A la surprise générale, Mohamed Benchaaboun fait son entrée au gouvernement, en août 2018, en provenance de la Banque populaire qu’il a dirigée pendant près de 10 ans. Venu remplacer Mohamed Boussaid, il a retrouvé sur son bureau sa carte d’adhérent au Rassemblement national des indépendants (RNI). Mais ce technocrate chevronné a rapidement pris ses distances avec le parti, se consacrant exclusivement à la gestion de son double, puis triple département, suite à un remaniement ministériel.
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C’est peu dire que Benchaaboun est arrivé à la tête du ministère de l’Economie et des Finances dans un contexte socioéconomique compliqué. Dès sa prise de fonction, il s’est retrouvé face à une pile de dossiers, tous plus chauds les uns que les autres, sur lesquels ses prédécesseurs s’étaient cassés les dents: des dizaines de milliards de dirhams de crédits TVA à rembourser, des délais de paiement des entreprises publiques à raccourcir, une fiscalité à réinventer, sans parler des sujets liés à la flexibilisation du dirham et au financement des entreprises.
Benchaaboun est également venu renforcer une équipe gouvernementale en froid avec le privé, surtout après la gestion désastreuse du dossier du boycott, qui a sérieusement entamé la confiance des opérateurs économiques vis-à-vis de l’Etat. Le nouveau ministre s’est attelé dès lors à recréer ces ponts si fragiles avec ses ex-compagnons du secteur privé.
A la recherche de la confiance perdueCe n’est donc pas un hasard si son premier geste en tant que ministre a concerné l’apurement des arriérés de TVA dus par l’Etat aux entreprises: plus de 40 milliards de dirhams ont ainsi été remboursés aux entreprises, renflouant de la sorte leur trésorerie.
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La réconciliation entre le secteur privé et l’Etat a été actée lors du passage remarqué du ministre à l’Université d’été de la CGEM, en septembre 2019. «Devant le patronat, Benchaaboun a pris une série d’engagements fermes, comme solder le passif des arriérés de TVA, un sujet qui a traîné de trop longues années», nous rappelle un membre de la CGEM. «Il a réussi à rétablir le lien de confiance avec le secteur privé. C’est pour moi le premier succès de Benchaaboun», estime-t-il.
Les patrons interrogés apprécient d’ailleurs sa cohérence et le fait qu’il ne change pas à tout-va de cap, ce qui leur donne plus de visibilité. «Il consulte, écoute, analyse et décide. Il ne fait que rarement marche arrière», confie notre source.
L’organisation des Assises de la Fiscalité à Skhirat, en mai 2019, a été un autre moment marquant du mandat de Mohamed Benchaaboun. De nombreux engagements ont été pris à l’issue de l’évènement, pour parvenir à «une fiscalité juste, équitable, cohérente, efficace et transparente».
«Ce fut un grand moment d’écoute, de partage et de parler-franc, pour aboutir à un consensus général», témoigne l’un des protagonistes de ces Assises. Au final, ces recommandations ont été reprises dans la loi-cadre sur la fiscalité et dont la déclinaison sera faite progressivement, sur une durée de 5 ans, donnant, là encore, de la visibilité et de la stabilité pour les investisseurs, nationaux et étrangers.
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Cette loi inscrit dans le marbre certains principes-clés comme l’équité fiscale et l’élargissement de l’assiette fiscale, ainsi qu’une baisse de la pression fiscale sur les entreprises, qui devrait se matérialiser dès la prochaine loi de finances.
La loi-cadre vient d’ailleurs d’être adoptée en Conseil des ministres présidé par le Roi, et votée au Parlement, preuve que les recommandations ne sont pas restées au stade des belles paroles.
Toujours au chapitre du rétablissement de la confiance et de l’amélioration du climat des affaires, Benchaaboun, qui a récupéré au passage le portefeuille de la réforme de l’Administration lors du remaniement ministériel d’octobre 2019, a fait adopter une loi relative à la simplification des procédures et formalités administratives. Cette petite «révolution administrative» s’est caractérisée par la suppression de près de 45 actes administratifs et le lancement, en avril 2021, du portail national des procédures et des formalités administratives «Idarati», en partenariat avec le ministère de l’Intérieur.
Rassurer les marchés internationauxMohamed Benchaaboun s’est aussi illustré lors du déclenchement de la pandémie. Il affronte, dès lors, l’une des plus grandes crises sanitaires, sociales, économiques et financières au Maroc. Et il a montré à la fois de la ténacité et de la proactivité. Pour atténuer les impacts socio-économiques de la crise du coronavirus, il n’a pas hésité à lancer le processus d’adoption d’une loi de finances rectificative, la première depuis 30 ans au Maroc.
