Nos relations avec la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) remontent à plusieurs décennies, durant lesquelles le Maroc a pleinement profité des lignes de crédit des deux institutions pour financer le développement de secteurs économiques, existants ou naissants, et équilibrer ses agrégats macro-économiques. Longtemps décriées par l’opinion publique nationale et nombre d’économistes, qui les rendaient responsables de tous «nos maux» économiques et sociaux (1983-1998), voire de nos retards, elles ont pris un tournant plus positif en termes d’image et d’efficacité depuis les années 2000.
Avons-nous intenté un mauvais procès à ces deux institutions durant les années 80 et 90? Leurs différentes contributions, du commencement à nos jours, ont-elles été bénéfiques à l’économie nationale? Avons-nous su profiter pleinement de ces contributions? À ces questionnements, cet éclairage tentera, succinctement, d’apporter quelques réponses.
S’il y avait à rappeler une contribution majeure du FMI et de la BM à l’économie marocaine, la plupart des économistes s’accorderaient à citer la proposition du Plan d’ajustement structurel (PAS), qui a mis l’économie marocaine sur l’orbite de «l’économie politique», alors qu’auparavant on faisait de «l’économie», voire la «critique de celle-ci». À travers le PAS, on a compris que la gestion saine d’une économie obéissait à des règles, qu’il fallait impérativement respecter, d’équilibre des comptes, de rationalisation des dépenses et de bonne gestion du secteur public. À défaut, le risque était inéluctable de «se prendre le mur». C’est ce changement de paradigme qui a permis à notre économie de prendre pied, au bout d’un certain temps, dans la modernité économique. Avec certes des sacrifices sociaux de la part des Marocains et un courage politique certain de la part des dirigeants, mais le résultat en valait la peine.
On peut aussi mettre l’actif des IFI de ne pas s’être contentées de prodiguer des conseils, mais de nous avoir accompagné dans la construction et le développement de plusieurs secteurs (agriculture, hydraulique, PME, tourisme…), d’avoir répondu présent à nos sollicitations pour assurer la couverture en devises ou pour rétablir certains équilibres macro-économiques. On citera également la contribution idéelle et financière dans le vaste programme d’équipement en infrastructures, d’inspiration néo-keynésienne, dont ont profité les territoires au Maroc est à souligner.
Les esprits chagrins interrogeront: tout cela, pour quels résultats? Jusqu’à présent, le Maroc n’a pas réussi à assurer sur la durée ce taux de croissance (7%) qui lui aurait permis de dépasser un PIB par habitant de 6.000 dollars US, capable d’enclencher le cercle vertueux d’une forte croissance. Pis, les inégalités se sont accentuées et la précarité persiste.
De l’avis de celui qui écrit ces lignes, les performances moyennes de notre économie ne sont que très partiellement imputables aux IFI. Il ne faudrait pas se fourvoyer dans l’erreur. Les IFI ont pratiquement toujours répondu positivement aux sollicitations du Maroc et même toléré (ce sont eux, les bailleurs de fonds) des refus de sa part. À titre de rappel, sur le dossier de l’élargissement de la fourchette de flottement de notre monnaie. Les IFI le font parce qu’elles considèrent notre pays comme le plus sérieux partenaire en Afrique, du point de vue de la conduite de politique économique et de fiabilité des comptes. Loin devant l’Afrique du Sud et l’Égypte, pour ne citer que deux économies du Top 5 africain. Maintenant, il faut prendre les décideurs des IFI pour ce qu’ils sont, à savoir des économistes formés dans les écoles libérales anglo-saxonnes qui utilisent des approches apprises dans leurs universités et considérées comme universelles. Leur demander de tenir compte des spécificités des uns et des autres, c’est forcer leur nature.
La sagesse dicterait de considérer les financements des IFI comme des éléments positifs, dont l’efficacité est toutefois liée à notre propre capacité à leur assurer les meilleures structures d’accueil, pour en faire un usage optimal.
Encore une fois, le débat sur les prérequis d’une croissance soutenue pointe le bout de son nez. Rappelons certains de ces éléments. Comment utiliser à bon escient un financement en l’absence d’une administration publique «efficace», avec des instances de régulation économique timorées, la persistance de poches de rentes économiques, un enseignement loin du niveau requis, un système financier trop gourmand et ignorant l’accompagnement, une fiscalité trop pénalisante pour la transparence et tolérante aux réticences… Le pays est encore dans le besoin de réformes.
C’est connu, une des définitions de la chance est «savoir saisir les opportunités». Le Maroc a accompli des efforts. Pour preuve ses succès diplomatiques, son image de sérieux à l’étranger et la confiance de ses partenaires. Il lui reste, au risque de se répéter, de bien cibler et d’accélérer la cadence niveau réformes pour… saisir ces opportunités.