Ma lecture de l’assaut collectif à Bab Sebta ne va pas vous plaire!

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueLe 15 septembre, 3.000 jeunes ont pris d’assaut la barrière entre le Maroc et Sebta. Les difficultés socio-économiques étaient-elles les seules raisons de ces événements?

Le 27/09/2024 à 11h02

Des jeunes issus de plusieurs régions du Maroc. Beaucoup de mineurs. Quelques jeunes filles. Quelles leçons tirer de ce drame ?

Le danger des réseaux sociaux. Quels seront les prochains appels à la désobéissance? Ces jeunes sont vulnérables à cause de leurs insatisfactions, de leur addiction aux écrans et de la confiance aveugle en des personnes qui, à travers des vidéos, déversent leur haine sur le Maroc.

Les jeunes subissent un lavage de cerveau. Ils finissent par détester leur pays et à considérer qu’il n’y a aucun espoir d’inclusion. L’hrig leur est présenté comme la baguette magique pour réussir hors du pays. Le nouveau mot d’ordre est nriski (je risque). L’État devrait contrôler le contenu des plateformes numériques pour protéger nos jeunes.

Les appels à l’assaut collectif ont été envoyés par des comptes ouverts il y a un an, hors du Maroc. Une campagne a été minutieusement élaborée pour pousser à la rébellion.

Des fake news ont circulé, annonçant que l’Espagne facilite la régularisation des clandestins. Des vidéos trompeuses ont présenté des migrants clandestins ayant réussi rapidement. Une campagne amplifiée par les Marocains grâce aux partages.

Ces jeunes sont des NEET, acronyme issu de l’anglais Not in Education, Employment or Training. Ni en emploi, ni en études, ni en formation. Ils sont 1,5 million dans la tranche de 15 et 24 ans.

Plus de 1 sur 4 est au chômage, mais 7 sur 10 sont inactifs! Le chômeur est une personne sans emploi, mais qui en recherche un. Les inactifs ne travaillent pas et ne cherchent pas à travailler.

37% des femmes de 15 à 24 ans sont des NEET, contre 13,5 % des hommes. Les NEET représentent la moitié des ruraux, et plus du tiers des citadins de cette tranche d’âge. Les régions les plus touchées sont celles de Béni Mellal-Khénifra et de l’Oriental.

Parmi les NEET, il y a des diplômés, mais la majorité est sans qualification, déscolarisée.

«Attention au mythe de l’Eldorado, entretenu par les réseaux sociaux et par nombre de nos émigrés qui exhibent des signes de richesse souvent simulés.»

En 2023, 300.000 élèves ont arrêté leurs études, parmi eux, 63.554 ont été exclus! Un élève doit rester scolarisé jusqu’à 15 ans. Chaque exclusion est un échec de la politique de l’éducation. Quelles que soient ses difficultés, il devrait être suivi par des assistantes sociales ou des psychologues de son établissement.

Nous évoquons toujours l’échec de l’enseignement, sans responsabiliser les enseignants, trop nombreux à utiliser une pédagogie de violence verbale et physique, de mépris et de peur. Un élève dont on respecte la dignité, que l’on valorise, aime l’école et s’y accroche. Or, souvent, l’école marocaine, publique et parfois même privée, détruit la personnalité et l’estime de soi. Elle écrase les élèves ayant des difficultés scolaires ou comportementales et détruit en eux le sens de l’initiative et la confiance en l’avenir. Elle les fait fuir l’école. C’est là que commence la hogra, ce sentiment d’injustice et de dédain.

Ces jeunes ont tenté d’émigrer à cause de la précarité et du désespoir. Mais attention au mythe de l’Eldorado, entretenu par les réseaux sociaux et par nombre de nos émigrés qui reviennent frimer avec des signes de richesse souvent simulés. Ils donnent l’impression de vivre dans l’opulence, qu’il suffit de traverser la frontière pour s’enrichir. Ils sont valorisés par leur entourage et narguent ceux qui n’ont pas pu partir.

Ce mythe détruit l’effort. Beaucoup de jeunes refusent de se former, d’avoir un métier, de s’améliorer. Ils attendent passivement le départ.

