Depuis plusieurs années, l’absence d’un cadre législatif clair au Maroc a favorisé l’émergence de grèves spontanées et non régulées, avec des répercussions significatives sur l’économie nationale. Pour les acteurs économiques, notamment les entreprises industrielles, cette incertitude constitue un frein à l’attractivité du pays. «Une grève imprévue peut, en effet, perturber une chaîne de production, engendrer des pertes financières importantes et affecter la compétitivité de secteurs entiers sur le marché international», écrit le magazine Challenge.
Dans un contexte où le Maroc ambitionne de se positionner en tant que hub régional de l’industrie, de la logistique et des services, la mise en place d’un cadre réglementaire encadrant le droit de grève devient une nécessité. «C’est dans cette optique que le gouvernement, sous l’impulsion de Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, travaille depuis plusieurs mois sur un projet de loi visant à instaurer des règles plus claires en la matière. Ce texte entend limiter les grèves spontanées en instaurant des procédures de préavis et des conditions spécifiques à l’arrêt d’activité».
Bien que justifiée par la nécessité de protéger l’économie nationale, cette réforme suscite des inquiétudes parmi les syndicats, qui y voient une tentative de restriction d’une liberté fondamentale. La question essentielle demeure: comment concilier les impératifs économiques du pays avec le respect des droits sociaux?
Pour mieux comprendre la position des syndicats, Challenge cite l’UMT. «Ce texte est défavorable aux travailleurs. La grève reste un recours ultime pour inciter les employeurs à négocier. Or, ce projet semble vouloir restreindre ce droit fondamental», lit-on. L’argument avancé est la nécessité de s’attaquer aux causes des grèves plutôt qu’à leurs conséquences économiques.
L’économiste Driss Aissaoui, cité par Challenge, rappelle que «cette loi organique s’inscrit dans une politique plus large de l’emploi menée par le gouvernement, visant à résoudre plusieurs problématiques, dont celle de la grève. Ce débat est en cours depuis trois décennies». Il souligne que l’objectif n’est pas de remettre en cause un droit constitutionnel, mais d’en garantir un exercice plus prévisible et en phase avec la dynamique économique du pays.
Face aux critiques, le gouvernement a consenti à certaines concessions lors de discussions devant la Commission de l’Enseignement, des Affaires sociales et culturelles de la Chambre des conseillers. Le ministre de l’Emploi a notamment annoncé l’interdiction pour les employeurs de recruter des travailleurs de substitution en cas de grève, ainsi que des ajustements sur la durée du préavis et l’identification des initiateurs des grèves dans la fonction publique et le secteur privé.
Autre avancée notable: la suppression de la disposition prévoyant la contrainte par corps en cas de non-paiement d’amendes liées aux grèves jugées illicites. Aux yeux des syndicats, ce n’est pas suffisant.