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Outre les mesures d’urgence, comme la distribution d’aides directes aux citoyens et des moratoires sur les crédits, prises dans le cadre du Comité de veille économique dont il est l’un des membres les plus actifs, et la gestion du fonds spécial Covid, Benchaaboun a surtout brillé par sa capacité à lever des fonds sur les marchés financiers internationaux.
«Le défi était de trouver de l’argent, en devises, vite et pas cher, pour financer les énormes besoins apparus avec la crise pandémique. Et force est de constater qu’il s’en est très bien tiré», témoigne un haut cadre d’une banque de la place casablancaise.
En effet, pour financer la relance de l’activité économique durement touchée par les répercussions de la crise sanitaire, l’argentier du Royaume n’a eu d’autre choix que de s’endetter massivement auprès des bailleurs de fonds et des marchés, n’hésitant pas à rompre avec l’orthodoxie budgétaire qui a prévalu durant la dernière décennie.
Sous la houlette du ministre des Finances et de la Direction du Trésor et des financements extérieurs (DTFE), le Maroc est parvenu à réaliser deux levées de fonds successives réussies, à des conditions très avantageuses, alors même que le Maroc était dans le collimateur des agences de notation.
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«Benchaaboun et ses équipes inspirent confiance aux marchés financiers internationaux. Ce n’était pas gagné, car la situation des finances publiques s’est considérablement détériorée. Mais il a réussi à convaincre les marchés de la crédibilité de la signature Maroc. Il ne faut pas oublier que c’est un ancien banquier, il sait parler leur langage», analyse notre source bancaire.
Benchaaboun a fait par ailleurs preuve d’ingéniosité pour mobiliser des financements, comme la relance des privatisations, la mise en place de financements innovants (comme l’opération de Lease Back de quatre CHU de la CMR pour un montant de 4,5 milliards de dirhams). Il a également annoncé le lancement d’un grand emprunt national auprès des citoyens marocains, d’un montant de 5 milliards de dirhams. Cette opération a néanmoins pris du retard et ne risque pas d’être concrétisée avant les élections de septembre prochain.
Grandes réformes amorcéesLe mandat de Benchaaboun a également été caractérisé par le lancement de plusieurs grandes réformes. Les plus emblématiques d’entre elles sont la réforme fiscale évoquée plus haut, la généralisation de la couverture sociale, ou encore la réforme des établissements et entreprises publics.
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Initiées par le Roi et orchestrées par le département de Benchaâboun, ces réformes devraient profondément marquer le pays sur le plan économique et sociale dans les prochaines années, voire décennies. Le ministère n’a pas traîné à élaborer leurs projets de loi et à les introduire dans le circuit législatif. Ces textes ont d’ailleurs été adoptés en un temps record, et leur déploiement va obéir à un calendrier bien précis.
La mise en place du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, conformément aux orientations du souverain, est également sur les rails. Doté de 45 milliards de dirhams, dont 15 milliards issus du budget de l’Etat, ce Fonds est considéré comme la pierre angulaire du plan de relance de l’économie marocaine. Pour compléter le tour de table, 30 milliards de dirhams seront mobilisés auprès d’investisseurs institutionnels, d’institutions publiques ou privées. Benchaaboun a dans ce sens multiplié les réunions avec les acteurs du marché des capitaux et avec les bailleurs de fonds partenaires du Maroc.
A ce jour, une loi et un décret ont été adoptés pour établir le Fonds Mohammed VI sous la forme d’une société anonyme. Quant à son opérationnalisation, rien ne filtre pour l’heure sur le timing.
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Ces réalisations louables viennent presque éclipser une problématique majeure que Benchaaboun n’a pas réussi totalement à résoudre: celle des délais de paiement. Si ceux des établissements publics se sont améliorés, flirtant avec la barre des 40 jours, ceux des entreprises du privé ont continué de se détériorer, et se sont même aggravés avec la crise.
Pour dépasser définitivement ce problème, Benchaaboun a décidé d’opter pour la manière forte: des sanctions pécuniaires à l’encontre des mauvais payeurs. Un projet de loi allant dans ce sens a été élaboré, mais tarde à faire son entrée dans le circuit d’approbation. Il reviendra à son successeur de transformer l’essai. A moins qu’il ne rempile pour un deuxième mandat...