J’ai fait cette nuit un rêve, plutôt un cauchemar: Marine Le Pen est élue le 24 avril prochain présidente de la République française à 51%. De justesse, mais élue quand même. C’était inimaginable, c’est arrivé.
La première chose à laquelle j’ai pensé c’est: retourner vivre dans mon pays, le Maroc.
Au début, je n’en croyais pas mes yeux et je ne comprenais pas ce que les télés et radios disaient. Pour moi, elle avait peu de chance de battre Emmanuel Macron, qui avait quatre points d’avance sur elle. Mais l’addition des voix de l’extrême-droite, plus celles de quelques égarés à droite et même au centre a fait que ce qu’on croyait improbable s’est produit.
La première victime de ce résultat, ça sera l’Europe. Mme Le Pen disait durant sa campagne qu’elle changerait l’Europe en faisant une assemblée de nations, avec chacune son identité et sa souveraineté. Donc, l’Europe unie et solidaire, avec des projets convergents, ce sera finie. L’axe Berlin-Paris, essentiel pour le fonctionnement de l’Europe, sera cassé. Ce sera un Frexit, qui ne dit pas son nom.
L’espace Schengen, abandonné. Chaque pays européen retrouvera ses frontières.
Deuxième victime: l’immigration, qu’elle va contrôler de manière drastique en fermant les frontières et en renvoyant les immigrés, même légalement installés dans le pays, pour la moindre infraction. L’islam, idée fixe de l’extrême-droite, en pâtira. Ainsi les femmes voilées seront interdites dans l’espace public. Les mosquées seront fermées pour le moindre incident et les imams renvoyés vers leur pays d’origine.
Troisième victime: l’économie de la France. Nombre de sociétés sont prêtes à aller s’installer hors de France. L’incompétence de Marine Le Pen et de ses équipes dans ce domaine n’est un secret pour personne. Fuite des capitaux et panique à la Bourse.
Durant la campagne électorale, Marine Le Pen a adouci son discours. Elle est devenue acceptable, au point que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lui a reproché, lors d’un débat, le fait qu’elle soit devenue «molle». Mais cette tactique ne trompe pas tout le monde. C’est ce même ministre qui, pour plaire à cette extrême-droite, n’a cessé de refuser d’accueillir des réfugiés dormant sous des tentes et de dénoncer les femmes qui portent le voile. Tout cela en espérant attirer vers le vote Macron des voix de la droite hésitante.
La politique étrangère de Marine Le Pen est assez claire: elle est avec Poutine (ses banques lui ont prêté de l’argent pour sa campagne électorale), avec les présidents de Pologne et de Hongrie. Un trio de dictateurs. Elle n’a pas vraiment condamné les crimes que commet l’armée de Poutine depuis un mois et demi en Ukraine. En 2017, Marine Le Pen s’était rendue à Moscou pour se faire adouber par son ami Poutine. Ce sont de vieilles amitiés.
Rien sur le Maghreb. Pas un mot. Encore moins sur le Proche-Orient.
Un nombre non négligeable de personnalités l’ont quittée pour rejoindre son adversaire, Eric Zemmour, plus à droite qu’elle et surtout plus offensif et plus combattant qu’elle.
Ce matin à la radio, un journaliste demandait à l’un de ses lieutenants quelles seront les personnes qu’elle nommerait au gouvernement. Il a été incapable de répondre.
Je suis toujours dans mon cauchemar et j’entends une voix qui me dit: «la France est foutue! Le Pen a masqué sa radicalité». Il est vrai que depuis l’apparition d’Eric Zemmour, Marine Le Pen paraît moins violente, moins radicale dans ses positions contre l’islam et les immigrés. Elle parle plutôt de «choc des cultures et des civilisations», pendant que Zemmour parle de «race noire qui n’a rien à voir avec la race blanche», et demande à ce que les enfants d’immigrés, nés en France, aient un prénom français.
En me réveillant, je me suis souvenu d’un article du Prix Nobel de Littérature, Jean-Marie Le Clézio, qui écrivait en 2018 «je suis reconnaissant à Macron de nous avoir débarrassé de Marine Le Pen, mais il devrait davantage tenir compte des défavorisés. Améliorez-vous Monsieur Macron!»
Non, Macron ne nous a pas débarrassé de Marine Le Pen. Elle est là. Ses chances d’accéder à l’Elysée sont prises très au sérieux par les observateurs.
Cynique et calculateur, Macron a joué avec l’extrême-droite, afin de détruire complètement la gauche socialiste et faire disparaître la droite traditionnelle, Les Républicains. Il a réussi, mais quel désastre!
Comme il l’a crié dimanche soir: rien n’est gagné. Il a raison. Sa victoire n’est pas assurée, en tout cas pas avec le score de 2017: 66,1%.
Il y a lieu de s’inquiéter. Il faut dire aussi que Macron n’a pas fait de campagne électorale, trop occupé à téléphoner à Poutine qui lui fait croire qu’il l’écoute, pendant qu’il envoie ses avions bombarder des maternités et des écoles en Ukraine.
Une France entre les mains de l’extrême-droite, ce sera le chaos. Ce n’est pas moi qui le dit, mais des économistes très qualifiés qui se sont exprimés dans la presse ces jours-ci.
Le mot de la fin est de l’essayiste Raphaël Enthoven: «nous risquons d’assister au suicide d’une nation en bonne santé, mais convaincue, en se suicidant, de guérir d’un mal dont elle ne souffre pas!»