Dans la petite ville de Benslimane, située à quelque 50 kilomètres au nord-est de Casablanca, l’apparente sérénité semble dissimuler une sourde effervescence. Et pour cause, les premiers coups de pelle du Grand stade Hassan II, futur joyau architectural destiné à accueillir des rencontres de la Coupe du monde 2030, suscitent autant d’espoirs que d’inquiétudes.
Dans les ruelles animées du centre-ville comme dans les douars voisins, les habitants se disent tantôt enthousiastes, tantôt sceptiques quant au titanesque chantier et ses conséquences. Plongée, micro-trottoir à l’appui, dans le quotidien d’une population qui appréhende l’inéluctable transformation de sa cité.
Pour la majorité, le projet n’est encore qu’une lointaine promesse, presque abstraite. «Pour l’instant, aucun changement de fond n’est constaté à Benslimane. Rien n’indique une véritable amélioration, que ce soit du niveau de vie des habitants ou des recettes de la commune», lance Ibrahim. La soixantaine, visage mangé par une casquette et des lunettes de soleil, il n’en finit pas de pester contre «la vie chère, les loyers en hausse et un pouvoir d’achat qui ne cesse de s’affaiblir».
Ici, la question de la hausse des prix revient comme un leitmotiv. «C’était déjà le cas avant le grand projet du stade. L’aéroport de Benslimane avait déjà provoqué une hausse du prix des logements, explique Mohamed, autre habitant de la ville. À cela s’ajoute la détérioration du pouvoir d’achat des habitants depuis la crise du Covid.»
Même son de cloche devant les épiceries comme dans les marchés. «Nous constatons en effet une hausse sensible des prix, aussi bien pour les produits alimentaires que pour les autres biens essentiels», déplore Larbi, la cinquantaine, croisé durant sa promenade au parc Hassan II.
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D’autres préfèrent parier sur l’avenir. «Toute nouvelle infrastructure pourrait contribuer à l’avancement de Benslimane», argumente Mohamed, quarantenaire au ton volontaire. Idem pour Lekbira, mère de famille qui vit dans le douar Beni Amer, dans la périphérie de la ville, qui se dit «fière de ce grand stade qui va embellir (sa) ville». «Bientôt, nous devrions déménager vers une nouvelle maison, meilleure que celle où nous vivons actuellement», espère-t-elle.
Promesses de relogement
Mais derrière l’optimisme affiché, l’attente se mue parfois en frustration. «Depuis la visite des responsables venus nous recenser, il y a 7 ou 8 mois, nous sommes dans l’attente d’une amélioration», soupire une autre habitante du douar Beni Amer qui, encore vêtue de son pyjama, a quitté son logis à la hâte pour dire son dépit devant notre caméra. «Ils ont inspecté notre maison, puis ils sont partis, sans qu’il n’y ait une quelconque suite», confie-t-elle, faisant allusion à de vagues promesses de relogement.
«Tout ce que nous demandons à l’État, c’est de ne pas nous abandonner», entend-on dans le village, une rengaine tempérée par un réel optimisme: «Nous croyons que Benslimane va se développer davantage avec l’arrivée de commerces et de nouveaux projets, apportant ainsi du travail pour nous et pour nos enfants».
Le Stade Hassan II sera-t-il le catalyseur d’une véritable dynamique économique et sociale à Benslimane et dans sa région? La réponse se construit jour après jour, autant sur le gigantesque chantier que dans le cœur des habitants.