Qui enfreint volontairement ces interdits doit expier par la kaffara: offrir un repas à soixante pauvres ou jeûner deux mois successifs ou affranchir un esclave, pour chaque journée non respectée. Les oulémas se sont énormément intéressés à ce qui invalide le jeûne des hommes: le désir, le plaisir et l’éjaculation.
Les caresses ou baisers innocents n’entrainent pas l’annulation du jeûne. Selon l’épouse du Prophète, Aïcha: «Le Prophète embrassait ses femmes alors qu’il jeûnait, et les caressait, toutefois, il contrôlait son désir sexuel mieux que quiconque.» (Bokhari)
Selon Imam Al-Nawawî (13ème siècle), «les savants sont d’accord sur le fait qu’embrasser sa femme n’invalide pas le jeûne même si ce geste conduit à l’éjaculation». L’homme doit poursuivre le jeûne, mais compenser en jeûnant un jour après ramadan, ce qu’on appelle qaḍāʾ, sans kaffara (Cheikh Ibn Baz, 20ème siècle).
Si, lors du jeûne, l’homme, en dormant, éjacule sans sensation de plaisir, son jeûne est valide. S’il ressent un orgasme, son jeûne est interrompu et il doit expier par la kaffara.
Si son regard sur une femme est chaste et qu’il éjacule ou s’il éjacule après une brève pensée érotique, le jeûne reste valide. S’il éjacule après un acte délibéré, regardant avec insistance une femme, l’embrassant ou la caressant, il rompt son jeûne et doit expier par la kaffara.
Il y a des divergences entre les différentes doctrines: selon l’imam Abū Ḥanifa, le jeûne de celui qui mange, boit ou a des rapports sexuels en ayant oublié son jeûne n’est pas invalidé. Qu’il termine sa journée de jeûne.
Pour l’imam Malik, dont la doctrine est suivie par les Marocains, cet oubli invalide le jeûne et renvoie à la compensation par le jeûne d’une journée, après ramadan.
Pour l’imam Ibn Ḥanbal, seuls les rapports sexuels invalident le jeûne et renvoient à la kaffara.
L’imam Malik ne fait pas de différence entre les relations sexuelles et boire ou manger en ayant oublié. Le jeûne n’est pas valide et il doit y avoir compensation. Mais ceux qui rompent délibérément le jeûne sont tenus d’appliquer la kaffara.
Pour la femme, les théologiens ne parlent absolument pas de plaisir ou d’orgasme qui peut invalider le jeûne! Mais d’acte sexuel avec pénétration qui renvoie à la kaffara.
Si la femme y a été obligée, elle n’est passible ni de rattrapage ni d’expiation, conformément à un hadith du Prophète: «Allah a pardonné aux membres de ma communauté leurs erreurs, leurs oublis et ce qu’ils ont commis contre leur gré.» Ce hadith s’applique à ceux qui mangent ou qui ont des rapports sexuels en oubliant que c’est ramadan.
Ramadan, c’est la maîtrise des désirs. Les femmes doivent se couvrir pour éviter d’attirer l’attention des hommes. Mais comme les hommes n’arrivent pas toujours à contrôler leur regard, il arrive qu’une femme se fasse agresser verbalement: «Aôudou bi Allah mina chaytani arrajime». La femme est assimilée à Satan, un danger pour la piété masculine.
Si les hommes respectent l’abstinence sexuelle de jour, nombreux ne se privent pas de chercher des partenaires pour la nuit. La drague, si florissante d’habitude, se fait plus discrète pour programmer des rencontres nocturnes.
L’ambiance est particulière. Les familles sortent se promener et digérer entre le ftour et le dîner. Les lieux de commerce et de loisirs sont assaillis. Les terrasses des cafés, les boulevards et les corniches sont bondés. Les jeunes filles bénéficient d’une liberté particulière.
Frustrées de jour, les pulsions sexuelles explosent la nuit.
La preuve? La recherche de sites pornographiques. En 2022, selon le moteur de recherche Google Trends, les pays arabes occupent une place de choix dans la recherche du mot sexe en arabe et en anglais. Maroc, Liban, Tunisie et Égypte viennent en tête.
En 2017, la fréquentation des sites pornographiques a connu un pic lors de la nuit sacrée, Laylat Al-Qadr. «Sexe» et «porno» ont été les mots les plus recherchés depuis le coucher du soleil, pour atteindre un pic à 2h48.
Ce sont les internautes de la région de Tadla-Azilal qui ont été les plus actifs, suivis de ceux du Grand Casablanca, de la région Fès-Boulemane, ensuite de Meknès-Tafilelt et de Marrakech-Tensift-Al Haouz. Le classement le plus bas concerne Tanger-Tétouan, Doukkala-Abda et l’Oriental. (Source: Le360, 23 juillet 2017)
Globalement, parmi les internautes adeptes de pornographie, il y a 24% de femmes et 76% d’hommes.
Entre époux, la sexualité devient source de tension. Les épouses, épuisées, aspirent à dormir dès que la famille est rassasiée. Mais les époux, reposés et nourris de produits aphrodisiaques, rêvent de sexe. Les épouses sont moins coopératives car il y a la contrainte du bain purificateur: «Ramadan, c’est chouha. Je me refuse car j’ai honte de me baigner le matin devant mes enfants.»
Les femmes qui n’ont pas de salle de bain vont au hammam le matin. Famille et voisinage apprennent qu’elles ont copulé! L’adage marocain dit: «Ne va en prison ou au hammam que celui qui a quelque chose à se reprocher!»
Ayant une salle de bain à domicile, les femmes n’ont pas le temps de laver et sécher leurs cheveux avant d’aller travailler.
Beaucoup d’hommes habituellement adultères reviennent à la raison pendant ramadan pour éviter le péché.
Pour d’autres, le jour est fait pour la piété et la nuit pour la jouissance. Un homme: «Dieu a dit “dine wa dounia”, religion et vie. Si nous commettons des péchés, Dieu est miséricordieux.»
À chacun son interprétation! Ce qui est certain, c’est que la frustration alimente tous les excès, de l’alimentation à la sexualité… Sauf si elle est maÎtrisée!