Ce mythe séduit même des jeunes de familles non précaires. Certains ont participé à l’assaut collectif.

Lors d’une enquête sur les mineurs ayant migré à Mellilia, toutes les familles que j’ai rencontrées n’avaient qu’un projet pour leurs enfants: émigrer. Des familles avaient déjà fait migrer clandestinement un ou deux de leurs enfants et projetaient le même sort pour les plus jeunes. Des parents abandonnent leurs enfants à Mellilia, près du Centro, le centre d’accueil des mineurs non accompagnés. Beaucoup n’étaient pas pauvres. Les mineurs y sont scolarisés ou formés. Majeurs, ils vont en Espagne.

«Outre leurs difficultés socio-économiques, les jeunes ont des rêves décalés de la réalité: richesse immédiate, sans sacrifices, sans efforts.»

Le rêve du départ est entretenu par les familles. L’Europe garantissait la réussite, mais plus aujourd’hui. Ses propres populations souffrent. Nos jeunes refusent d’y croire. Beaucoup, s’ils ne sont pas avalés par la mer, se retrouvent à mendier, sans domicile, enrôlés dans la prostitution ou la vente de stupéfiants. Le retour au bled est impossible. C’est un échec. Les familles se sacrifient pour payer les traversées. Revenir, c’est devenir la risée du quartier et de la famille.

Outre les difficultés socio-économiques, les jeunes ont des rêves décalés de la réalité: richesse immédiate, sans sacrifices, sans efforts, comme l’exemple des influenceurs ou des stars à travers le Web. Ils pensent y arriver en Occident.

Mêmes dans les familles plus ou moins aisées, le départ est souhaité, motivé par l’espoir de la garantie de la justice, de l’emploi, de salaires adaptés au niveau de vie, de la prise en charge maladie et chômage, de la scolarité des enfants et de l’obtention d’une nationalité pour circuler librement sans contrainte de visa.

Les jeunes représentent une grande proportion de la population. Malgré les efforts déployés par l’État, les besoins restent énormes.

En rupture scolaire, ils doivent intégrer l’école de la seconde chance ou une formation diplômante et être conseillés pour leur intégration professionnelle.

Ils ont besoin de s’occuper sainement dans des activités culturelles et sportives gratuites pour éviter les dangers de l’oisiveté. Ils devraient être formés à la citoyenneté dans des associations et des partis politiques.

Et éduqués à l’amour de leur pays, à être acteurs du changement, au lieu d’attendre que tout leur soit offert sur un plateau d’argent ou de fuir vers d’autres contrées.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 27/09/2024 à 11h02

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merci pour cette analyse qui est partagé par bon nombre d'entre nous sans pouvoir le dire ... en effet un nombre important de MRE donne l'illusion d'un eldorado à l'étranger, soit lors venue annuelle ou sur les réseaux sociaux et de fait donne envie à nos jeunes de faire la même chose,mais nous avons besoin de tous pour que notre pays continue sa progression il faut que les MRE raconte la vérité sur leur vie à l'étranger... merci madame

Merci pour cette analyse qui en effet, ne plaît pas à tout le monde. Une jeunesse désœuvrée ne peut pas rêver, imaginer un projet de vie, un avenir. C'est là que le rôle socioculturel et politique de nos élus doit être l'effectif et répondre à une réalité locale. Il ne s'agit pas de proposer un projet pour techniciens qualifiés là où une majorité de jeune a quitté l'école à 15ans. Une majorité de parents a démissionné de son d'éducateur, lassant la rue le faire à sa place. La responsabilité est en effet collective mais, l'initiative d'une réelle réponse ne peut être qu'une volonté politique de nos elus locaux et des acteurs associatif pour essayer de faire en sorte que chacun retrouve son rôle dans l'éducation et l'intégration des évolutions dans la société.

