Khadijatou Mahmoud, violée par Brahim Ghali, au cœur d’une guerre d’influence au Parlement européen

Khadijatou Mahmoud, victime de viol commis par le chef du Polisario, Brahim Ghali.

Khadijatou Mahmoud, victime de viol commis par le chef du Polisario, Brahim Ghali. . DR

Elle ne cède à aucune pression, aucun chantage, ni aucune menace. Khadijatou Mahmoud, victime d’un viol commis par Brahim Ghali, le chef des séparatistes du Polisario, s’est rendue au Parlement européen le 13 octobre afin de faire entendre sa voix. Une visite qui a déclenché une véritable guerre d’influence en coulisses.

Le 21/10/2022 à 13h00

Tout au long de la journée du 13 octobre, jour de la visite de Khadijatou Mahmoud au Parlement européen pour la première fois, la caméra de la chaîne i24 News a suivi cette jeune battante, dans ce qui s’apparente à un véritable chemin de croix pour faire entendre sa voix, celle d’une femme victime d'un viol, alors qu’elle était âgée de 18 ans.

Un crime commis par Brahim Ghali, le patron du Polisario, qui profite aujourd’hui encore d’une impunité quasi-totale, malgré les nombreux crimes dont il est accusé, parmi lesquels des accusations de torture, d’enlèvements, d'assassinats, des attaques terroristes, des crimes de guerre, notamment perpétrés contre des victimes de nationalité espagnole. Une liste d’horreurs très longue, mais qui ne parvient pourtant pas à ternir l’image de ce tortionnaire aux yeux du Parlement européen, comme le démontre ce reportage probant.

La bête noire du Polisario fait son entrée sur l’échiquier politiqueArrivée hier, jeudi, à Bruxelles, Khadijatou Mahmoud s'est exprimée devant les caméras du Parlement européen. Elle a été invitée dans ce haut lieu du pouvoir par des députés, pour témoigner au cours d’une audition publique sur «les violences sexuelles et le viol comme abus de pouvoir», organisée par la Commission des droits des femmes et de l'égalité des genres.

Entourée de précieux protecteurs et conseillers, «c’est une guerre d’influence qui va se livrer sous nos yeux», explique-t-on dans ce reportage où la caméra de i24 l'a suivie.

On suit ainsi le périple de cette jeune femme déterminée à ne rien lâcher, assise dans le bureau d’un parlementaire qui souhaite rester anonyme, auquel elle s’adresse en espagnol, avant que ses propos ne soient traduits par un spin doctor, qui l'accompagnait.

Elle demande si le Parlement européen a déjà traité des abus sexuels commis par des gens de pouvoir envers les femmes. Une question à laquelle le député répond en précisant «qu’il condamne fermement les abus contre les femmes, peu importent les hommes puissants ou non, peu importent les bords politiques».

Une réponse qui rassure la jeune femme. «Ça me donne de l’espérance de vous voir, car la lutte pour nous protéger n’est pas seulement celle des femmes mais celles de tous», explique-t-elle au parlementaire, confiante dans le fait que son message portera enfin.

Tout au long de cette journée, les rencontres vont s’enchaîner pour Khadijatou Mahmoud, pour laquelle ses conseillers «ont préparé un agenda très chargé». Des messages de soutiens, elle en compte beaucoup, que ce soit au Maroc, en Algérie mais aussi au Parlement européen. Ils parlent avec la jeune sahraouie, la rassurent d’un geste ou d’un sourire et se prennent en photo avec elle, à l’instar de Dick Roche, ex-ministre de la Justice d’Irlande et fervent protecteur des droits des femmes, ou encore Henri Malosse, du conseil social et économique européen, Marina Kaljurand, l’ex-ministre des Affaires étrangères estonienne… La guerre d’influence se joue aussi sur les réseaux sociaux, et la jeune femme, qui relaie le déroulement de sa journée sur ses réseaux, en a pleinement conscience.

