De HTS en Syrie au Polisario, la vigilance est de mise

Rachid Achachi.

ChroniqueLe 27 novembre, les miliciens de «Hayat Tahrir Al-Cham», ou HTS, ont pris d’assaut la ville d’Alep, en Syrie. L’apparition de ce mouvement pourrait réactiver des cellules terroristes dans d’autres pays, de la région ou d’ailleurs, susceptibles d’être contaminés par ce nouveau chaos.

Le 05/12/2024 à 11h01

Sur le plan géopolitique, tout semble se précipiter avant le 20 janvier, date de l’investiture officielle de Donald Trump à la Maison Blanche. Face au tempérament et à l’imprévisibilité du nouveau président américain, plusieurs États entendent jouer toutes leurs cartes et optimiser leurs gains géopolitiques dans ce dernier sprint, où tout est en apparence permis.

Sur le front ukrainien, la Russie accélère le rythme de sa progression pour obtenir un gain territorial maximal avant les prochaines négociations de paix.

En Géorgie, les pro-européens tentent leur va-tout en occupant les rues de Tbilissi et en tentant d’investir les bâtiments officiels, dans une sorte de Maïdan à la géorgienne.

En Corée du Sud, une K-drama, cette fois politique, est en train de se jouer depuis un peu moins d’une semaine. En effet, après avoir déclaré la loi martiale en invoquant la nécessité de « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État », le président sud-coréen a fini par rétropédaler sous la pression populaire, et se retrouve désormais menacé de destitution, voire de poursuites pour violation flagrante de la Constitution.

Enfin, et c’est le plus dangereux, la Syrie. Martyrisé depuis 2011 par une guerre civile, avec des ingérences étrangères multiples qui donnent à ce conflit un caractère de guerre mondiale localisée, le pays est à nouveau en proie à une menace de plus en plus sérieuse dans le nord-est du pays. Pourtant, le pays a connu une relative accalmie à la suite des accords conclus en octobre 2019 entre Ankara et Moscou.

En effet, le 27 novembre, des miliciens armés, qui se présentent comme «Hayat Tahrir Al-Cham», ou HTS, ont pris d’assaut la ville d’Alep à partir de leur fief à Idlib, et probablement aussi à partir du territoire turc. Issu d’une branche d’Al Nosra, ancienne ramification syrienne d’Al Qaïda, ce mouvement s’est recomposé en intégrant les fragments d’autres groupuscules terroristes comme Daesh et l’ASL.

Dirigé par Abu Mohammed al-Joulani, haut cadre d’Al Qaïda et fondateur de Jabhat Al Nosra, cette nouvelle nébuleuse entend capitaliser sur les erreurs de celles qui l’ont précédé, notamment les erreurs médiatiques et communicationnelles. Ordre a donc été donné de montrer un visage humain auprès des populations des territoires conquis, en interdisant tout pillage et toute violence. Mais comme on dit, chassez le naturel, il revient au galop, puisque depuis l’enclenchement des attaques, plusieurs vidéos montrent ces miliciens en train d’exécuter de sang-froid des soldats syriens captifs et désarmés. Des vidéos de décapitations de soldats syriens ont également été largement partagées sur Telegram.

«Côté marocain, les évènements en Syrie semblent pour l’instant bien lointains, même si le Sahel voisin pourrait être négativement affecté par ce réveil terroriste.»

Le rôle de la Turquie dans ce nouveau chaos régional est évident. Premièrement parce que le fief de HTS, c’est-à-dire Idlib, dépend intégralement de l’aide et du soutien économique, financier et militaire d’Ankara. La monnaie qui y circule est la lire turque et les marchés locaux sont continuellement approvisionnés en produits turcs. Sur le plan militaire, le soutien logistique d’Ankara est également difficile à cacher. Cela va des célèbres drones Bayraktar utilisés par ces rebelles aux drapeaux turcs accrochés ici et là dans la ville d’Alep.

