Jusqu’à 40% du chiffre d’affaires de certaines librairies: le succès fou des mangas au Maroc

Des mangas dans une librairie. (Khalil Essalak/Le360)

Le 15/02/2025 à 16h52

VidéoLe manga, célèbre bande dessinée japonaise, connait une popularité grandissante au Maroc, attirant un public de plus en plus large. Entre tendances portées par les adaptations animées, diversité de l’offre et effet réseaux sociaux, plongée dans le monde fabuleux des shōnen.

Les mordus de lecture les ont forcément remarqués, ces rayons d’origine nipponne qui ont envahi les librairies marocaines depuis bien des années. Ces bandes dessinées pas comme les autres, les mangas, se différencient par leur style graphique unique tout droit venu du Japon. Bien avant de devenir un phénomène mondial, il puisait déjà son essence dans les traditions artistiques du Japon datant du 8ème siècle, notamment les rouleaux narratifs illustrés et les livres d’estampes japonaises.

Ce soft power culturel a conquis le monde et le Maroc n’y a pas échappé, cet art s’étant installé dans les librairies du Royaume depuis plus de vingt ans. L’engouement ne cesse de croître, attirant un public de plus en plus large et diversifié. Mais qu’est-ce qui explique un tel succès? Pour mieux comprendre cette montée en puissance, Le360 a poussé les portes de deux librairies.

L’enthousiasme des Marocains pour le manga ne date pas d’hier, mais il a connu des évolutions notables au fil des années. Dans une librairie du quartier Gauthier, à Casablanca, les étagères débordent de couvertures colorées et de titres emblématiques. On constate que ces ouvrages ont trouvé leur public. Entre deux clients venus compléter leur collection, Hatim Oubella, directeur des librairies Livremoi, nous confie: «Depuis l’ouverture de la librairie il y a 14 ans, notre rayon manga a évolué à travers le temps». Un phénomène qui, loin de s’essouffler, continue de s’adapter aux tendances et aux nouvelles générations de lecteurs.

L’essor de ces ouvrages dans le monde, d’abord publiés sous forme de feuilletons par la presse écrite avant de devenir un genre à part de bande dessinée, a été ponctué par des périodes de forte demande. Cette dernière a «augmenté en 2019 et en 2020 avec l’adaptation de plusieurs mangas en animés (un animé est une série d’animation japonaise, NDLR)», ajoute-t-il. Jujutsu Kaisen et une nouvelle saison de My Hero Academia, deux titres à la popularité incontestable, venaient de paraître en streaming, «ce qui a fait exploser les ventes».

Un quartier plus loin, Brahim Boulahcen, libraire à Maarif Culture, confirme cette évolution, dictée par des tendances internationales: «Cette année, c’est le manga Solo Leveling qui a très bien marché». Ainsi, si certaines séries restent des valeurs sûres, comme One piece, d’autres connaissent des pics de popularité avant de retomber, au rythme des sorties d’animés.

«Un peu comme le cinéma»

Contrairement aux idées reçues, le manga ne se limite pas aux plus jeunes. Son lectorat s’étend à plusieurs générations et touche un large éventail de profils. «Ça commence très jeune, dès 8 ans avec les shōnen (un manga au thème d’aventure, NDLR)», précise Hatim Oubella et s’étend aux adolescents, fascinés par «les youtubeurs qui mettent les mangas en avant».

Mais l’attrait pour ces bandes dessinées japonaises ne s’arrête pas là. «On a également des clients de 30, 40 et jusqu’à 70 ans. L’industrie du manga est un peu comme celle du cinéma, il y en a pour tous les goûts et pour tous les âges», ajoute le directeur de Livremoi. Cette diversité reflète la richesse des genres proposés, allant du manga d’aventure aux récits plus matures du genre gekiga, abordant des thématiques complexes comme les relations familiales ou la condition humaine.

Si, pour les librairies, les mangas les plus populaires sont facilement accessibles via des distributeurs locaux, certains titres plus pointus sont importés. Hatim Oubella souligne: «Lorsque les maisons d’édition françaises arrivent à obtenir la licence d’un manga, ça suit au Maroc».

Au fil des années, le prix des mangas au Maroc a connu une augmentation significative, principalement en raison des hausses appliquées par les éditeurs français. «Quelque part, on dépend du marché français», développe-t-il. Aujourd’hui, les prix varient entre 90 et 110 dirhams en moyenne, bien loin du coût d’un manga au Japon.

Dans le pays du soleil levant, le manga reste un art populaire et accessible à tous. Ces derniers sont «imprimés sur du papier journal et coûtent à peu près 400 yens», ce qui équivaut à 25 dirhams.

«Ça marchera toujours»

Malgré les fluctuations annuelles des ventes, les libraires restent optimistes quant à l’avenir du manga au Maroc. «Cette activité marchera toujours. Les mangas, ce sont des bandes dessinées et les enfants adorent», affirme Brahim Boulahcen. Les chiffres suivent. Les mangas représentent 15% du chiffre d’affaires de Maarif culture, et 30%, voire 40%, pour Livremoi.

Plus important, les mangas jouent également un rôle clé dans l’initiation à la lecture des plus jeunes. Pour Brahim Boulahcen, «c’est un bon moyen pour, après, les faire passer sur du fantastique, comme Harry Potter, puis progressivement sur des lectures plus classiques». Autant dire que quand des portes d’entrée au monde du livre se referment, d’autres s’ouvrent. Et c’est tant mieux.

Par Camilia Serraj et Khalil Essalak
Le 15/02/2025 à 16h52

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