Présenté le 20 octobre devant le Parlement, le PLF 2026 table sur un déficit ramené à 3% du PIB, contre 3,6% dans le budget initial 2025. Le signal se veut clair: l’exécutif ne cédera pas à une expansion massive des dépenses courantes malgré les manifestations, qualifiées par Bank Al-Maghrib (BAM) de «plus importantes depuis la séquence 2011-2012». Selon Fitch, qui a confirmé en septembre la note souveraine du Maroc à BB+ avec perspective stable, ces tensions n’ont pas altéré la stabilité politique du pays et ne modifient pas sa trajectoire budgétaire. En toile de fond, le chômage urbain des jeunes reste élevé – 32% selon le HCP –, nourrissant un mécontentement social persistant, mais sans remettre en cause l’architecture institutionnelle.
Le gouvernement prévoit une contraction des dépenses totales à 26,8% du PIB en 2026, contre 27,6% dans le budget 2025. Cette baisse s’appuie principalement sur la maîtrise des dépenses courantes, tandis que l’investissement public resterait stable autour de 7% du PIB, confirmant la priorité donnée aux infrastructures stratégiques.
Selon le ministère de l’Économie et des finances, l’effort de réduction des dépenses se répartira à parts égales: d’un côté, une rationalisation de la masse salariale — qui représente encore 10,8% du PIB en 2024, d’après Bank Al-Maghrib —, de l’autre, une diminution du service de la dette, rendue possible par la détente graduelle des taux et le redressement des recettes internes.

Du côté des recettes, le PLF 2026 anticipe un léger ralentissement, à 23,8% du PIB, contre 24% dans le budget 2025. Le gouvernement mise toutefois sur une progression de l’impôt sur les sociétés, attendue en hausse de 0,8 point de PIB, portée par les réformes fiscales et par une reprise modérée de l’activité — le FMI table sur une croissance de 3,5% en 2026, principalement tirée par les secteurs exportateurs et par la normalisation agricole après les épisodes de sécheresse.
Toutefois, cette dynamique sera contrebalancée par la chute d’un point de PIB des recettes non fiscales, conséquence du recul volontaire des «financements innovants», ces mécanismes de cession-bail d’actifs publics qui avaient permis, depuis 2021, de combler ponctuellement les écarts budgétaires, note l’analyse. Le ministère insiste sur la nécessité de substituer à ces outils exceptionnels des sources pérennes de revenus, garantissant une consolidation durable.
Rigueur confirmée malgré les tensions sociales
Les projections pour 2026 montrent une cohérence avec la programmation triennale dévoilée fin 2024, qui fixait déjà un déficit de 3% pour cette année-là. Pour Fitch, cette continuité confirme que le gouvernement n’a pas infléchi sa stratégie à la suite des manifestations. L’agence estime que le déficit moyen devrait s’établir à 3,1% du PIB sur 2026-2027, permettant au ratio dette/PIB de poursuivre son reflux. Selon BAM, ce ratio est passé de 72,2% en 2021 à 67% en 2025; il devrait approcher 66% en 2026, un niveau encore supérieur à la médiane des pays notés BB (52% en 2027), mais orienté favorablement.
Le principal risque, selon Fitch comme selon plusieurs économistes marocains, réside dans le financement du vaste programme d’infrastructures lié à la Coupe du Monde 2030. Le Maroc prévoit des investissements massifs dans les stades, les aéroports, les lignes ferroviaires à haute vitesse, les infrastructures hydrauliques et les équipements énergétiques. Le coût potentiel est évalué à près de 18% du PIB, un effort comparable aux grands chantiers des années 2000, comme Tanger Med ou les autoroutes, mais concentré dans une fenêtre temporelle beaucoup plus serrée. L’exécutif mise largement sur les partenariats public-privé et sur la mobilisation des entreprises publiques pour éviter toute explosion des dépenses budgétaires. Toutefois, la multiplication des garanties de l’État ou une implication financière plus directe pourraient fragiliser la trajectoire de consolidation.
Dans l’environnement économique actuel, la marge de manœuvre reste étroite. L’inflation, retombée à 2,3% en 2024 selon BAM, pourrait remonter légèrement en 2026 avec la reprise mondiale. Les subventions ciblées devraient remplacer définitivement la compensation généralisée des carburants et du butane à partir de 2026-2027, mais leur coût transitoire reste élevé.
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Cependant, le HCP estime que les dépenses sociales absorberont près de 4,5% du PIB sur la période, notamment avec la montée en charge de l’assurance-maladie unifiée et du revenu social unifié. Le pays continue également à faire face à une contrainte climatique lourde: la production céréalière 2024-2025 s’est établie sous les 40 millions de quintaux, loin de la moyenne décennale de 55 millions, ce qui alourdit la facture d’importation alimentaire, déjà en hausse de 7,4% selon l’Office des Changes.
Pour l’heure, le Maroc bénéficie d’un contexte externe relativement favorable. Le FMI a salué en 2025 «la résilience macroéconomique et la crédibilité des politiques budgétaires» du Royaume, tandis que l’accès à la LPL et aux marchés internationaux demeure intact. La récente amélioration de la liquidité bancaire, avec un déficit moyen tombé à 65 milliards de dirhams fin 2025 contre 85 milliards un an plus tôt, allège également les tensions sur le marché domestique de la dette.
Le PLF 2026 s’inscrit donc dans une logique de continuité: réduction graduelle du déficit, discipline salariale, rationalisation des dépenses et promotion des recettes durables. Mais cette stratégie reste suspendue au succès des PPP, à la capacité des entreprises publiques à financer leurs projets sans alourdir la dette implicite de l’État et à la gestion politique d’un climat social qui reste volatil, alerte Fitch. À l’approche de la Coupe du Monde et des cycles climatiques incertains, l’équation budgétaire du Maroc demeure maîtrisée, mais exige une vigilance constante, conclut l’analyse avec une dose d’optimisme.