Car pour la Turquie, cette région est considérée comme vitale, en raison de la quasi-indépendance des Kurdes de Syrie organisés politiquement à travers le Parti de l’union démocratique (PYD), et militairement sous la forme d’Unités de protection du peuple, appelées «YPG».

En plus de leur potentiel révolutionnaire dans la région et de leur quasi-indépendance, les Kurdes des YPG pourraient, à n’importe quel moment, faire des émules dans le Kurdistan turc, où une guerre larvée, et par moments sanguinaire, est menée depuis des décennies par l’État turc. Par conséquent, le contrôle de cette région, directement ou indirectement, à travers des milices proxys, figure parmi les impératifs stratégiques majeurs de la Turquie.

L’autre aspect de la question est qu’il n’y a pas que les Kurdes de Syrie qui pourraient faire des émules dans la région et au-delà. Le mouvement HTS pourrait aussi raviver un imaginaire mortifère, créé précédemment par Daesh et Al Nosra. Un imaginaire qui a pu corrompre et manipuler une bonne partie de la jeunesse arabe musulmane, dont une partie est partie combattre en Syrie et en Irak à partir de 2015.

D’autres cellules terroristes pourraient être réactivées dans d’autres pays, comme l’Irak, qui seraient alors susceptibles d’être contaminés par ce nouveau chaos.

Pour l’instant, l’État syrien semble tenir bon grâce au soutien de ses alliés, mais le pire n’est pas à écarter. Car les maux qui traversent l’appareil étatique et surtout l’armée syrienne sont toujours là: corruption, incompétence d’une partie de commandement, démobilisation des soldats les plus aguerris et expérimentés…

Côté marocain, les évènements en Syrie semblent pour l’instant bien lointains, même si le Sahel voisin pourrait être négativement affecté par ce réveil terroriste. D’autant plus que la Turquie nourrit aussi des ambitions dans cette région, comme en témoigne son implication quasi directe en Libye.

Mais là où l’on devrait se montrer le plus vigilants, c’est concernant cette période qui nous sépare de l’investiture de Trump, puisque si l’Algérie désire attaquer le Maroc à travers son proxy, le Polisario, c’est bien durant cet intervalle qu’il lui est possible de le faire. Ajoutons à cela que la multiplication des crises, des conflits et des tensions que l’on observe depuis quelques mois dans le monde est de nature à saturer la capacité de régulation et d’action directe de Washington.

Face à cette fenêtre d’opportunité pour Alger et ses auxiliaires, nos Forces armées royales sont certes bien préparées. Mais comme dit l’adage, un homme averti en vaut deux.

Par Rachid Achachi
Le 05/12/2024 à 11h01

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La réactivation de la carte groupes proxy extrémistes reste une des dernières carte stratégique dans les mains de UE -ocde et contre l'initiative geopolitique brics. C 'est une arme limitée ca ne marchera peut être pas cette fois, car la conjoncture économique et financière est différente par rapport à 2005

Considérer HTC comme un groupe terroriste est une insulte au peuple syrien qui a enduré des décennies de souffrance, de massacre et de tortures sous le règne des assassins de la famille Assad, et pour votre information la Syrie de Assad est un allié de l'Algérie et a entraîné et fourni des armes au polisario. Alors documentez vous bien et lisez les actualités

Le régime syrien - qui est le frere jumeau des caporaux algeriens - a commis des massacres sans précédent dans le monde. Il aurait chuté il y a des années s'il n'avait pas été maintenu en vie cliniquement par l'Iran et la Russie. Quant au Maroc, nous aurons toujours des défis venant de l'Est, qu'il s'agisse des kouloughlis sans identité , ou venant de l'orient comme du nationalisme arabe au temps de Nasser , des islamistes ou de la Turquie , l'Iran, etc. On doit toujours rester vigilant

La situation de la Libye est moin catastrophique que celle de la Syrie , Vous remarquerez peut-être qu’il n’y a pas des millions de réfugiés libyens comme les Syriens. La Syrie, malgré les bombardements russes et les milices chiites, reste divisée entre les Kurdes, une section contrôlée par Hay'at Tahrir al-Sham, une section contrôlée par l'Armée Nationale Libre, l'armée turque , les bases amercaines etc... Il faut voir la realité , le regime de bachar le chimique est fini ! Comme celui de l'Algerie , il faut que le Maroc soit pret , le regime d'Alger ne va pas tarder lui aussi a éclater . Et ni la Russie ni la France , ne pourra le sauver .

