Les résultats scolaires à l’épreuve de ChatGPT

Zineb Ibnouzahir.

ChroniqueQue valent vraiment les notes scolaires aujourd’hui? Peut-on franchement évaluer le niveau des élèves de nos jours, si ce n’est en les interrogeant à l’oral? Que vaut encore un exposé à faire à la maison, quand on sait pertinemment que le travail rendu est artificiel?

Le 16/02/2025 à 12h40

Au mois d’août 2024, une étude de Boston Consulting Group (BCG) plaçait le Maroc en 2ème position du classement mondial des pays utilisant le plus le robot conversationnel ChatGPT, derrière l’Inde et devant les États-Unis et la Chine. D’après cette enquête, 8 Marocains sur 10 connaissent cet outil d’intelligence (IA) et 38% l’utilisent au quotidien.

Cette connaissance et cette maîtrise de l’IA sont une bonne nouvelle en soi pour un pays qui s’emploie à surfer sur la vague des nouvelles technologies, notamment dans l’enseignement supérieur. Mais le phénomène a toutefois ses limites dès lors que cet outil se retrouve entre les mains d’élèves du secondaire et peut-être même déjà du primaire. Car s’il est indéniable que l’IA sera amenée à jouer un rôle clé dans l’éducation, pour le moment, elle est surtout utilisée par les élèves pour travailler moins et vite.

«Spotify a mis environ 150 jours pour atteindre un million d’utilisateurs. Instagram, environ 75 jours. ChatGPT? Seulement cinq jours», révélait le BCG dans son enquête. Il n’y a rien d’étonnant dans ce succès fulgurant, notamment chez les plus jeunes, qui s’en servent allègrement pour envoyer valser leurs devoirs du soir en une heure plutôt qu’en quatre. Mais qui pourrait résister à cela?

Exercices de maths, dissertations, raisonnements écrits, exposés, commentaires de textes, en français, en anglais ou en espagnol… tout y passe. Les plus assidus apporteront à ce travail artificiel quelques touches personnelles, histoire d’humaniser un peu la chose, et le tour est joué, avec la garantie de décrocher la timbale côté résultat. Si certains professeurs n’y voient que du feu, d’autres s’en rendent bien compte. Mais que faire? Leur interdire d’utiliser l’IA? C’est tout simplement impossible. De la même manière qu’on ne peut leur interdire d’effectuer leurs recherches sur Google, plutôt que dans un dictionnaire ou après un tour en bibliothèque, lieu désormais désuet dont la Gen Z ne comprend pas l’utilité -si tant est qu’elle en connaît l’existence- et qui pourrait presque être relégué au rang de musée des livres.

«Face à la déferlante de l’IA, le système scolaire peine à évoluer, a contrario des élèves qui, eux, ont su en tirer parti.»

Le problème prend de l’ampleur avec l’utilisation de ChatGPT comme nouveau moyen de tricherie pendant les examens. Cette jeunesse ultra connectée, du smartphone à la montre, en passant par l’oreillette, n’en finit plus d’innover pour contourner les règles et «se fouler» le moins possible.

C’est décidément le mal du siècle. À peine le sujet posé sur la table, à peine le professeur a-t-il le dos tourné, que les smartphones sont dégainés le temps d’une photo prise du sujet puis soumise instantanément à l’IA qui, en une fraction de seconde, propose un plan, une réponse, une problématique, des exemples... En guise de plan B, la montre connectée fera le travail quand ce n’est pas la super calculatrice à 2.000 balles qu’on vous impose d’acheter pour ne servir que deux fois dans l’année, et qui permet aux élèves d’y intégrer tous leurs cours. Il est loin le temps des antisèches écrites sur un bout de papier ou un bout de cuisse. À ce petit jeu, les professeurs ne se donnent pas tous le même mal à traquer les fraudeurs. On pourrait tout simplement confisquer les téléphones et les montres chaque fois qu’un élève entre en classe ou en salle d’examen, mais allez savoir pourquoi ce n’est pas fait, du moins pas partout ni de manière systématique…

Alors, que valent vraiment les notes aujourd’hui? Peut-on franchement évaluer le niveau des élèves de nos jours, si ce n’est en les interrogeant à l’oral? Que vaut encore un exposé à faire à la maison quand on sait pertinemment que le travail rendu est artificiel?

Face à la déferlante de l’IA, le système scolaire peine à évoluer, a contrario des élèves qui, eux, ont su en tirer parti. Mais plutôt que de les blâmer pour l’utilisation qu’ils en font, il faudrait en fait les prendre en exemple, en intégrant le plus rapidement possible cet outil aux supports pédagogiques et à une manière d’enseigner, ne serait-ce que pour apprendre à cette génération les limites de cette technologie et sauver les meubles en matière de réflexion et d’analyse critique, des notions qui se perdent depuis qu’on dispose d’un deuxième cerveau artificiel.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 16/02/2025 à 12h40

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