Le stock d’or détenu par la Banque centrale est resté quasi stable à 711 mille onces (l’équivalent de 22 tonnes) à fin 2022, lit-on dans le rapport annuel de Bank Al-Maghrib, présenté au Souverain fin juillet par son wali Abdellatif Jouahri.
Au terme de l’année 2022, la contre-valeur des avoirs en or s’est élevée à 13,49 milliards de dirhams, en hausse de 12%, sous l’effet combiné de l’appréciation du cours de l’or (exprimé en dollar) et de la dépréciation du dirham face au dollar. Le prix de l’once d’or s’élève à 18.985 dirhams à fin décembre 2022, contre 16.889 dirhams une année auparavant.
L’attitude «conservatrice» de Bank Al-Maghrib à l’égard de l’or soulève bon nombre d’interrogations. Pourquoi la Banque centrale marocaine s’attache-t-elle à maintenir inchangé son stock d’or, alors que d’autres parmi ses homologues (en Chine, au Kazakhstan et au Pays-Bas, entre autres) augmentent massivement leurs achats en métal précieux? En effet, en 2022, les instituts d’émission ont acquis 1.136 tonnes d’or, un niveau jamais vu depuis 55 ans. C’est que le métal précieux est très apprécié par les Banques centrales, qui s’en servent comme une réserve de valeur à long terme, car il se porte bien et conserve sa valeur (voire la bonifie) en temps de crise, servant ainsi de rempart contre l’inflation.
Dans le dernier classement du Conseil mondial de l’Or (CMO) des pays possédant les plus grandes réserves d’or, le Maroc figure à la 60ème position, surclassé par la Lybie (34ème, avec 117 tonnes), l’Égypte (30ème, avec 126 tonnes), l’Algérie (25ème avec 174 tonnes), le Kazakhstan (16e avec 314 tonnes), l’Arabie saoudite (15ème avec 323 tonnes) ou encore la Turquie (11e avec 440 tonnes).
Au sommet du tableau, les États-Unis, avec leurs réserves d’or de 8.133 tonnes, détiennent le plus grand stock d’or au monde. Ils sont talonnés par l’Allemagne (3.355 tonnes), l’Italie (2.452 tonnes) et la France (2.437 tonnes). Avec un stock d’or de 2.299 tonnes, la Russie figure quant à elle au 6ème rang mondial devant la Chine et ses 1.948 tonnes.
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Au Maroc, depuis le début des années 2000, El Mostafa Belkhayate, spécialiste de renom du marché de l’or, n’a cessé de militer en faveur d’un positionnement plus prononcé de Bank Al-Maghrib vis-à-vis de ce métal précieux. «Je regrette que le Maroc n’ait pas suivi ces recommandations», déplore-t-il.
Avec un stock de seulement 22 tonnes d’or, soit à peine 3% des réserves de change, le Maroc est en dessous de la moyenne observée en Europe (40%), aux États-Unis (45%) et de la moyenne mondiale (12%), relève l’expert.
Processus de «Dédollarisation»
Selon Belkhayate, Bank Al-Maghrib aurait pu arbitrer en faveur d’une augmentation des réserves d’or. «Lorsqu’on décide de ne pas prendre de risque, en réalité, on prend un grand risque, celui de ne pas pouvoir tirer profit de l’opportunité qui se présente sur les marchés financiers», lâche celui qui, dans une autre vie, a été conseiller financier de Michael Jackson.
Rappelons que l’once d’or s’échangeait, hier vendredi 11 août 2023, à 1.913 dollars, contre 1.371 dollars dix ans auparavant, soit une appréciation de plus de 45%.
Rien ne semble donc en mesure de freiner l’envolée des cours de l’or. Notre interlocuteur rappelle l’orientation choisie par les pays membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui s’apprêtent à introduire une nouvelle monnaie adossée à l’or. «Tous les experts sont unanimes pour dire que la hausse des cours de l’or va encore s’accélérer. Il est indispensable que l’arbitrage soit effectué: le Maroc doit vendre un peu de ses dollars pour acheter de l’or», suggère Belkhayate, ajoutant que l’objectif est de «doubler les réserves d’or du Maroc».
Par ailleurs, ce dernier invite le gouvernement à organiser un sommet mondial sur «La gestion de l’or dans les réserves des banques centrales», et se dit prêt à mettre à disposition le modèle qu’il a pu développer en s’appuyant sur l’intelligence artificielle, lequel permet de prédire l’évolution du cours de l’or sur une période de dix ans.