Un quart des Marocains achètent désormais en ligne, en hausse de 65% en cinq ans

E-commerce. (Photo d'illustration)

E-commerce. (Photo d'illustration) . DR

Porté par une croissance soutenue et une confiance numérique renforcée, le commerce en ligne s’impose comme un pilier de la transformation digitale du Maroc. En 2024, un Marocain sur quatre a acheté en ligne, contre 15,1% en 2019, soit 3,7 millions de nouveaux cyberacheteurs, en progression de 65%. Le volume global du e-commerce dépasse 22 milliards de dirhams.

Le 03/11/2025 à 08h30

Le commerce en ligne marocain connaît une expansion continue. Selon l’Enquête nationale TIC 2024-2025, menée par l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), en partenariat avec le ministère de la Transition numérique et plusieurs autres institutions, près d’un Marocain sur quatre (24,9%) a effectué un achat en ligne en 2024, contre 15,1% en 2019.

En volume, cela représente 3,7 millions de nouveaux cyberacheteurs en cinq ans, soit une hausse de 65%. Cette progression illustre l’ancrage du e-commerce dans les habitudes de consommation des Marocains, soutenu par la généralisation du smartphone, l’amélioration des connexions Internet et la confiance croissante envers les plateformes numériques.

Selon le ministère de l’Industrie et du Commerce, le volume global du e-commerce a atteint 22 milliards de dirhams (MMDH) en 2023, avec une croissance moyenne annuelle supérieure à 30% sur cinq ans.

Le nombre d’utilisateurs frôlerait 10 millions en 2029

Les perspectives demeurent prometteuses: d’après Statista, portail mondial de statistiques et de données de marché, le marché marocain du e-commerce devrait croître à un rythme de 10,5% par an entre 2024 et 2029, pour atteindre un chiffre d’affaires estimé à 2,6 milliards de dollars (près de 24 MMDH) à l’horizon 2029.

Le nombre d’utilisateurs, lui, passerait de 7,4 à 9,9 millions, avec un taux de pénétration de 25,4%, selon Statista, confirmant le positionnement du Maroc comme l’un des leaders africains du e-commerce.

Des habitudes d’achat plus fréquentes et diversifiées

Mais au-delà du nombre de convertis, c’est la fréquence d’achat qui interpelle. Le comportement d’achat se renforce et se consolide, selon l’enquête qui vient d’être publiée par l’ANRT.

En 2024, plus des trois quarts (76,3%) des acheteurs marocaines en ligne effectuent entre 2 et 5 commandes par an, contre 51,5% en 2019, affichant une croissance spectaculaire de 48% sur la période.

Les «acheteurs occasionnels» (une seule fois) voient leur part nettement diminuer (de 34,% à 8,1%), tandis que celle des «gros acheteurs» (plus de 10 commandes) se renforce, passant de 2,5% à 7,2%.

Cette régularité traduit une banalisation de l’acte d’achat digital et une familiarisation accrue avec les plateformes de paiement et de livraison.

Les jeunes urbains constituent le moteur de cette dynamique: ils combinent usage intensif du mobile, recours aux réseaux sociaux marchands et suivi des offres sur les marketplaces.

Achats de nécessité, loisirs, équipements technologiques

Les produits les plus commandés restent ceux du quotidien et du loisir, mais les préférences varient selon le genre. Chez les femmes, la mode domine très largement: 77% achètent des vêtements, chaussures ou accessoires, suivis des produits cosmétiques (42%) et des articles de musique (18%).

Les hommes, eux, se tournent davantage vers la restauration et les voyages: 43% achètent des produits alimentaires, 29% des billets ou réservations touristiques, et 23% du mobilier ou des équipements informatiques.

Paiement et livraison: la confiance se construit

Le paiement à la livraison reste la méthode la plus plébiscitée, utilisée par 84,1% des acheteurs, loin devant la carte bancaire (43,3%) ou les services de paiement en ligne (9,9%). Ce choix traduit un besoin de sécurité et de tangibilité encore fort dans un contexte où la culture du paiement dématérialisé reste en consolidation.

Côté logistique, près de 9 livraisons sur 10 se font directement au domicile de l’acheteur -une nette progression par rapport à 2019 (76,7%)-, traduisant le renforcement des réseaux de distribution et des partenariats logistiques à l’échelle nationale. Le retrait en point de vente (28,8%) et le téléchargement direct (28,9%) complètent le podium.

Un ancrage urbain, mais une percée rurale

Le commerce électronique reste dominé par les grandes villes, où les infrastructures et le pouvoir d’achat soutiennent la demande. Toutefois, l’enquête note une pénétration croissante du e-commerce dans les zones rurales, portée par la généralisation des smartphones et l’accès mobile à Internet.

Les plateformes locales d’achat et les réseaux sociaux marchands (Facebook Marketplace, Instagram Shops, TikTok) jouent un rôle déterminant dans cette ouverture.

Une feuille de route pour structurer le secteur

Conscient du potentiel stratégique du e-commerce, le ministère de l’Industrie et du Commerce a engagé une série d’initiatives pour structurer et dynamiser le secteur, devenu un levier majeur de compétitivité et d’inclusion économique.

Parmi les priorités: la modernisation du cadre juridique, le renforcement des compétences et la digitalisation du commerce de proximité.

Un cadre juridique en voie de modernisation

Le ministère de l’Industrie et du Commerce poursuit la mise à jour de la loi n°31.08 relative à la protection du consommateur, actuellement en révision au Secrétariat général du gouvernement. Cette réforme vise à mieux encadrer les plateformes en ligne et à clarifier les responsabilités des acteurs du e-commerce, afin de renforcer la transparence et la confiance dans les transactions numériques.

En parallèle, une étude nationale sur le commerce électronique dressera un diagnostic complet du secteur et proposera une feuille de route stratégique. L’objectif: identifier les leviers de croissance et lever les blocages structurels freinant la digitalisation du commerce.

Former, accompagner et digitaliser les commerçants

Plusieurs partenariats public-privé ont permis d’organiser des formations en marketing digital au profit de milliers de commerçants marocains, désormais présents sur les grandes plateformes numériques.

Le programme Moroccan Retail Tech Builder (MRTB) illustre cette dynamique: il accompagne déjà 161 startups, au-delà de son objectif initial, et une seconde phase (2025-2027) élargira davantage son impact.

L’initiative favorise aussi l’accès aux services financiers numériques et le développement de solutions digitales adaptées au commerce de proximité.

Des synergies institutionnelles pour un e-commerce inclusif

Un accord stratégique, signé en avril 2025 entre le ministère de l’Industrie et du Commerce et celui de la Transition numérique, marque une nouvelle étape dans la transformation digitale du commerce marocain.

Ce partenariat prévoit un programme de digitalisation des commerçants, des initiatives conjointes de formation et le déploiement d’infrastructures numériques favorisant un e-commerce plus inclusif, moteur de compétitivité et d’innovation pour l’économie nationale.

Vers un saut qualitatif pour l’économie nationale

Avec près de 90% de la population connectée à Internet et une croissance à deux chiffres, le e-commerce est désormais un pilier de la transformation numérique et un vecteur de croissance inclusive.

L’ensemble des réformes engagées -cadre juridique modernisé, programmes de formation, appui aux startups et développement logistique- vise à moderniser le tissu commercial et à renforcer la compétitivité du Maroc dans l’économie numérique mondiale.

Le pays aborde ainsi une phase de maturité digitale, où le commerce électronique n’est plus un phénomène émergent, mais une composante structurelle de la consommation et de la compétitivité nationale.

Par Lahcen Oudoud
Le 03/11/2025 à 08h30