Première mondiale: des experts internationaux adoptent la «Déclaration de Casablanca» pour l’abolition de la gestation pour autrui

Depuis Casablanca, un collectif d’experts internationaux a lancé, vendredi 3 mars 2023, un appel à abolir la gestation pour autrui (GPA).

Le 03/03/2023 à 16h22

VidéoDepuis Casablanca, un collectif d’experts internationaux de plus de 70 nationalités relevant de différentes disciplines, dont des sommités, a lancé ce vendredi 3 mars 2023, un appel à abolir la gestation pour autrui (recours aux mères porteuses) à l’échelle mondiale. Leur volonté est de pousser les États à s’engager dans une Convention internationale pour l’abrogation de la GPA. Les détails.

Une centaine d’experts, chercheurs et praticiens, essentiellement des juristes, des médecins et des psychologues, qui travaillent de longue date sur le sujet de la gestation pour autrui (GPA), ont signé ce vendredi 3 mars 2023 la «Déclaration de Casablanca», un texte réclamant l’abrogation universelle de cette pratique.

Concis, ce texte se concentre selon les signataires sur son ultime objectif: mettre un terme, partout où elle est autorisée ou tolérée, à la pratique des mères porteuses. Ces experts soutiennent que la GPA est intrinsèquement contraire à la dignité humaine et qu’aucun encadrement, quel qu’il soit, ne peut la rendre acceptable.

La Déclaration de Casablanca, késako?

Selon cette Déclaration, le recours à une mère porteuse, comme étant une méthode de procréation, n’est pas éthique, d’où l’urgence de condamner la GPA dans toutes ses modalités et sous toutes ses formes, qu’elle soit rémunérée ou non, et d’adopter des mesures pour combattre cette pratique. Ceci en interdisant pour de bon la GPA, en invalidant tout caractère juridique des contrats comportant l’engagement pour une femme de porter et remettre un enfant, en sanctionnant les intermédiaires, les personnes qui recourent à cette pratique sur leur territoire, leurs ressortissants qui recourent à la GPA en dehors de leur territoire, et en agissant en vue de l’adoption d’un instrument juridique international stipulant l’abolition universelle de la GPA.

Ce qu’en pensent les signataires

Interrogée par Le360, Dyaâ Sfendla, professeure de droit privé et de science criminelle à l’Université Ibn Tofail de Kénitra, explique que la question de la gestation pour autrui, formellement interdite au Maroc, n’est pas arrivée par hasard. «C’est le fruit d’un très long processus, notamment en France, qui a commencé dans la seconde moitié du XXe siècle et qui a visé la déconstruction de la famille en tant que famille légitime fondée sur le mariage», fait-elle savoir.

Celle qui a axé son intervention sur la filiation de l’enfant né de GPA signale que «c’est à travers cette notion de filiation, justement par l’accès de l’enfant naturel à la famille de son géniteur, qu’on a un peu déverrouillé les ultimes verrous qui protégeaient la famille fondée sur le mariage».

De son côté, le Franco-Chilien Bernard Garcia Larrain, docteur en droit, indique que tout contrat GPA porte atteinte à la dignité humaine et contribue à la marchandisation des femmes et des enfants. Il cite ainsi l’exemple de la France, «un cas particulier, où cette pratique n’est pas reconnue en tant que telle», mais où sont présents plusieurs agents étrangers et cliniques GPA.

Ce docteur en droit rappelle ainsi la tenue régulière du Salon «Désir d’enfant». Un événement annuel qui réunit les acteurs de la fertilité assistée et qui propose notamment des services de GPA. «C’est difficile de stopper cette pratique. C’est pourquoi la réponse doit être internationale», soutient-il.

Angela Gandra Martins, ancienne secrétaire nationale pour la Famille du Brésil et avocate, rappelle que les mères porteuses sont très peu protégées légalement. Elle affirme qu’elles perdent leur liberté et leur autonomie au moment où elles signent ces contrats. Un marché de la vie humaine de plusieurs millions de dollars.

«Parfois, ces femmes sont soumises à un contrôle ou ne sont pas suffisamment informées. Certaines sont confrontées au stress de vivre avec des restrictions de mouvements et d’activité. Il est aussi question de traumatisme potentiel pour les nouveau-nés lorsqu’ils sont séparés de leur mère porteuse, ce qui est préjudiciable au bien-être de l’enfant. La gestation pour autrui viole la dignité humaine», insiste-t-elle.

Le Maroc cité en exemple

Selon les organisateurs, la législation marocaine interdit et sanctionne pénalement le recours à la GPA, notamment à travers les articles 5 et 40 de la loi 47-14 régissant la procréation médicalement assistée. Le Maroc fait ainsi figure de référence en la matière.

À ce titre, Rachid Achachi, chercheur en sciences sociales, rappelle que le Maroc n’est pas directement concerné par la question de la GPA. Pour le moment. «Mais les personnes qui défendent d’autres valeurs ou d’autres libertés, comme l’avortement ou les rapports sexuels hors mariage, intègrent dans leur package idéologique la question de la GPA également. Au Maroc, on lutte contre la désacralisation du corps humain et celui de la femme, en particulier dans le cas précis du recours aux mères porteuses», fait-il remarquer.

«Je tiens à signaler que cet événement n’aurait pas pu être organisé en France par exemple. Un pays marqué par une idéologie qui domine et qui interdit la liberté d’expression dès qu’elle commence à déranger. Le Maroc accueille librement cet événement, là où les experts peuvent échanger leurs arguments, points de vue, toujours au nom de la dignité de la femme, du corps de la femme et de l’humain en tant que tel», explique-t-il.

Pour cela, les experts et acteurs présents à Casablanca ont adopté la «Déclaration de Casablanca», sommant les gouvernements et Etats à s’engager dans l’interdiction pure et simple à ce qui s’apparente, là encore, à une nouvelle forte d’atteinte aux droits de l’Homme.

Par Hajar Kharroubi et Adil Gadrouz
Le 03/03/2023 à 16h22