Sahara: «Le plan marocain d’autonomie doit être traduit par l’ONU en résolution contraignante», selon l’expert italien Riccardo Fabiani

Lors du vote d'une résolution sur la guerre en Ukraine par l'Assemblée générale des Nations unies.

Revue de presseAlors que la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara par plusieurs grandes puissances bouscule l’équilibre diplomatique du dossier, Riccardo Fabiani, directeur pour l’Afrique du Nord à l’International Crisis Group, décrypte les implications de cette évolution. Cet article est une revue de presse tirée de l’hebdomadaire Al-Ayyam.

Le 04/07/2025 à 20h26

Alors que la question du Sahara connaît un regain d’intensité diplomatique, la reconnaissance par plusieurs puissances occidentales de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud soulève de nouvelles interrogations sur l’avenir du processus onusien. Dans un entretien exclusif publié par l’hebdomadaire Al-Ayyam dans son édition du 3 au 9 juillet, Riccardo Fabiani, directeur du programme Afrique du Nord à l’International Crisis Group, décrypte les implications de ce tournant stratégique et ses effets potentiels sur la dynamique du Conseil de sécurité, la position de l’Algérie et l’avenir de la MINURSO.

Pour Riccardo Fabiani, les récentes prises de position de Washington, Paris et Londres ne sont en aucun cas anecdotiques. «Le soutien explicite de trois membres permanents du Conseil de sécurité à la souveraineté marocaine ou au plan d’autonomie constitue une évolution stratégique. Ce ne sont pas de simples gestes symboliques, mais les signes d’un glissement progressif du consensus international», explique-t-il.

Cependant, il tient à nuancer. «Malgré leur poids politique, ces reconnaissances doivent être traduites par des résolutions officielles du Conseil de sécurité ou intégrées à un accord formel entre les parties concernées», dit-il. Le changement de ton des grandes capitales occidentales pourrait dans ce sens influencer les futures résolutions onusiennes. «Ces positions créent une pression diplomatique accrue sur le front Polisario et l’Algérie. Elles pourraient inciter le Conseil à intégrer des références plus claires au plan d’autonomie marocain dans ses prochaines décisions», lit-on.

Fabiani anticipe un impact direct sur la mission de la MINURSO. Si cette tendance se confirme, le mandat de la mission onusienne pourrait évoluer pour refléter la nouvelle réalité politique du dossier.

Selon le chercheur, l’idée d’un référendum d’autodétermination est progressivement abandonnée. «Le projet d’autonomie s’impose peu à peu comme le cadre dominant du débat. Mais cela ne signifie pas la fin du processus politique. Bien au contraire, cela ouvre la voie à une nouvelle phase de négociations». Il souligne toutefois l’importance pour le Maroc de convaincre à la fois ses partenaires et ses opposants.

Interrogé sur la réaction d’Alger, Fabiani juge improbable un revirement de sa position. «L’Algérie ne peut ignorer les signaux venus de Washington, mais elle ne semble pas prête à abandonner le référendum, qu’elle considère comme non négociable», affirme l’expert. Cependant, il estime qu’un règlement du conflit ouvrirait une ère nouvelle dans les relations régionales, notamment entre l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie. Mais ce n’est qu’une pièce du puzzle. En attendant, le chercheur constate déjà des mouvements au sein des pays africains. Le revirement du Kenya en est un exemple. Mais des poids lourds comme l’Angola ou l’Afrique du Sud restent très prudents.

Quant aux perspectives de sortie de crise, Riccardo Fabiani reste mesuré. «Je ne crois pas que nous soyons proches d’un accord. L’Algérie n’a pas montré de signes d’ouverture. Même si des négociations sont relancées, elles risquent de buter rapidement sur des désaccords fondamentaux».

Par Imane Idrissi
Le 04/07/2025 à 20h26