Unité nationale à domicile, séparatisme chez les autres

Mouna Hachim.

ChroniqueBretagne, Guadeloupe…, voilà de nouveaux membres ajoutés au club des séparatismes soutenus à distance par l’Algérie, en fonction des alliances, des reconnaissances et des désiderata de sa cause perdue polisarienne…

Le 17/05/2025 à 11h03

Nouvel épisode du rocambolesque feuilleton géopolitique, issu de la série culte: «L’unité nationale, c’est sacré, mais seulement chez moi».

Da-da, clament les chefs d’orchestre, en battant la mesure avec grandiloquence: «Nous soutenons les droits de tous les peuples... sauf les nôtres».

Les faits, rien que les faits: dans un éclat géostratégico-vaudevillesque, la télévision d’État algérienne s’est découvert un autre drapeau à brandir: celui de l’indépendantisme breton.

Mise en scène oblige, le reportage aligne une carte aux contours d’une Bretagne amputée de la France, des images d’archives privées de tout contexte, et saupoudre le tout de folklore en boîte dont les incontournables coiffes blanches.

Le propos, lui, ne fait pas dans la dentelle: «annexion», «répression», «effacement». La France, selon le commentaire, se comporte en Bretagne comme une «puissance coloniale», maintenant sous son joug «une nation qui a été annexée puis réduite au silence siècle après siècle».

Pour l’occasion, Canal Algérie a offert une vitrine inattendue à Erwan Pradier, président du Parti national breton, chef de file d’un micro-parti d’ultradroite identitaire, davantage connu pour ses accointances avec l’idéologie nazie que pour son ancrage électoral.

Mi-sidéré, mi-flatté par cette reconnaissance tombée de nulle part, celui qui est surnommé «Ar Marvailhe» (soit, «le Faiseur de contes»), profite de l’aubaine pour débiter, sans la moindre opposition ni rappel de son passif, sa logorrhée victimaire sur la «nation bretonne envahie par la France».

La speakerine de la chaîne de télévision généraliste publique algérienne à dominante francophone ponctue, grave et solennelle: «La France se présente comme une terre de liberté, mais lorsqu’il s’agit des peuples qu’elle maintient sous sa coupe, le discours change du tout au tout.»

En bon pamphlet ayant troqué la neutralité contre la ferveur d’un communiqué émanant des casernes, le reportage s’achève sur une envolée lyrique, signée par la Rédaction (enfin, presque!): «Pour les Bretons, comme pour d’autres peuples sans État, le combat continue face au silence de Paris. La revendication bretonne est claire: il ne s’agit plus seulement de langue ou de culture, mais de liberté.»

Dixit, le pays classé parmi les régimes «non libres» en matière de droits humains par Freedom House; ou encore, en ces termes dans le dernier rapport d’Amnesty international: «Les autorités ont maintenu la fermeture de l’espace civique et réprimé les droits à la liberté d’expression et d’association. Elles ont continué d’écraser l’opposition pacifique en utilisant des accusations infondées de «terrorisme»; notamment contre des militant-e-s politiques, des journalistes, des syndicalistes et des défenseur-e-s des droits humains (…)».

Qu’à cela ne tienne! Dans ce numéro de contorsion où le prisonnier prêche la liberté, Canal Algérie, fidèle à sa mission et à la stratégie orchestrée par la junte au pouvoir, a diffusé un autre reportage, visiblement calibré pour titiller la France, avec des propos sans détour, plaidant encore pour la séparation et défendant ce qu’elle qualifie de «droit de l’île de la Guadeloupe à l’indépendance».

Voilà donc de nouveaux membres ajoutés au club des séparatismes soutenus à distance, en fonction des alliances, des reconnaissances et des désiderata de sa cause perdue polisarienne. Car, il n’échappe à personne que cette grotesque stratégie de représailles ne peut être dissociée de la position de la France sur la question du Sahara marocain, Paris ayant soutenu de manière officielle l’initiative marocaine d’autonomie sous souveraineté nationale, perçue comme un revers majeur pour le projet séparatiste porté par l’Algérie, à travers son rejeton, armé, financé et hébergé sur ses terres.

