Pâmons-nous!

Karim Boukhari.

Karim Boukhari.

ChroniqueLe PAM, c’est la rencontre improbable entre certaines idées de gauche et des méthodes de droite. Mais ça, c’était avant.

Le 24/02/2024 à 09h00

Un jour, et alors que je devisais avec un ami du Parti authenticité et modernité (PAM), j’ai vu déambuler un homme d’affaires. Je me suis tourné vers mon ami: «Et lui, est-il est avec vous au PAM? C’est ce que tout le monde dit à demi-mot, tu confirmes?». Mon ami réfléchit et dit: «Je ne sais pas». Cette réponse m’a étonné, voire choqué. Mon ami perçut mon malaise et poursuivit: «Il y a constamment des gens qui rentrent, d’autres qui sortent. Nous sommes comme une multinationale!».

Cette demi-boutade renseigne sur le point fort du PAM, mais aussi sur son point faible. Ce côté «multinationale» incarne les deux à la fois. On ne rentre pas comme ça au PAM, mais pour un but précis, avec un objectif et une mission. On ne milite pas dans le vent. C’est un avantage parce que cela donne de la clarté et fait gagner du temps. Dans le même temps, l’identification au parti reste faible. Parce que dans une multinationale, ne l’oublions pas, le courant d’air est roi.

Ceux qui ont suivi de près la naissance du PAM, il y a plus de 15 ans, se rappellent qu’avant la phase de fusion-absorption de plusieurs petits partis, avalés en guise de mise en bouche, le PAM a d’abord été une association regroupant plusieurs personnalités de gauche. Ce ballon d’essai, cette bulle, a été un petit laboratoire d’idées. Il lui fallait une machine, un appareil, un «tracteur» pour labourer le terrain.

L’idée du tracteur comme logo, et qui nous faisait beaucoup rire à l’époque, n’était pas si maladroite. Au contraire. Un tracteur, c’est l’irruption de la modernité dans un champ de culture traditionnelle. La greffe est prometteuse. Mais a-t-elle pris? Quels sont donc les fruits de cette rencontre entre un tracteur et un champ de blé à l’ancienne?

On voit bien aujourd’hui, avec le recul, ce que la naissance du PAM a eu comme point de départ: des idées de gauche avec des méthodes de droite. Ou comment faire avancer le schmilblick de la société marocaine en s’appuyant sur des hommes de terrain. Le mix entre jeunes technocrates, anciens intellectuels de gauche et nouveaux notables a créé cette multitude de courants d’air que l’on peut rencontrer dans les couloirs d’une multinationale.

Les courants d’air ont fini par donner au PAM un côté «autant en emporte le vent» assez unique en son genre. Avec des chefs de file surgis de nulle part, qui montent tout de suite et très haut, avant de disparaître à jamais. Le phénomène de cooptation et le système des «tazkiyate» (ces fameux sésames accordés aux candidats avant les élections) ont d’ailleurs fait du PAM un parti-tremplin qui peut vous emmener partout: à la députation, au gouvernement, ou au fond d’une cellule à Oukacha.

Et alors, dirions-nous?

C’est ce parti pas comme les autres, désormais conduit par un triumvirat, qui porte aujourd’hui le seul projet réellement à gauche du gouvernement Akhannouch: conduire, le plus loin possible, le projet de la réforme de la Moudawana et plaider pour l’élargissement des libertés individuelles. Une gageure… Faut-il s’en étonner, après tout?

Par Karim Boukhari
Le 24/02/2024 à 09h00