Rarement livre aussi court n’a été aussi éclairant et aussi percutant!
L’historien Bernard Lugan a publié tout récemment, aux éditions Ellipses en France, un ouvrage instructif et didactique de près d’une centaine de pages, sous le titre «Le Sahara occidental en dix questions», décryptant la thématique d’un point de vue historique, non sans profondes perspectives juridiques, géopolitiques ou ethnographiques.
Solidement charpenté et documenté, il comprend des extraits de livres, de journaux, de discours ou de traités internationaux, ainsi que seize cartes dont celle présentée en couverture, tirée d’un ouvrage publié en 1891, montrant que pour les géographes français de l’époque, le Sahara occidental (autant qu’«oriental»!) était un territoire marocain.
Si l’actualité autour du Sahara semble plus ou moins suivie par les médias étrangers, la genèse du problème demeure paradoxalement mal connue ou non suffisamment explorée.
Ici, elle est résumée dès l’avant-propos puis détaillée plus avant comme substantiel antidote aux visions confuses, voire déformantes.
C’est l’histoire d’un «Etat démembré par la colonisation», selon les termes du droit international; un pays souverain amputé doublement durant la période des partages coloniaux, d’une part par la France à l’Est qui rattacha progressivement à l’Algérie les provinces marocaines du Touat, de la Saoura, du Tidikelt, du Gourara et de Tindouf; d’autre part, par l’Espagne, au Sud, qui occupa Saquia Hamra et Oued Dahab dont elle fit la colonie du Sahara occidental.
Si le Maroc recouvra son indépendance en 1956, il lui manquait toutefois d’être reconstitué pleinement dans ses frontières précoloniales, ainsi que le stipule l’ONU dans sa résolution n°1514, en date du 14 décembre 1960: «Les territoires coloniaux arrachés à un pays souverain, ne peuvent avoir une forme de décolonisation autre que leur réintégration au pays d’origine duquel ils ont été dissociés».
Or, «situation à la fois insolite et intolérable», écrit Bernard Lugan, il a été demandé au Maroc non seulement d’entériner la perte de ses provinces à l’Est au profit de l’Algérie, alors possession française, mais d’accepter, avec la décolonisation du Sahara espagnol en 1975, que ses provinces sahariennes, immémorialement marocaines, deviennent un «Etat sahraoui» pseudopode d’une Algérie indépendante, campée sur l’état de fait colonial qui l’a gratifié indûment de territoires, tout en cherchant à en avaler davantage en vue d’une ouverture sur l’océan Atlantique.
Question: «Y eut-il dans le passé un Etat du nom de ‶Sahara Occidental″» ?
L’histoire n’en retient absolument aucune trace sous quelque forme qu’elle soit.
«Existe-t-il un ‶peuple sahraoui″»?
Oui, si l’on englobe tous les habitants du Sahara depuis l’Atlantique à la Mer Rouge que ce soit au Maroc, en Mauritanie, en Libye, au Tchad, au Niger, au Mali, en Algérie, en Tunisie, en Lybie…; mais en aucun cas, ethnographiquement, au sens voulu par l’Algérie.
«La plupart des tribus du Sahara occidental marocain ont, en effet, des attaches avec le reste du Maroc d’où sont originaires leurs ancêtres ou leurs fondateurs, précise Bernard Lugan. La plupart étaient tournées vers le Nord du Maroc et leurs immenses zones de transhumance s’étendaient jusqu’à la basse Moulouya et à l’Anti-Atlas».
Sans oublier l’acte de la Beia et rapports d’allégeance au monarque, inscrits dans la longue histoire des bases juridiques d’un Etat millénaire exprimant la souveraineté spirituelle et temporelle et marquant une preuve de légitimité d’appartenance territoriale bien que le droit, dit international, (d’essence occidentale faisant fi des spécificités africaines ou asiatiques) veuille imposer comme seules valables des conceptions juridiques européano-européennes nées au XVIIIe siècle.
A la question donc de savoir si le Sahara occidental est historiquement marocain: la réponse est une et multiple.
N’est-il pas la matrice de la nation marocaine, berceau de plusieurs dynasties?
La prière du vendredi y est dite au nom du sultan qui y nomme des gouverneurs exerçant l’autorité en son nom.
En 1886, le sultan Moulay Hassan 1er qualifiait, dans une lettre, les habitants d’Oued Dahab de «fidèles sujets» et armait par ailleurs la résistance anticoloniale dans le Sahara, effectuée en son nom à travers les prêches dans les mosquées; tandis que le sultan Moulay Abdelaziz chargeait les caïds Boussaidi et Chtouki de surveiller le littoral depuis Tarfaya jusqu’au Cap Boujdour…
Pour confirmer la marocanité du Sahara occidental, s’imposent également les documents internationaux sous forme de rapports administratifs, de conventions et de correspondances entre puissances européennes, en plus de traités de paix, de commerce ou d’amitié depuis le XVIe siècle.
Entre autres exemples fournis dans l’ouvrage: le traité maroco-espagnol de l’année 1799 portant sur la protection par «Sa Majesté le Sultan» des naufragés des navires espagnols «au-delà du Souss ou de l’Oued Noun».
De même, le président du Conseil espagnol déclarait à l’ambassadeur de France à Madrid, en 1891: «Il a toujours été reconnu que la souveraineté territoriale du Sultan s’étend aussi loin que sa souveraineté religieuse et, comme il est hors de doute que les populations du Cap Juby (ou cap Boujador ou Boujdour) lui sont soumises au point de vue religieux, nous pourrions considérer sa souveraineté comme indiscutable».
Que dire des liens économiques ancestraux continus avec pour éclatante manifestation, la circulation d’une monnaie unique du Nord au Sud!
Si la France proposa ensuite, à plusieurs reprises, de négocier avec le Maroc au sujet des amputations territoriales à l’Est, le Maroc refusa par principe tant que l’Algérie n’avait pas acquis son indépendance.
A la noblesse du geste, l’Algérie répond, non en restituant le Sahara oriental marocain spolié par l’empire colonial français et annexé à ses terres, mais crée un conflit artificiel en hébergeant et en soutenant par tous les moyens un groupe armé, visant, par là, la création d’un mini-Etat vassal au Sahara occidental marocain comme moyen de briser son enclavement continental dans le sillage du plus ultra des plans de l’ancienne puissance coloniale, tout en coupant le Maroc de l’Afrique pour se poser en «maître de l’heure».
Mais n’est pas maître qui veut!
Depuis 2020, conclut Bernard Lugan, les événements s’accélèrent entre reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, l’appui favorable de l’Espagne au plan d’autonomie marocain, soutenu en 2024 par une centaine de pays, l’ouverture de 28 consulats généraux à Laâyoune et à Dakha…
De quoi remettre les pendules à l’heure!