Une énième réforme du secteur de l’éducation nationale. Chakib Benmoussa, ministre de tutelle, a présenté, le détail de la feuille de route 2022-2026 pour «une école publique de qualité pour tous», au cours d’une conférence de presse dans l’après-midi de ce jeudi 10 novembre au siège de son département à Rabat.
Et pour mieux introduire sa présentation, Chakib Benmoussa a partagé un constat, ou plutôt un secret de polichinelle: l’école publique n’assure pas les apprentissages fondamentaux et suscite la défiance des citoyens, et ce, malgré une volonté réformatrice et une vision stratégique partagée.
Pour preuve: 70% des élèves ne maîtrisent pas le programme scolaire à la fin du primaire, seuls 25% d'entre eux participent à des activités parascolaires et environ 300.000 élèves quittent l’école chaque année depuis 2016, dont 23% en primaire, 53% en secondaire et 24% au lycée, alerte le ministre en se basant sur les résultats du programme national d’évaluation des acquis.
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Chakib Benmoussa a fait savoir que ces résultats sont confortés par les tests internationaux comme le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Selon les résultats de ce programme, le Maroc est classé 77e sur 79 pays en mathématiques et 75e sur 79 pays en compréhension de l’écrit.
«Ce constat alarmant rend la réforme indispensable», a tonné le ministre de l’Education nationale.
Un changement d’approcheLe deuxième constat a été partagé par les journalistes: le système éducatif marocain a fait l’objet de plusieurs réformes sans parvenir à un résultat positif. En défendant sa feuille de route, Chakib Benmoussa a mis en avant l’importance de «la rupture» opérée dans le mode de mise en œuvre de sa réforme.
«On va passer d’une réforme axée sur les moyens et les procédures à une réforme axée sur l’impact au sein des classes», a-t-il précisé. Dans le détail, la nouvelle approche engagée par le ministère de l’Education nationale est basée sur le suivi rigoureux de la mise en œuvre des actions engagées et une mesure systématique de l’impact sur l’élève, le renforcement de l’autonomie et de la responsabilité des acteurs, l’adoption d’une approche systémique pour faire converger les actions, l’expérimentation préalable pour vérifier l’impact sur le terrain avant de généraliser, et enfin, la formation et l'engagement de toutes les parties prenantes, apprend-on de la note de présentation de cette feuille de route.
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Aussi, après l’élaboration de cette feuille de route, les responsables au ministère de l’Education nationale l’ont partagée en procédant à une série de consultations dans le cadre des concertations nationales.
«La feuille de route a été partagée et discutée avec plus de 100.000 participants, notamment des élèves, enseignants, familles ainsi que les responsables de 1.766 établissements scolaires», fait savoir Chakib Benmoussa. «Les conclusions des concertations ont permis de confirmer la pertinence de la feuille de route proposée tout en enrichissant son contenu», poursuit-il.
Les objectifs stratégiques de la feuille de routeSelon le ministre, la feuille de route vise la réalisation de trois objectifs stratégiques à l'horizon 2026. Le premier objectif vise à garantir la qualité des apprentissages en multipliant par deux le pourcentage des élèves ayant une bonne maîtrise des apprentissages de base au cycle primaire.
Le deuxième objectif consiste en la consécration de l'ouverture et des valeurs de citoyenneté en doublant le pourcentage des élèves bénéficiaires des activités parascolaires, soit 50% des élèves. Le dernier objectif assigné à cette feuille de route est de réduire la déperdition scolaire d’un tiers en rendant effective la scolarité obligatoire.
Pour le ministre, la réalisation de ces objectifs stratégiques nécessite une approche systémique agissant sur les trois composantes fondamentales du système éducatif, soit l’élève, l’enseignant et l’établissement scolaire.
Les 12 engagements pour une école de qualitéLes actions de la feuille de route s’organisent en 12 engagements concrets concernant ces trois composantes. Ceux-ci se déclinent, selon Chakib Benmoussa, en cinq engagements ciblant l’élève qui portent sur l'enseignement primaire, les manuels et les curricula, le suivi et l'accompagnement individuels, l'orientation et le soutien social.
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Les trois engagements intéressant l'enseignant concernent le développement de la formation de base et de la formation continue, l'amélioration des conditions d'exercice du métier et l'adoption d'un nouveau statut des fonctionnaires.
Les quatre engagements intéressant l'établissement scolaire se rapportent à l'amélioration des conditions d'accueil des élèves, la gouvernance de l'établissement, la mise en place d'un environnement scolaire favorable à l'apprentissage et à l'émancipation et le renforcement des activités sportives et parascolaires.
Les trois conditions de réussite de la réformePour le ministre, la réalisation de ces engagements nécessite la réunion de trois conditions de réussite. La première est la consécration d'une gouvernance fondée sur l'impact et assortie de mécanismes de garantie de la qualité. Cette condition se décline en plusieurs sous-conditions, notamment la mise en place d’un organigramme rénové, structuré autour des missions clés du ministère favorisant la mise en œuvre de la réforme et des ressources humaines renforcées, ainsi que l’adoption d’un protocole de mise en œuvre de la réforme fondé sur l’expérimentation et l’impact.
L'adoption d'une charte fixant les engagements des différents acteurs et intervenants constitue la deuxième condition pour la réussite de cette feuille de route. Son objectif est de faire converger toutes les énergies pour la réussite de la mise en œuvre de la feuille de route, ouvrir l’école publique sur les associations et initiatives sociétales innovantes, créer un espace pour renforcer et référencer les initiatives innovantes pour un impact à long terme et à plus grande échelle, et de développer les capacités des acteurs, la mutualisation des ressources et le développement de financements innovants.
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La troisième condition concerne la mise en place d’une planification financière en cohérence avec les impacts visés et d’un cadre de financement pour sécuriser les ressources. «Nous comptons sur une évolution annuelle du budget global du ministère de 5 milliards de dirhams en moyenne», a précisé le ministre lors de la présentation de sa feuille de route.
Des impacts échelonnés dans le tempsLe département que dirige Chakib Benmoussa a établi un calendrier de mise en place de cette réforme et a échelonné son impact dans le temps. Ainsi, on note la phase de préfiguration (2022-2023) durant laquelle il sera procédé à des évaluations objectives des impacts préliminaires de cette réforme sur un réseau d’établissements pionniers.
Durant la période de l’inflexion (2024-2025), les premiers impacts seront visibles à l’échelle nationale à travers les résultats du Programme national d’évaluation des apprentissages. Ces impacts seront visibles dans les tests internationaux et ce, lors de la phase de diffusion (2026-2027), a précisé le ministre qui a promis une «communication continue sur les réalisations et les résultats de la réforme à travers des bulletins semestriels».