Comme chaque année, le rapport du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, sur le Sahara, soumis aux membres du Conseil de sécurité en prélude au vote d’une nouvelle résolution, se veut un résumé de la situation dans la région. État d’avancement des pourparlers en vue d’une solution, relations avec les parties prenantes, situation sur le terrain, travail des forces onusiennes de maintien de la paix (MINURSO), éventualité d’une extension de leur mandat… Tout y est documenté. Cette année encore, le référendum d’autodétermination ne fait pas partie du référentiel onusien. Les tensions nourries par le Polisario le long du mur de défense, bien que faibles, sont une source de préoccupation pour l’ONU, de même que les entraves qu’il pose à la liberté de mouvement de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Le jeu de l’Algérie, qui se veut un «observateur inquiet» tout en alimentant le conflit, ne dupe plus personne. Voici, point par point, ce qu’il faut en retenir.
L’option de référendum définitivement enterrée
Dans son rapport, le secrétaire général de l’ONU considère la résolution 2654 sur le Sahara, adoptée en 2022, comme base unique de son rapport, tout comme il exclut toutes les résolutions antérieures à 2018 du cadre pouvant conduire à une solution au conflit. La particularité de toutes celles-ci est que l’option d’un éventuel référendum n’y figure nullement. Cela signifie que l’option référendaire, à laquelle se cramponnent l’Algérie et le Polisario, n’a plus droit de cité à l’ONU et que seules des négociation entre toutes les parties (Maroc, Algérie, Mauritanie et Polisario) est à même de mener à une «solution politique pacifique, juste et durable» au conflit.
«À condition que toutes les parties concernées s’engagent de bonne foi et qu’il existe une volonté politique forte et un soutien continu de la communauté internationale, je continue de croire qu’il est possible de trouver une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui assurera l’autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019), 2548 (2020), 2602 (2021) et 2654 (2022) du Conseil de sécurité», écrit António Guterres. Les résolutions antérieures à 2018 ne constituent donc pas une référence au Conseil de sécurité.
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Le seul endroit où le référendum est cité dans le rapport, c’est quand le chef des séparatistes, Brahim Ghali, en fait (toujours) la promotion auprès de l’envoyé personnel du SG de l’ONU au Sahara, Staffan de Mistura, le 11 septembre à New York.
Le rôle de l’Algérie de nouveau épinglé
Même si, officiellement, l’Algérie revendique uniquement un statut d’«observateur inquiet», son rôle en tant qu’acteur principal dans le conflit est clairement pointé dans le rapport. «Le rôle des États voisins reste crucial dans la recherche d’une solution à la question du Sahara occidental. Dans ce contexte, la détérioration des relations entre l’Algérie et le Maroc reste préoccupante. Je regrette qu’aucune opportunité n’ait encore pu être saisie pour combler le fossé entre les deux pays et je les encourage à rétablir le dialogue pour améliorer leurs relations et à renouveler les efforts visant à renforcer la coopération régionale, notamment en vue d’établir un environnement propice à la paix et à la sécurité», lit-on.
On précisera que c’est l’Algérie, citée pas moins de 21 fois dans le rapport, qui a décidé de rompre de façon unilatérale ses relations diplomatiques avec le Maroc, fermant par la même occasion ses frontières aériennes au Royaume. Ceci, malgré la politique de la main tendue du Maroc, le Roi n’ayant eu de cesse d’appeler à un apaisement des relations entre Rabat et Alger. L’Algérie a d’ailleurs maintenu ses positions précédemment exprimées et «a également continué à s’opposer au format des tables rondes» pour une solution négociée. Ceci, indique M. Guterres, sous prétexte que sa participation aux premiers rounds de ce processus, tenus en 2018 et 2019, avait été «instrumentalisée».
Des tensions «de faible intensité», le Polisario dénoncé
Dans son rapport, le secrétaire général de l’ONU revient également sur les hostilités «de faible intensité» dans la zone qui «ont continué de nuire à la capacité de la MINURSO de mener pleinement à bien ses activités opérationnelles, en particulier les patrouilles terrestres et la reconnaissance aérienne».
