Tourisme: le spectre de la saturation

Le Maroc a accueilli 4 millions de touristes à fin mars 2025, maintenant sa place de première destination touristique d'Afrique. Les recettes touristiques ont généré 24,62 milliards de dirhams (2,43 milliards de dollars) en 3 mois.

Revue de presseÀ l’aube du Mondial 2030, le Royaume du Maroc mise gros sur le tourisme avec un objectif, ambitieux, de 26 millions de visiteurs. Mais, à l’image des grandes villes européennes confrontées au sur-tourisme, cette dynamique pourrait fragiliser l’équilibre social et urbain, si elle n’est pas encadrée. Entre opportunités économiques et risques de saturation, l’heure est à la vigilance. Cet article est une revue de presse tirée du magazine Challenge.

Le 28/05/2025 à 18h53

Le Royaume ambitionne d’accueillir 26 millions de touristes à l’horizon 2030, une perspective renforcée par l’organisation conjointe de la Coupe du monde de football.

Le secteur touristique est aujourd’hui perçu comme un pilier de la stratégie de croissance nationale.

Toutefois, relève le magazine Challenge, cette dynamique soulève des inquiétudes liées à une possible dérive vers le sur-tourisme, phénomène qui a déjà provoqué de fortes tensions dans plusieurs pays européens.

En Europe, les grandes villes touristiques comme Barcelone, Venise, Rome ou encore Londres, ont dû adopter des mesures restrictives pour réguler l’offre de location courte durée.

Cette régulation est motivée par l’impact du tourisme de masse sur le marché du logement.

En Espagne, Barcelone a ainsi prévu de retirer 10.000 logements de la plateforme Airbnb d’ici 2029, tandis qu’en Italie, un projet de loi impose des durées minimales de séjour et des codes d’identification obligatoires pour les hébergements touristiques.

À Londres, la location de logements entiers via Airbnb est limitée à 90 nuitées par an, écrit-on.

Ces politiques visent à limiter les tensions sur le logement résidentiel, éviter la spéculation foncière, et préserver la qualité de vie des habitants.

Selon la Commission européenne, le sans-abrisme a nettement progressé en lien avec la raréfaction des logements accessibles, en partie à cause du développement incontrôlé de la location touristique.

Au Maroc, les signaux d’une possible dérive similaire commencent à apparaître. Si l’économie touristique est en pleine expansion, notamment à Marrakech, Casablanca, Agadir et Fès, les capacités d’hébergement se développent parfois sans coordination stratégique globale.

Citée par Challenge, Amal Karioun, présidente de la Fédération nationale des agences de voyages, s’interroge sur la réalité d’une stratégie touristique au Maroc, estimant que l’essentiel des investissements se concentre sur des unités hôtelières soutenues par des investisseurs institutionnels et souvent gérées par de grandes enseignes internationales.

Selon elle, les efforts se limitent à l’augmentation de la capacité litière en prévision des événements sportifs à venir, sans réelle réflexion sur la durabilité ou l’impact social du modèle touristique en construction.

Elle alerte également sur les risques de spéculation autour des plateformes de type Airbnb, même si celles-ci restent encore marginales au Maroc.

«Nous risquons de nous retrouver dans une bulle spéculative qui, à terme, pénalisera l’économie locale et les habitants», souligne-t-elle.

Le Royaume n’a pour l’instant adopté aucune réglementation spécifique encadrant les plateformes de location touristique à court terme.

Le fisc surveille le secteur, mais aucune loi ne fixe clairement les limites ou conditions d’exercice de ces activités.

Pour éviter de reproduire les erreurs observées en Europe, des mécanismes de contrôle plus stricts et une feuille de route cohérente pourraient s’avérer nécessaires.

Certaines pistes sont déjà explorées à l’international, comme l’instauration de tickets d’entrée dans des villes touristiques ou l’interdiction de nouveaux logements touristiques dans certaines zones.

«Il ne s’agit pas simplement d’accroître les chiffres, mais de définir le modèle touristique que nous voulons pour notre pays», a conclu Amal Karioun.

Elle a plaidé pour une approche plus inclusive, intégrant également le tourisme national, souvent exclu par une politique tarifaire tournée vers les marchés étrangers.

Par Nabil Ouzzane
Le 28/05/2025 à 18h53