Merci à la vigilance des russes et des iraniens. Sans leur vigilance la Syrie serait devenue la Libye. un rêve largement souhaité par Israël et l’OTAN.

Depuis la naissance de cette chose 1962 rien de bon et c'est vérifiable donc un état uni autour de notre roi sûr cette question c'est 50/100 de régler le Marocain c'est un guerrier je lui fais confiance

Mr Achachi cette fois vous n'êtes pas neutre votre coté pro-russe influence votre analyse Quelle est la différence entre le régime de des mollah d'Iran et hayat tahrir cham ? les mollahs iraniens ne sont-ils pas des extrémistes ? Ne soutiennent-ils pas le Polisario et le chaos ? Si la Turquie est en concurrence avec la Russie...Ce n'est pas nouveau. Nous ne sommes ni Turcs ni Russes.

Point de vue à respecter, seulement ce qui se passe en Syrie actuellement est le chapitre suivant de l affrontement hizbollah israel, parce que le cessez-le-feu ne signifie nullement la fin du conflit. Netanyahu doit résoudre deux problèmes majeurs en Syrie, le premier ce pays a été décisif et crucial dans l approvisionnement de l arsenal de guerre du hizbollah la majorité des missiles ont transité par la Syrie pour atterir dans les bunker de la résistance et enfin tomber sur la tête de Netanyahu. Le deuxième volet consiste à réduire au néant le régime Assad parce qu'il bloque la normalisation des relations d Israël avec les voisins proches et lointains,et la mise en marche du grand chantier de la route du soie isrealo-arabe ,le conflit Gaza a été déclenché pour bloquer l entame du projet

Nul doute que la nébuleuse HST est une métamorphose de Daech. Cette dernière exposée comme une création occidentale pour contrer l’expansion du shisme dans la région, son image a terni et sa réputation s’est discréditée. Israël et l’OTAN cherche a faire subir a la Syrie le même sort que celui de la lybie. Vont-ils réussir cette-fois-ci ? Qui vivra saura.

Ils ne maitrisent pas la haute technologie et ils n'ont aucune expérience aux combats et leurs soldats n'ont aucune motivation . En revanche , ils nous ont toujours démontré lorsqu'ils enclenchaient un conflit , ils ne sont jamais seuls. Durant la guerre du sable , les Egyptiens et les cubains étaient de leur côté . Aujourd'hui , il est probable qu'ils entrainent leurs d'alliés avec eux , en cas d'affrontements armés ! Toutefois, notre pays doit rester vigilent et il faut surtout qu'il se dote le plus rapidement possible de sous marins , de frégates et d'avions de combats ,type F 15 EX .Il vaut mieux dissuader l'ennemi plutôt que de faire parler les armes !

Le sultan Erdogan reste très nostalgique de l empire ottoman comme le Tsar Poutine de l empire russe .

Ssi Hischam, Nous aussi, nous sommes nostalgiques de l’Empire Chérifien 😂

Salam alikoum, Le représentant du mali a l'ONU a tout dit ,ils faut s'attendre à tout de la part de ses énergumènes DZ.

L'ennemi apparent est facile a jauger celui de l'intérieur qui est difficile et doit être appréhender.

Je pense qu après el guergarat et ses conséquences désastreuses pour l Algérie et son proxy ,la marge de manœuvre est inexistante, à part la stratégie des piqûres de moustiques, histoire de montrer encore une existence, de nuisibles .

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