Chômage: le taux de 21,3% établi par le recensement expliqué par le HCP

Le siège du Haut-Commissariat au plan, à Rabat.

Le grand écart entre le taux du chômage mesuré régulièrement par le HCP et celui établi par les résultats du recensement général a semé la confusion dans les esprits. Pour comprendre cet écart, Le360 a interrogé Jamal Azizi, directeur général de la statistique et de la comptabilité nationale au sein du HCP. Explications.

Le 21/12/2024 à 09h40

L’important écart entre le taux du chômage tel qu’il ressort de l’enquête nationale de l’emploi publiée chaque trimestre par le Haut-Commissariat au plan (HCP) et le taux qui se dégage des résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH), réalisé en septembre 2024 par ce même HCP, continue de susciter de vifs débats.

En fait, d’après les derniers chiffres publiés par cette institution dans le cadre de l’enquête nationale de l’emploi, le taux de chômage a atteint 13,6% au troisième trimestre 2024. Les résultats du recensement font état, quant à eux, d’un taux de 21,3% en 2024.

À noter que cette situation n’est pas inédite, puisque le recensement général réalisé en 2014 a fait ressortir un taux de chômage de 16%, contre 9% pour l’enquête nationale de l’emploi.

Pour couper court aux différentes interprétations dont cet écart fait l’objet et à la controverse qui en est résultée, et qui est parfois exploitée d’une manière malveillante, les services du HCP préparent une note technique explicative qu’ils prévoient de publier la semaine prochaine.

Afin d’avoir une explication de cet écart, Le360 a pris contact avec Jamal Azizi, directeur général de la statistique et de la comptabilité nationale au HCP.

Pour comprendre ce décalage, il faut d’abord noter que l’enquête nationale de l’emploi et le recensement général de la population et de l’habitat n’ont pas les mêmes objectifs, souligne ce responsable.

Enquête nationale de l’emploi VS recensement

L’enquête est un outil dédié à la mesure de la situation sur le marché du travail. De ce fait, le questionnaire y afférent aborde tous les aspects liés à ce marché pour produire des statistiques sous forme de nombre d’effectifs et de taux sur l’activité, l’emploi, le chômage, le sous-emploi, le travail rémunéré ou non rémunéré, le niveau d’éducation des personnes actives occupées, le salaire, la satisfaction au travail...

Pour ce faire, l’enquête nationale de l’emploi est basée sur un échantillon représentatif de 90.000 ménages répartis sur tout le territoire national. Les chiffres qui en ressortent sont traités moyennant des techniques statistiques mondialement reconnues et utilisées pour avoir des indicateurs concernant la population dans sa globalité, explique-t-il.

En revanche, le recensement vise tout autre chose, en abordant la question de l’emploi et du chômage, selon notre interlocuteur qui évoque deux objectifs. Le premier est de repérer les bassins d’emplois, c’est-à-dire les zones de disponibilité de la main-d’œuvre qu’elle soit occupée on non, indique-t-il, notant que le recensement est le seul outil qui permet d’atteindre les niveaux territoriaux les plus fins.

Le deuxième objectif, ajoute-t-il, est de disposer de variables explicatives qui permettront d’expliquer, par la suite, des mutations démographiques et sociétales...

De ce fait, explique le directeur général de la statistique et de la comptabilité nationale, le sujet de l’emploi n’est abordé dans le recensement que par deux questions pour savoir si la personne en question a eu un travail durant la semaine qui a précédé le début du recensement et sa situation actuelle sur le marché du travail au moment du déroulement de l’enquête du recensement. Et ce, dans le cadre d’un questionnaire long qui concerne seulement 30% de la population nationale.

Emploi non rémunéré, sous-emploi, chômage: ne faites plus la confusion

L’enquêteur est tenu de ne poser que ces deux questions au sujet de l’emploi et de rapporter fidèlement la déclaration de la personne, ni plus ni moins, précise Jamal Azizi.

Par conséquent, une confusion se produit entre des situations distinctes. Ainsi, l’emploi non rémunéré (comme pour une personne qui travaille dans la campagne pour aider ses parents) et le sous-emploi (qui consiste à travailler moins d’heures ou à exercer un travail en dessous de ses capacités) sont confondus avec le chômage par les personnes enquêtées dans le cadre du recensement, indique le responsable.

Ainsi, par exemple, si on additionne les deux taux sur l’emploi non rémunéré (qui tourne autour de 9 à 10%) et le taux de chômage actuel (13,6%), on se retrouve avec un taux qui dépasse 22%, illustre-t-il. Or, souligne-t-il, une personne qui exerce un emploi non rémunéré est considérée active et occupée, puisqu’elle apporte une contribution à l’économie nationale.

De plus, certains ménages enquêtés dans le cadre du recensement redoutent un impact supposé de leurs réponses sur leur éligibilité aux aides sociales directes octroyées par l’État. De ce fait, ils essaient de se monter dans une situation de précarité pour ne pas compromettre leurs chances d’en bénéficier.

Jamal Azizi a ajouté un autre facteur qui expliquerait ce taux du chômage élevé qui ressort des résultats du recensement. Il s’agit, précise-t-il, du contexte difficile dans lequel s’est déroulé cette opération, marqué notamment par la succession des années de sécheresse, la montée de l’inflation qui en est résultée et qui est également générée par les crises internationales.

Tout cela a pesé sur le moral des ménages dont les réponses ont reflété cet état d’esprit. Dans ces conditions, c’est normal d’avoir le taux de chômage déclaratif, donc perçu, plus élevé que le taux de chômage mesuré, conclut-il.

Par Lahcen Oudoud
Le 21/12/2024 à 09h40