D’un long communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, publié ce 21 juin à l’issue de sa 930e réunion consacrée à la célébration de la Journée africaine des frontières, l’agence de presse officielle algérienne (APS) n’a retenu qu’une seule expression. Celle qui lui a servi d’angle de tir contre le Maroc. Sous le titre «UA: le CPS rappelle le respect des frontières africaines héritées de la colonisation», l’APS juge que «le rappel du CPS est d'une importance capitale au moment où la colonisation du territoire du Sahara occidental par le Maroc met à l'épreuve ce principe fondamental de l'ancêtre de l'Union africaine, OUA.»
Sauf que dans ce communiqué du CPS, dont le commissaire n’est autre que l’Algérien Smaïl Chergui et le président pour l’année 2020, un autre Algérien, à savoir l’ambassadeur d’Alger auprès de l’UA, un impair capital a été commis. Et son seul objectif, c’est d’instrumentaliser l’Union africaine dans la voie du complexe algérien à l’égard du Maroc.
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Cet impair réside dans l’introduction peu à propos, après une longue succession de «réaffirmant, rappelant, soulignant, agissant» qui émaillent ce communiqué du CPS, du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Pour rappel, ce principe dit de l’«uti possidetis juris» n’a jamais fait l’objet que de controverses qui voient en lui, au mieux «une solution de commodité», au pire un «non-sens juridique» au service des adversités politiques entre Etats.
Or, la Journée africaine des frontières, célébrée le 7 juin de chaque année, a été instituée par l’Union africaine en 2010, et ne concerne en rien le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation prônée, en 1964, par la charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’Union africaine. Pour cette dernière, la Journée africaine des frontières a été conçue en vue d’encourager les Etats membres à mettre en œuvre des politiques et des stratégies de gestion de leurs frontières nationales au service du développement intégré et multiforme à l’intérieur de chaque Etat, mais surtout avec les Etats voisins en vue de contribuer à la «prévention structurelle des conflits, à la promotion de l'intégration régionale et continentale et au renforcement du développement socio-économique en Afrique», comme le mentionne justement ledit communiqué du CPS..
C’est dans ce cadre d’ailleurs, et à titre d’exemple, que la Commission nationale des frontières de la Côte d’Ivoire (CNFCI) a célébré, le 9 juin courant à Abidjan, la Journée africaine des frontières sous le thème: «Le Covid-19 face aux défis de la sécurité, de l’intégration et du développement transfrontalier dans l’espace CEDEAO».
Cette initiative s’inscrit également dans le cadre du Programme frontière de l’Union africaine (PFUA) que l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement africains a institué en janvier 2017, et qui vise à promouvoir la coopération frontalière en tant qu’antidote aux défis communs, comme c’est le cas avec la pandémie de coronavirus actuellement.
Plusieurs Etats africains ont ainsi célébré cette journée dans ce même esprit, mais pas l’Algérie qui a préféré ramer une nouvelle fois à contre-courant des décisions de l’Union africaine qui recommandent des rapports pacifiés, de bon voisinage et de coopération frontalière entre Etats.
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Le plus drôle, c’est que l’Algérie qui passe son temps à énumérer les crimes du colonialisme défend bec et ongles les frontières que lui a données son ancien colonisateur: la France. Dans ce paradoxe consistant à criminaliser la colonisation tout en se reconnaissant de son héritage se trouve l’une des clefs qui définissent le mieux l’identité du régime algérien.
D’ailleurs, personne en Afrique n’est dupe quant à l’attachement de l’Algérie aux frontières dont l’a doté la France. Le pays qui s’est le plus étendu dans le continent grâce à la présence d’une puissance étrangère, c’est l’Algérie. C’est que l’Algérie française n’était pas considérée comme une colonie, mais comme un département français. Et dans cette distinction réside une brèche, à la fois sémantique et juridique, qui soustrait l’Algérie de la liste des pays qui peuvent se réclamer des frontières africaines héritées de la colonisation.