Les malformations des voies urinaires figurent parmi les malformations congénitales les plus fréquentes chez l’enfant. Une prise en charge précoce de ces affections permet d’éviter des complications très grave telle que l’insuffisance rénale dès la naissance, d’où l’importance majeure du diagnostic anténatal, indique le Dr Mohammed Faouzi Merini, Chirurgien pédiatrique à la clinique Atfal de Casablanca.
Il est important de rappeler que le diagnostic prénatal ou diagnostic anténatal est l’ensemble des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection grave (anomalie génétique ou malformation congénitale, par exemple), afin de donner aux futurs parents le choix d’interrompre ou non la grossesse et de permettre une meilleure prise en charge médicale de la pathologie si la grossesse est poursuivie.
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Dans un travail scientifique récent, paru dans la revue marocaine DOCTINews d’avril 2021, le Dr Merini indique que les malformations des voies urinaires sont à l’origine de 27% des insuffisances rénales terminales chez les enfants avant l’âge de 5 ans et de 34% avant l’âge de 15 ans.
Le diagnostic anténatal de ces affections permet aujourd’hui de faire un diagnostic précis de la malformation. Ainsi, la prise en charge précoce (dès la naissance) évite, dans la majorité des cas, un retentissement grave sur la fonction rénale.
Malheureusement, dénonce le Dr Merini, à cause de la non-généralisation du diagnostic anténatal, les complications vers l’insuffisance rénale sont assez fréquentes.
Il peut s’agir d’une malformation du rein, d’un rein avec plusieurs kystes ou d’une vessie mal positionnée, pathologies qu’il faut diagnostiquées avant la naissance du bébé, afin de discuter la conduite thérapeutique dans le cadre d’une équipe multidisciplinaire.
Grâce au diagnostic anténatal, on peut découvrir une anomalie pour laquelle il est parfois inutile d’inquiéter les futurs parents, qui peut régresser spontanément, comme l'hydronéphrose isolée, une sorte de gonflement d’un rein.
En revanche, une atteinte bilatérale des voies urinaires doit être rapidement prise en charge. Ce qu’il faut garder à l'esprit est que le diagnostic anténatal permet de dépister la plupart des malformations dont certaines ne sont que des curiosités non pathogènes et ne nécessitent aucun geste thérapeutique.
D’autres anomalies, par contre, vont nécessiter une prise en charge dès la naissance. Le bilan comporte une échographie et une étude de la fonction rénale par la réalisation d’examens sanguins biologiques.
Les malformations des voies urinaires peuvent être classées en trois grandes catégories: les pathologies du haut appareil urinaires liées essentiellement à une atteinte des reins, les pathologies de l’uretère, à savoir le conduit qui relie les reins à la vessie et enfin les pathologies du bas appareil urinaire, touchant essentiellement la vessie et l'urètre qui est le conduit externe des urines.
Les malformations du haut appareil urinaire sont dominées par une mauvaise jonction entre le rein et l’uretère, c’est le syndrome de jonction pyélo-urétérale.
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Il touche plus les garçons (65%) et intéresse le plus souvent le côté gauche (60%). L’origine de cette pathologie est généralement un obstacle fonctionnel.
C’est généralement l’échographie anténatale qui permet de découvrir habituellement cette anomalie relativement fréquente (1 cas/1000 grossesses). Car, dans certains cas, il faut programmer la chirurgie dès le deuxième mois après la naissance.
L’agénésie rénale à savoir l’absence congénitale de tout un rein ou une anomalie du positionnement anatomique d’un rein sont les autres malformations des voies urinaires supérieures chez un enfant.
Le reflux vésico-urétéral, à savoir la remontée anormale des urines de la vessie vers le conduit qui la sépare des reins est l’uropathie la plus fréquente de l’enfant.
Cette affection est grave car elle expose l’enfant à un risque d’infection du haut appareil urinaire (reins) qui peut entraîner des lésions irréversibles conduisant à la destruction d’un rein exposant de la sorte à l’insuffisance rénale et donc à la dialyse rénale comme seule alternative thérapeutique dés la naissance et durant toute la vie. Ce reflux de la vessie vers l’uretère est plus fréquent chez les filles.
Cette anomalie est souvent mise en évidence à l’occasion d’une dilatation des conduits urinaires, découverte soit par une échographie faite en anténatal, ou juste après la naissance, dans le cadre du bilan d’une infection urinaire.
Certaines formes de reflux vésico-urétéral comportent lors de leur prise en charge thérapeutique un volet médical et une volet chirurgical, et cela en fonction de la gravité du reflux et du retentissement sur le rein.
En effet, le développement de la région vésicale, avec l’âge, permet souvent une guérison par une maturation vésicale spontanée. Mais cela sous conditions, une antibioprophylaxie pour contrecarrer tout risque infectieux associée à une surveillance rigoureuse. Et en cas de non-guérison spontanée ou en cas d’aggravation, le traitement chirurgical assurera la guérison.
Certains reflux, selon leur grade, sont opérés au cours des deux premières années après la naissance. D’autres, ayant détruit un rein, nécessitent son ablation totale.
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Une autre malformation grave du bas appareil urinaire est l’exstrophie vésicale qui est une anomalie grave mais heureusement rare (1 cas pour 30.000 à 40.000 naissances). Elle se caractérise par une déhiscence de la paroi abdominale au-dessous de l’ombilic, exposant la vessie à l’extérieur. Le traitement de cette malformation est très difficile et aléatoire, précise le Dr Merini.
Il nécessite plusieurs interventions chirurgicales. Et les difficultés thérapeutiques de cette anomalie peuvent évoquer une interruption de grossesse lorsque le diagnostic est fait en anténatal.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.