Le 3 juillet dernier, la justice a condamné en appel Maroc Telecom, poursuivi pour pratiques anticoncurrentielles, à payer la somme de 6,3 milliards de dirhams à Inwi à titre de dommages et intérêts. L’opérateur historique, qui avait un délai de 10 jours pour passer à la caisse, a fini par s’exécuter: Le360 a appris que le paiement a été effectué au cours du mois de juillet, évitant ainsi à Maroc Telecom une procédure de recouvrement forcé qui aurait pu grandement nuire à son image.
Le montant de 6,3 milliards de dirhams constitue la plus lourde sanction financière jamais infligée à un opérateur télécom au Maroc: il représente 17% du chiffre d’affaires 2023 d’Itissalat Al-Maghrib (IAM), et dépasse ses 6,1 milliards de dirhams de bénéfice de l’année dernière.
Au-delà des chiffres, cette condamnation pose avec insistance la problématique de la gouvernance chez Maroc Telecom, d’autant plus que le mandat de son président, Abdeslam Ahizoune, prendra fin dans moins de six mois, précisément en mars 2025. Toute la question est de savoir si l’actionnaire de référence, le groupe émirati Etisalat, compte le maintenir en poste.
Lire aussi : Litige avec Inwi: Maroc Telecom devra verser 6,3 milliards de dirhams à Wana Corporate
Rappelons que Maroc Telecom n’en est pas à sa première sanction financière pour pratiques anticoncurrentielles. L’opérateur avait déjà écopé, en janvier 2020, d’une amende de 3,3 milliards de dirhams, à la suite d’une saisine par Inwi de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Le gendarme des télécoms avait alors conclu à l’existence de «comportements cumulés (…) ayant eu pour effet d’empêcher et de retarder l’accès des concurrents au dégroupage et au marché du fixe».
Pire, en juillet 2022, Maroc Telecom défrayait de nouveau la chronique en annonçant la liquidation de l’astreinte qui lui a été imposée dans le cadre de cette décision, pour un montant supplémentaire de 2,45 milliards de dirhams.
L’entêtement de Abdeslam Ahizoune
Au total, l’entêtement de Abdeslam Ahizoune à continuer d’enfreindre les règles de la libre concurrence aura ainsi coûté à l’entreprise plus de 12 milliards de dirhams. D’aucuns se demandent comment l’ancien ministre des Postes et des Télécommunications, pourtant conscient de la gravité de ces pratiques anticoncurrentielles, a persisté dans son comportement dommageable à la fois à l’image et aux finances de l’opérateur historique comme à la croissance des télécoms au Maroc.
Dans un précédent article publié par Le360, citant un expert en télécoms, il a été établi que Maroc Telecom préférait opter pour un arbitrage malsain entre, d’une part, le risque encouru en termes d’amendes payées et, d’autre part, les gains engrangés grâce à sa situation de monopole. À titre d’exemple, le montant de l’amende payée par IAM en 2020, soit 3,3 milliards de dirhams, représente à peine 2,7% du montant total de dividendes distribués par l’opérateur historique en quelque 20 ans à ses actionnaires (120 milliards de dirhams). Résultant d’un monopole de fait et du non-respect des lois et réglementations en vigueur, ce niveau de rendement est quatre fois supérieur à celui des opérateurs historiques européens.