Il faut croire qu’il reste encore de la place sous les tentes de Tindouf pour des représentations venues d’ailleurs!

On les imagine déjà, les prochaines productions militantes de Canal Algérie et les nouvelles pages de son combat pour la liberté (celle des autres, cela va de soi!): reportages sur la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie, en passant par des tribunes enthousiastes pour la Corse, le Roussillon, l’Alsace, la Lorraine, la Normandie, la Savoie, l’Occitanie ou la Picardie...

Qui a dit que l’Algérie manquait de créativité en matière de tentatives de déstabilisation?

Le Mali en sait quelque chose, lui qui a récemment dénoncé avec vigueur, dans un communiqué, «la proximité et la complicité de l’Algérie avec les groupes terroristes qui déstabilisent le Mali et à qui elle a offert le gîte et le couvert», faisant écho à un précédent communiqué, lu à la télévision d’État, une année auparavant, annonçant la «fin, avec effet immédiat», de l’accord d’Alger en énumérant une série de graves accusations contre l’Algérie, dont sa responsabilité dans la déstabilisation du Sahel.

Qu’on se rappelle aussi de l’accueil par l’Algérie, à Tindouf, de séparatistes kurdes de Turquie et de Syrie dans un contexte marqué par l’effondrement du régime «frère» de Bachar al-Assad, lui valant la colère noire de personnalités politiques, des associations et des médias.

Que dire de ces trois pelés et un tondu, faisant partie d’un groupement indépendantiste inconnu au bataillon, jouant au pied levé la mascarade d’ouverture de la dénommée «représentation du Rif» dans une villa offerte par les autorités sur les hauteurs d’Alger.

Et bien sûr, il y a le Polisario, ce caillou que Mohamed Boukharrouba, alias Houari Boumediene, rêvait de glisser dans la chaussure du Maroc, et qui s’est depuis transformé en un piège à retardement que l’Algérie continue de traîner, seule et obstinée, dans sa course diplomatique effrénée, tentant d’aligner les États sur ses rêves de séparatismes obsessionnels, que ce soit lors de rencontres politiques à domicile, comme avec le sultan d’Oman, ou au fil de ses virées internationales, comme récemment en Slovénie.

Mais la position de Mascate reste constante en faveur de l’intégrité territoriale du Maroc au milieu du consensus du Conseil de coopération du Golfe concernant la souveraineté marocaine sur le Sahara; alors qu’à Ljubljana, malgré l’accord gazier, les autorités slovènes ont réaffirmé leur soutien au processus politique sous l’égide des Nations Unies, en appuyant les résolutions récentes du Conseil de sécurité, dont la dernière exclut l’option référendaire et reconnaît la priorité du plan d’autonomie proposé par le Maroc.

Tebboune rentre donc bredouille en dépit de sa ténacité désespérée à vendre son projet pathologique visant à diviser son voisin.

Le même sieur, qui martelait en 2024, dans un discours à la nation, en tapant vigoureusement sur la table: «L’unité nationale, l’unité nationale, l’unité nationale. Quiconque touche l’unité nationale, nous emploierons contre lui tous les moyens, qui lui feront payer cher».

Encore récemment, lors d’une entrevue accordée aux médias de son pays, il soutenait: «L’Etat sanctionnera quiconque touche à la stabilité du pays, à l’unité nationale et aux valeurs de notre société sous prétexte de liberté d’expression».

En clair, c’est le séparatisme partout ailleurs, tant qu’il ne concerne aucun mètre carré de son territoire.

Or, à ce stade de nuisances et de contradictions offrant un spectacle affligeant de semeurs de divisions, bâillonnant chez eux toute velléité de revendication, il serait bon de penser à cette sagesse populaire venue de Kabylie:

“A win iqqazen tasraft,

Ur wala deg-s ssimγur:

AmAAmer a deg-s teγliḍ…”

(Ô toi qui creuse un fossé,

Il ne faut pas trop l’agrandir:

De peur que tu ne tombes dedans…).

Par Mouna Hachim
Le 17/05/2025 à 11h03