Le 15 février à Addis-Abeba, en Éthiopie, l’Algérie a enfin goûté au plaisir de décrocher une victoire. Cela n’était pas arrivé depuis l’été dernier, quand Imane Khelif, la champion(ne) de boxe algérien(ne), a ramené l’or à la maison. Rien n’a pu entamer le bonheur de l’Algérie ce jour-là, pas même le taux de testostérone trop élevé de ladite boxeuse. Drapée de son habituelle fierté, auréolée pour la peine d’une tolérance à faire pâlir d’envie le plus droitdelhommiste de tous les pays occidentaux, l’Algérie était à deux doigts de reconnaître les droits des LGBTQ+ s’il avait fallu le faire pour préserver son honneur et sa victoire… Mais hamdoullah, elle n’a pas eu à le faire, car ces choses-là n’existent pas en Algérie, le pays où tout va bien.
Mais depuis les JO, rien, nada pour éclaircir un ciel ombragé par des débâcles sociales et diplomatiques. Ah oui, on a failli oublier… Il y a bien eu l’inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco de la melhfa et de la gandoura de l’Est algérien, qu’on a tôt fait de vouloir faire passer pour celle du caftan algérien. Mais la malversation était à ce point mal faite que la chose est retombée comme un soufflé, emportant avec elle un doux parfum de succès.
Certes, depuis plusieurs mois, le pays fait la Une des médias français, son rêve ultime, mais pas pour les bonnes raisons… Entraves à la liberté d’expression, emprisonnements arbitraires, justice corrompue, chantage, ruptures des relations diplomatiques, retours à l’envoyeur d’OQTF, une diplomatie incarnée par des influenceurs du coin de la rue, un régime désormais comparé à une dictature… Bref, une symphonie de fausses notes à vous faire péter les tympans, sur fond de grogne grandissante de la rue algérienne.
Mais comment arrivent-ils à se saborder tous seuls? C’est la question qu’on ne pouvait s’empêcher de se poser, presque admiratifs d’un tel talent à se tirer une balle dans le pied. Jusqu’à ce que l’on comprenne… Nous sommes en fait responsables de ce mal dont ils souffrent. Le Maroc, brandi comme un épouvantail devant la population par le pouvoir et les médias, est le responsable de tous les maux dont souffre l’Algérie. Le Maroc est une menace, un ennemi qui tente à tout prix de déstabiliser le pays. C’est au Maroc que l’on doit l’inflation, les manifestations des étudiants, le chômage, la sécheresse, les jeunes qui se droguent, les coupures d’eau qui durent une semaine, les interminables chaînes humaines dans l’espoir incertain de décrocher un sachet de lait, et jusqu’aux défaites de l’équipe de football, puisque que nous avons acheté la FIFA et la CAF. En se contemplant dans le miroir algérien, on pourrait presque se croire tout puissants, tant l’influence qu’on nous attribue dépasse l’entendement.
Pour exister, le régime algérien nourrit une guerre d’image sans fin contre le Maroc, mais perdait jusqu’à présent à son propre jeu. Et puis le 15 février est arrivé et tout a basculé pour l’Algérie… Selma Malika Haddadi, sa candidate à la vice-présidence de la commission de l’Union africaine (UA) en charge des finances et des ressources humaines, a remporté cette élection. Mais pas contre n’importe qui: contre une candidate marocaine. Et c’est cela qui fait toute la différence. Aurait-elle été d’une autre nationalité africaine que la joie hystérique qui a explosé ce jour-là au sein de l’institution n’aurait pas eu la même dimension. Parce que finalement, ce qui importe, ce ne sont pas les responsabilités qui incombent à ce poste, mais bien la victoire de l’Algérie sur le Maroc.
Dans une vidéo qui circule en ce moment à vitesse grand V, et entraîne dans son sillage un buzz phénoménal, on peut prendre la mesure de ce qui relève clairement d’un cas pathologique. Alors que l’annonce de la victoire de la candidate algérienne est annoncée, un homme se jette littéralement sur elle, l’empoignant à pleins bras, l’étouffant sous les larmes et les baisers dans une longue étreinte. Hors contexte, on aurait pu croire qu’il s’agissait de Demi Moore qui recevait le premier prix de sa carrière en décrochant le Golden Globe pour se prestation (incroyable au passage) dans «The Substance». Mais non, même Demi Moore n’a pas laissé exploser sa joie de la sorte. Et puis, qui est donc cet homme avec lequel elle partage cette trèèèèès longue accolade? Bruce Willis? Ou plutôt son mari qui serait venu la soutenir? Mais non, voyons voir, la dame est divorcée… Alors qui? Cet homme qui a perdu toute retenue est en fait le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf. C’est peut-être vrai, après tout, que la liberté des mœurs est une valeur sacrée en Algérie…
Puis, autour du couple en fusion, des youyous, des cris, des hurlements et enfin, repris en chœur par les «diplomates» algériens, le fameux slogan des supporters des Fennecs devenu l’hymne patriotique de tout un pays: «One, two, three, viva l’Algérie…». Il ne manquait plus que le drapeau algérien brandi dans les tribunes entre deux fumigènes et les félicitations du coach en prime. Ça tombe bien, il était justement là, le coach, en la personne de Benbattouch, venu féliciter chaleureusement la championne algérienne pour sa victoire sur l’ennemi. Il fallait bien cela pour panser ses plaies et lui redonner le sourire après l’éviction du groupe Sahara occidental du Parlement européen.
Pour mieux appréhender le ridicule de la situation, il faut rejouer la scène avec d’autres protagonistes. Nous sommes le 15 février 2025, Latifa Akherbach, la candidate marocaine, décroche le siège face à sa «rivale» algérienne. Nasser Bourita, notre ministre des Affaires étrangères, ne contenant plus sa joie, se jetterait littéralement sur elle pour la couvrir de baisers, tandis que nos diplomates brailleraient à tue-tête «Hala, hala, hala, 7na Sbou3a ou Rjala» (vous avez la réf?). Quand tout d’un coup, viendrait s’associer à cette victoire, pour mieux se l’approprier, le chef d’un groupe terroriste, accusé de meurtres et de viols sous d’autres cieux, mais qui profite de notre soutien pour semer le chaos dans la région.
La scène vous met-elle mal à l’aise? Vous sentez-vous couvert de ridicule par vos représentants? Vous avez comme une envie de plonger la tête première dans un trou? Rassurez-vous, votre réaction est normale. Si vous trouvez tout cela grotesque, c’est parce que vous ne soupçonnez-pas à quel point la haine donne des ailes. Et c’est tant mieux pour vous.