Mais celle qui est devenue la bête noire du Polisario n’est pas venue jusqu’ici uniquement pour serrer des mains et faire des selfies, elle a aussi la ferme intention de prendre la parole devant le Parlement européen pour raconter son histoire et dénoncer les crimes de son bourreau.

Privée de parole, mais pas de soutiensElle découvre pour la première fois l’hémicycle, «guidée par un vieux loup très respecté qui connaît le moindre recoin de cette institution où se joue la vie politique internationale», précise le reporter qui l’accompagne. Mais les choses ne vont pas se dérouler comme elle l’espérait.

«Elle ne le sait pas encore, mais le Polisario a payé des lobbyistes pour faire annuler son intervention publique auprès des députés européens», annonce ainsi le reporter. C’est la douche froide… «Dans ce haut lieu de pouvoir, tous les coups sont permis».

Privée de parole, Khadijatou ne se décontenance pas pour autant et tente de trouver des députés qui accepteront d’aborder son cas dans l’hémicycle. Il y a bien «cette femme voilée, haut fonctionnaire d’un pays musulman (qui) lui apporte verbalement son soutien» mais celle-ci «refuse d’apparaître publiquement, car les dirigeants de son pays soutiennent le mouvement terroriste du front Polisario».

Pour mieux comprendre ce qui se trame, c’est Charlie Weimers, le conservateur réformiste de Suède, qui en parle le mieux, mais hors caméra, comme d’autres. Il confirme d'ailleurs «l’influence du Polisario au sein du parlement européen». Grâce à l'aide financière et diplomatique de son parrain algérien, le Polisario peut compter sur des appuis au parlement européen.

Les soutiens de Khadijatou Mahmoud la rassurent, et lui expliquent que «c’est le jeu politique», et pour la soutenir, certains vont alors accepter de parler publiquement en son nom, dans l’hémicycle. C’est le cas de Willy Fautré, directeur de Droits de l’homme sans frontières, qui, avec calme et sang froid, déclare face à l’assemblée: «l’abus de pouvoir sur les femmes par des leaders politiques, les viols et l’utilisation de la brutalité en période de guerre, je peux vous en donner des exemples. Mais d’abord, parlons de Khadijatou Mahmoud, qui accuse le leader du Front Polisario, Brahim Ghali, de viol. Elle avait 18 ans, elle travaillait comme interprète pour le Polisario. Dans son bureau de l’ambassade, après un chantage pour obtenir un visa pour aller en Italie, il a exigé une relation sexuelle. Elle a refusé, Brahim Ghali l’a violée».

Khadijatou réussit malgré tout à faire entendre sa voix. Son combat n’est pas vain. Dans la conférence de presse organisée ce jour-là par le Brussels Press Club, l’avocate belge Sophie Michez, qui connaît bien les exactions du Polisario, va briser l’omerta devant les caméras.

«A un moment donné il faudra quand même que ça change, que les organisations internationales prennent leurs responsabilités. (…) On va dénoncer ça auprès des Nations unies. On a l’impression de parler dans le vent et à un moment donné, il faudrait quand même que la communauté internationale prenne ses responsabilités. D’accord, il n’y a peut-être pas d’intérêt économique, il y a peut-être moins d’intérêts, mais je pense qu’on est vraiment en train d’oublier qu’il y a des femmes et des enfants qui subissent des sévices extrêmes», a-t-elle déclaré sans langue de bois, en référence aux atrocités commises dans les camps de Tindouf, en Algérie, par le Polisario, dans l’indifférence générale de la communauté internationale.

La journée s'est s’achevée sur un demi-succès pour la jeune femme qui porte le combat pour la protection des femmes saharaouies dans sa chair. Elle ne s’arrêtera pas là, ne se contentera pas de cela, car, a-t-elle confié au reporter qui l’accompagnait, «il faudra la tuer pour qu’elle se taise».

Et le reportage de se conclure sur un message adressé aux «dictateurs, puissants et autres chefs mafieux et terroristes»: «ils ont un nouvel ennemi. Son nom: Khadijatou Mahmoud».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 21/10/2022 à 13h00