Que penser des menaces de «représailles» algériennes contre la France après la reconnaissance par Paris de la marocanité du Sahara?

Bernard Lugan.

ChroniqueL’Algérie menace de représailles la France après la reconnaissance par le président Macron de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Mais si «représailles» il devait hélas y avoir, ce serait plutôt dans l’autre sens qu’elles pourraient s’exercer. Et voici pourquoi.

Le 13/08/2024 à 10h58

En reconnaissant la marocanité du Sahara dit occidental, évidence historique, culturelle, ethnique, religieuse, politique et économique, le président Macron a déchaîné la colère d’une Algérie qui, perdant tout sens de la mesure, menace désormais la France de «représailles»…

Mais quelles représailles?

1- On imagine mal qu’Alger se tire une rafale dans les deux pieds en suspendant les relations aériennes et maritimes avec la France, ce qui pénaliserait plus que gravement une diaspora qui injecte quotidiennement des devises vitales pour une économie algérienne exsangue.

2- Le gaz algérien ne représentant en moyenne que 8% de la consommation française, ce n’est donc pas une production stratégique permettant d’exercer des «représailles» sur Paris, ni davantage sur l’Union européenne. En 2023, l’Algérie a ainsi exporté 34,9 milliards de mètres cubes (m3) de gaz naturel vers le marché européen, alors que l’UE en importe annuellement environ 520 milliards de m3… L’Algérie ne produit d’ailleurs qu’environ 130 milliards de m3 de gaz, sur une production mondiale de 3.850 milliards de m3, un pourcentage modeste. De plus, la consommation intérieure représentant environ 54% de la production nationale de gaz, l’Algérie ne dispose donc en réalité que de 40 milliards de m3 de gaz pour l’exportation. Un volume qui ne lui permet pas de prétendre pouvoir exercer des «représailles». Quant aux annonces faites par le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, de huit découvertes «majeures» dans les régions de Béchar, Aïn Salah, Djanet, lllizi et Ouargla, qui permettraient «à moyen terme» de produire 200 milliards de m3 au lieu des 130 milliards actuellement, elles ne changeront pas la donne.

En effet, et à supposer que ces prévisions soient fondées, sur les 70 milliards de m3 supplémentaires produits «à moyen terme», comme au moins le tiers alimentera la consommation locale, il s’agira tout au plus d’une quantité exportable supplémentaire de 50 milliards de m3, soit, un total d’environ 80/90 milliards de m3 pour un marché européen importateur, comme précisé plus haut, de 520 milliards de m3 (chiffre datant de 2023).

3- Le pétrole algérien ne représentant en moyenne que 9% de la consommation française, et le pétrole étant de plus en plus abondant sur le marché international, il ne s’agit donc pas davantage d’un produit stratégique au moyen duquel des «représailles» pourraient être exercées contre la France.

4- Quant au commerce de la France avec l’Algérie, comme il n’est en moyenne que de 12 milliards d’euros, pour un commerce extérieur français global de 770 milliards d’euros, là encore, il n’y aurait pas matière à «représailles»…

Pour la France, économiquement parlant, l’Algérie n’existe donc pas et, si «représailles» il devait hélas y avoir, ce serait plutôt dans l’autre sens qu’elles pourraient s’exercer.

Notamment en ce qui concerne:

1- Les exorbitantes facilités de circulation offertes aux Algériens désirant venir en France, souvent d’ailleurs pour s’y faire soigner. Pour la France, il serait ainsi facile et très rapide d’aligner les largesses de circulation accordées aux Algériens sur celles des autres pays du Maghreb.

2- Les colossaux libres transferts de fonds des Algériens vivant en France vers leur pays d’origine, soit par les canaux officiels, soit à travers les canaux «informels», pourraient être efficacement taxés.

3- Les investissements directs étrangers (IDE) français en Algérie, qui s’élèvent en moyenne à 2,4 milliards d’euros, sur un total de 6 milliards d’euros, plaçant ainsi la France au troisième rang, derrière les États-Unis et l’Italie, mais au premier rang hors hydrocarbures, les IDE français se faisant dans le sens de l’indispensable diversification de l’économie algérienne, notamment dans les secteurs de la mécanique ou de la pharmacie.

Par Bernard Lugan
Le 13/08/2024 à 10h58