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Citant les Forces armées royales (FAR), dont il souligne la pleine coopération, le rapport précise qu’entre le 1er septembre et le 31 août 2023, 550 incidents impliquant des tirs à distance contre ses unités au niveau ou à proximité du mur de défense ont été signalés. Quelque 69% d’entre eux étaient concentrés à Mahbas. Le Polisario, lui, revendique 758 attaques.
Le rapport pointe à cet égard le manque de coopération de la milice séparatiste. «À l’est du mur, le Front Polisario a continué de restreindre les mouvements des patrouilles terrestres de la MINURSO le long de couloirs de 20 kilomètres à partir de chaque base d’opérations. Toutes les patrouilles terrestres ont été interrompues en août 2022 suite à l’introduction de mesures strictes d’économie de carburant. Le commandant de la force de la MINURSO n’a toujours pas pu établir de contact direct avec les dirigeants militaires du Front Polisario et toutes les communications ont continué de se faire uniquement par correspondance écrite», lit-on.
Pour M. Guterres, les limitations non résolues de la liberté de mouvement de la MINURSO continuent d’entraver la capacité de la mission à mener les activités d’observation terrestre et aérienne requises à l’est du mur. «J’exhorte le Front Polisario à supprimer toutes les restrictions restantes à la libre circulation de la MINURSO et à reprendre des contacts réguliers en personne avec les dirigeants de la MINURSO, tant civils que militaires», spécifie le SG de l’ONU.
De la visite de De Mistura à Laâyoune et Dakhla
Le rapport revient également sur la visite dans les provinces du Sud de Staffan de Mistura (les 5 et 6 septembre à Laâyoune et le 7 septembre à Dakhla). «Au cours de sa visite, l’Envoyé personnel a rencontré un grand nombre de responsables marocains et d’élus locaux, qui ont exprimé leur soutien à la proposition marocaine d’autonomie et souligné les efforts de développement importants entrepris par le Maroc», résume le document, précisant que M. De Mistura a visité plusieurs projets d’infrastructures financés par le Maroc tels que des hôpitaux, des centres de formation professionnelle, des installations sportives et les travaux de construction du port Dakhla-Atlantique. Le développement des provinces du Sud est amplement souligné dans le rapport du SG de l’ONU et, très visiblement, son envoyé personnel a été frappé par ce qu’il a constaté de visu.
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De Mistura a également rencontré les représentant des Commissions régionales des droits de l’homme opérant à Dakhla et Laâyoune, des organisations de la société civile et des groupes de femmes, «un engagement qu’il considère comme un aspect crucial de sa visite, conformément aux principes des Nations Unies».
Retour aux négociations
Antonio Guterres insiste, dans ce volet, sur la nécessité de rétablir le cessez-le-feu, dont la violation a été publiquement revendiquée par le Polisario. «Ce contexte difficile rend la négociation d’une solution politique à la question du Sahara occidental plus urgente que jamais, près de cinquante ans après le début du conflit», écrit-il.
En attendant un retour aux tables rondes, le patron de l’ONU se félicite de la tenue de consultations bilatérales informelles sous les auspices de son envoyé personnel à New York en mars 2023. «Je suis encouragé par le fait que le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie, la Mauritanie et les membres du Groupe des Amis ont accepté son invitation et que le format était largement acceptable. Cela indique un nouveau cadre supplémentaire sur lequel s’appuyer», souligne M. Guterres.
Reconduction du mandat de la MINURSO
Dans son rapport, le SG de l’ONU recommande le renouvellement pour un an supplémentaire du mandat de la MINURSO qui s’achève le 31 octobre courant. «La MINURSO représente l’engagement des Nations Unies et de la communauté internationale en faveur d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable au conflit du Sahara occidental», insiste-t-il. Ceci, là encore, «conformément aux résolutions 2440 (2018), 2468 (2019), 2494 (2019) du Conseil de sécurité. 2548 (2020), 2602 (2021) et 2654 (2022)», conclut le rapport.