Merci bcp pr ce débat. Oui, la pauvreté, le désespoir ms pas seulement. Tous les MRE ne friment pas, Hacha, mais bcp d'entre eux. J'enseigne depuis 36 ans et même à la fac il y a bcp de prof qui humilient les étudiants. Qd vous respectez vos étudiants, ils vous respectent. Oui les jeunes deviennent difficile, mais le rôle de l'éducateur est justement de les encadrer, de les discipliner par le respect de leur dignité et non par la violence verbale et physique. Je visite souvent les écoles en milieu rural. La débandade. Un niveau catastrophique, absentéisme...Il n'y a plus d'inspection. Vous parlez de l'élu. Oui. Mais qd le prof est dans sa classe, personne ne lui impose de massacrer ses élèves, de ne pas préparer ses cours. Le niveau des prof est bas. Pas de formation à la pédagogie.

"Wallahi thouma wallahi" je ne partage pas votre opinion car je trouve votre récit est partiel et impartial. Le sujet est sociopolitique et le responsable numéro 1 est celui "l'élu". qui non seulement n'apporte rien à ses administrés, mais détourne les projets à ses propres "bas" intérêts...

Avant toute critique, je vous invite à revoir le sens exact des mots "partiel" et "impartial".

Au lieu de coller le problème de l'échec scolaire aux enseignants, vous devriez aller faire un tour dans les établissements scolaires pour voir qui dirige et qui gouverne dans la classe:l'élève ou l'enseignant ?Le professeur n'est plus maître de la situation car le ministère lui a enlevé toute autorité

Une grande partie de votre analyse est pertinente MAIS il est injuste de pointer du doigt , une fois de +, les MRE et leurs voitures....En effet, en tant que MRE je vais vous donner un témoignage vivant de votre grave erreur...Lorsque 'un MRE dit à des Marocains que l'UE n'est pas une solution et qu'il y a des problèmes , d'une part il n'est pas cru et d'autre part certains Marocains pensent "" que les MRE qui leur disent ça ne veulent pas les voir réussir ""...Voici une vérité bien réelle et bien amère..Un petit rappel ; Othman NASROU député LR était bien un Marocco-Marocain avant de devenir un Ministre Franco-Marocain. Écoutez bien ses déclarations sur l'immigration... D'où lui vient sa sale mentalité ? .Aucun fils ou petit fils d'immigré marocain n'aurait osé tenir de tels propos.

Othman NASROU député LR a raisonnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn. Il ne faut pas confondre les MRE avec les anciens étudiants marocains.

Les réseaux sociaux participent peut-être à ce que les gens se regroupent pour émigrer, mais de là à dire qu'ils sont une raison pour le départ, je crois qu'il y a erreur! Les mots hrig et harragas sont apparus il y a une bonne quarantaine d'années maintenant, et il n'y avait pas de réseaux sociaux à l'époque.

Votre commentaire est pertinent. Il faut revenir en arrière , pour pouvoir appréhender cette problématique question ; dans son intégralité. Les réseaux sociaux, facilitent la circulation de l'information uniquement. La chroniqueuse s'est contenter de faire de la narration, sans oser faire un diagnostic global, de fond de ce phénomène social. À propos de la désobéissance, pourquoi utiliser cet euphémisme ? En fait, il s'agit d'un rejet de l'appartenance au Maroc. C'est une rébellion " SOFT" , qui exprime un grand désarroi.

Cette chronique épele une réalité éducative et culturelle ratée. On parle beaucoup de l échec de l enseignement sans oser se poser la question sur le dispositif enseignant et encadrant. Parfois je me pose la question comment des personnes déséquilibrées psychologiquement sont parvenus à devenir des enseignants ?! qu attendons nous d un malade ? imaginez au 21iem siècle nous avons encore des enseignants qui battent et humilient leurs élèves ! inconcevable, lorsque vous humiliez un élève en classe devant ses amis vous l avez ( tué ( pour jamais il ne sera plus possible de le repêcher comme personne. De là vous aurez un enfant brisé schizophréne qui prend des décisions risquées non fondées,facile à manipuler.....les enseignants doivent être sujet de test psychologique avant le recrutemen

