Le Maroc a réussi à multiplier par quatre la superficie de ses terres dédiées à l’agriculture biologique. Mais malgré cette croissance, le secteur a dû faire face à plusieurs défis. «Le Maroc s’est engagé sur la voie du bio, il y a 12 ans, avec un développement croissant mais lent de l’agriculture biologique. Les terres dédiées à la filière sont passées de 4.000 hectares à environ 18.000 hectares. Cependant, ce n’est pas aussi impressionnant qu’il y paraît. Bien que les surfaces aient plus que doublé, voire quadruplé, elles restent modestes. Pire encore, la crise économique a entraîné un tassement du secteur», indique Slim Kabbaj, président de l’interprofession Maroc Bio.
Avec la baisse du pouvoir d’achat, les consommateurs se sont tournés vers des options moins coûteuses, et la confusion dans le paysage des labels n’a pas aidé. Comme l’explique notre interlocuteur, «la confusion des labels et la crise économique ont poussé certains producteurs à se retirer de l’agriculture biologique, entraînant une réduction des surfaces. Le bio est souvent perçu comme une opportunité de vendre plus, mieux et plus cher. Cependant, face à la crise, nombreux sont ceux qui ont trouvé cela difficile et ont décidé de quitter le navire. Aujourd’hui, on compte environ 14.000 à 16.000 hectares de terres cultivées en bio, bien loin des 18.000 hectares d’il y a deux ans.»
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Malgré cette tendance, la géographie du bio n’a pas beaucoup changé. Les principales régions bio restent Marrakech-Safi, Fès-Meknès, Souss-Massa et Rabat-Salé-Kénitra, avec une croissance notable dans la région de Drâa-Tafilalet. Une évolution est également notée au niveau des types de cultures. «L’agriculture biologique s’est diversifiée pour englober pratiquement toutes les cultures, y compris les arbres fruitiers et les légumes. On observe également une croissance dans les cultures qui nécessitent peu d’eau, comme le caroubier et les plantes aromatiques et médicinales», fait savoir Slim Kabbaj.
Baisse des exportations
Les exportations des produits bio ont connu une baisse, principalement due à la réduction du marché international. «Malgré cela, rassure le président de l’interprofession, les producteurs marocains ont trouvé de bonnes niches, grâce à leur compréhension du sol, de l’agriculture et de la transformation des produits. La diversification des marchés est également à l’ordre du jour. Auparavant concentrés sur l’Europe, les producteurs marocains se tournent désormais vers le Moyen-Orient, l’Afrique et même l’Amérique du Nord et l’Amérique latine».
Face à ces défis, le Maroc a résolument investi dans l’avenir de l’agriculture biologique en prévoyant un budget considérable de près de 1,5 milliard de dirhams pour la période 2021-2030. L’interprofession y contribuera à hauteur de 0,75 milliard de dirhams, fait savoir Slim Kabbaj.
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Pour le futur de la filière biologique, il faut augmenter les superficies, améliorer la productivité, développer l’aval de la filière à travers le conditionnement et la transformation et augmenter les exportations. «Concrètement, l’objectif est d’atteindre une superficie certifiée biologique de 100.000 hectares, avec une production d’environ 600.000 tonnes, dont 114.000 tonnes destinées à l’export à l’horizon 2030. Ces objectifs sont, certes, très ambitieux, mais réalisables, compte tenu de l’implication du ministère», relève le professionnel.
Et de détailler: «Les objectifs pour l’agriculture biologique à l’horizon 2030 sont ambitieux et spécifiques à chaque région. Par exemple, la région de Marrakech-Safi vise à développer 19.660 hectares en culture biologique, Meknès-Fès prévoit d’étendre son agriculture bio sur 16.500 hectares, tandis que Rabat-Salé-Kénitra ambitionne d’y consacrer 14.000 hectares. D’autres régions ne sont pas en reste, comme Draâ-Tafilalet avec un objectif de 10.000 hectares, Casablanca-Settat avec 9.500 hectares, et Souss-Massa avec 6.944 hectares.»
L’optimisme est de mise
«Les défis sont nombreux, notamment en ce qui concerne les produits transformés. Il est essentiel d’arrêter de vendre des produits bruts à l’export et de vendre des produits transformés pour ajouter de la valeur. De plus, il faut développer le marché national du bio et faire de ce secteur une partie intégrante de l’économie», poursuit Slim Kabbaj.
Malgré les défis rencontrés par l’industrie bio marocaine, le président de l’interprofession reste optimiste. Selon lui, «grâce à l’esprit aventurier et au sens du commerce des Marocains, la diversification de l’exportation est possible et les objectifs ambitieux fixés pour 2030 peuvent être atteints».