier, se confie sur le processus de réalisation de ce chef-d’œuvre conçu par la fine fleur des artisans marocains.

Le 18/05/2024 à 11h48

Le 15 février 2024, une magnifique fontaine offerte par le Royaume du Maroc à l’Union africaine (UA) avait été inaugurée au siège de l’organisation panafricaine, à Addis-Abeba, en Éthiopie, en présence de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, et de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA. Dans cet entretien avec Le360, l’architecte de ce joyau de l’artisanat marocain revient sur les moments forts de cette cérémonie et révèle des détails inédits sur sa conception.

Le360: en février dernier, le Maroc a offert une fontaine ornée de zellige à l’UA que vous avez façonnée en collaboration avec Zouhair Kabbaj, directeur général de Kazo Group. Près de trois mois après cette réalisation, quel souvenir avez-vous de cet événement?

Kamal Bedraoui: Ce que je retiens le plus, c’est un sentiment de fierté. La fierté d’appartenir à un pays millénaire qui a su préserver son identité grâce au brassage des arts et des cultures dans les domaines architectural, artisanal, musical et culinaire. Et ce, à travers les différentes dynasties et grâce à la vision éclairée de Sa Majesté relative au développement de notre patrimoine. Et bien évidemment la fierté d’avoir participé à la réalisation de cette œuvre.

Qu’est ce qui fait la particularité de cette fontaine et quelle a été la réaction des officiels présents lors de son inauguration au siège de l’UA à Addis-Abeba?

Cette fontaine est une traduction de notre riche héritage. Elle représente l’expression et la créativité de notre identité culturelle. C’est le trait d’union entre le passé et le futur, grâce au savoir-faire de nos artisans. Je voudrais à cet égard remercier Zouhair Kabbaj, qui a su traduire cette volonté par son implication à tous les niveaux, de la conception à la réalisation.

Lors de sa présentation, cette fontaine a subjugué par sa beauté tous les visiteurs officiels et autres. Elle est devenue la star du hall de l’UA, et l’élément incontournable pour immortaliser le passage de tout un chacun.

«La réalisation de cette fontaine a été une véritable épopée, réussie grâce au dévouement de tout un collectif.»

—  Kamal Bedraoui, architecte.

La fontaine a été confectionnée sur place, et tous les matériaux ont été acheminés du Maroc, excepté le plâtre, qui a été toutefois sculpté sur les lieux. Comment avez-vous fait pour relever ce défi?

La réalisation de cette fontaine a été une véritable épopée, réussie grâce au dévouement de tout un collectif. À commencer par nos diplomates sur place, qui ont rendu l’exécution de ce travail possible en facilitant toutes les démarches administratives. Quant à nos artisans, ils n’ont ménagé aucun effort pour concrétiser ce projet, en seulement 3 mois et demi, malgré les différentes difficultés sur le site, notamment les différences de langue, les horaires de travail et la discrétion dont il fallait entourer le projet.

«Au 14ème siècle, le zellige a connu un développement remarquable sous la dynastie des Mérinides.»

—  Kamal Bedraoui, architecte.

Que faut-il répondre aux Algériens qui tentent de s’approprier l’art du zellige marocain?

Dès le 10ème siècle, le zellige s’est érigé en symbole des plus raffinés de l’artisanat marocain. Avec ses formes géométriques harmonieuses et ses innombrables couleurs, il captive le regard et intrigue l’esprit. Au 14ème siècle, le zellige a connu un développement remarquable sous la dynastie des Mérinides au Maroc. Les artisans ont perfectionné la technique en utilisant des couleurs plus variées, en créant des motifs de plus en plus complexes, et en utilisant des formes différentes comme les hexagones, les étoiles et les losanges.

C’est à cette époque que fût découverte la technique de la double cuisson des carreaux d’argile ainsi que l’usage des émaux polychromes. Le zellige est devenu ainsi un élément de décoration très prisé pour les palais, les mosquées et les mausolées, lui donnant une place importante dans l’architecture marocaine.

Par Saad Bouzrou
Le 18/05/2024 à 11h48