L'analyse des raisons de l'engouement des jeunes pour l'émigration illégale devrait etre croisé avec la situation économique de leurs foyers compte tenu de l'envolée des prix des produits de consommation qui frolent 30% à 50% d'augmentation, Bcp de foyers marocains ne mangent plus à leur faim. L'Etat devrait adopté des politiques facilitant l'émigration légale des jeunes par la formation sur les filiéres sollicitées à l'étranger comme l'infirmerie, l'assistance aux personnes agées, la main d'oeuvre agricole, etc. Il faut etre réaliste et apporterles solutions adéquates aux attentes des jeunes au lieu de chercher des voix sans issue

Je crois votre analyse très juste et pertinente.., même si je ne suis pas d'accord avec votre intitulé ! Oui,si c'est tourné de manière négative "ma lecture de l'assaut collectif ne va pas vous plaire !"...,le reste de votre article anticipe le côté négatif éventuel reçu par son accueil,et où un raisonnement démontre des arguments cohérents et solide envers lesquels on retrouve une cohérence limpide.. Chapeau bas et un grand chokrane, à vous, pour la pertinence de votre article que je cueille et accueille.

le parti de l'iqtiqlal a imposé l'arabisation de tous les enseignements du primaire au baccalauréat ,c'est un échec total pour les enfants des classes moyennes et pauvres,les riches envoient leurs enfants dans les écoles de missions,france,espagne,us,bien sûr pour garantir un avenir meilleur à leurs enfants,les pauvres abandonnent les écoles et se retrouvent dans le désespoir total,cette arabisation doit être revue pour utiliser les langues d'ouvertures,l'anglais,le français,l'allemand,,la formation professionnelle doit débuter à partir de la 3 èmme année du collège,il faut des fonds,et bien c'est simple,la zakate avant le haj;les impôts que beaucoup ne paient pas,une cotisation entre 20 dh et 1000 dh à imposer chaque mois ,ne pas attendre pour éviter un débordement nuisible!

Merci, Merci mille fois , c'est cruel ,mais c'est la triste realite

L education et le capita intellectuel de la famille que l etat doit compenser. Autrement des chiffres affreux 7 sur 10 d inactifs

Merci pour cette excellente chronique. Il faut ajouter aux associations et aux partis politiques, l’éducation à l’amour du pays et au patriotisme, les écoles et les prêches dans les mosquées qui devraient avertir les jeunes des dangers de l’émigration clandestine.

Mon fils de 11 ans me dit qu'il veut être riche et célèbre ,rapidement sans perdre son temps à l'école ,comme plusieurs joueurs de l'équipe nationale, c'est trés difficile de convaincre cette génération

C’est un article tout ce qui a de cohérent il y a un vrai problème d’une jeunesse complètement manipulée par les médias sociaux les jeunes ne pensent même plus à un avenir au sein du pays comme on dit en darija les épaules se sont refroidis aucun effort de leurs part pour l’éducation et l’apprentissage préférant traîner dans le quartier beaucoup de filières sont ouvertes à coups de milliards de dirhams où il y a un vrai tremplin pour des métiers valorisant un technicien en froid et climatisation et rare sur le marché et gagne extrêmement bien sa vie les exemples ne manquent pas un autre fléau c’est les parents qui ont complètement démissionnés de l’éducation de leurs progénitures ils déléguent tout à l’école ne connaissent ni l’emploi du temps de leurs enfants ne font aucun suivi à l’école

Bjr professeure.Vous me rappelez une anecdote très amusante à propos de l'émigration clandestine.Des voleurs de monuments internationaux ont voulu voler la mosquée Hassan II, mais ils n'y sont pas parvenus.Intrigués,ils ont regardé en dessous.Surprise!Bcp de jeunes y étaient suspendus.A mon humble avis,tt le monde veut partir pour chercher un monde meilleur,mais les Marocains disent:"Le goudron de mon pays est meilleur que le miel des autres pays.قطران بلادي ولا عسل البلدان."Il est vrai que la vie est dure dans notre cher pays (comme dans bcp d'autres d'ailleurs),il faut toutefois y rester et ne pas croiser les bras.Quand on retrousse les manches,il y a tjrs à faire pour gagner sa vie et petit à petit,l'oiseau fera son nid. Jolie chronique comme d'hab.Merci à vous,à vos lecteurs et au 360.

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