El Khattat Yanja, l’enseignant chez la «Rasd» devenu le VRP du développement de Dakhla

El Khattat Yanja, président du Conseil de la région Dakhla Oued-Eddahab.

Ancien cadre du Polisario rallié au Maroc en 1992, El Khattat Yanja a réussi depuis une ascension fulgurante, pour briller autant dans le business qu’en politique. Prospère homme d’affaires et membre du Parti de l’Istiqlal, il préside aux destinées de la région Dakhla-Oued Eddahab, tête de pont du développement des provinces du Sud. Portrait d’une figure de la nouvelle génération de Sahraouis dont le patriotisme n’a d’égal que l’ambition.

Le 30/11/2024 à 08h00

L’homme est sur tous les fronts, et il ne se passe pas un jour sans que son nom ne soit cité dès qu’il s’agit d’une actualité dans les provinces du Sud. Et pour cause, El Khattat Yanja est à la tête de la région Dakhla-Oued Eddahab, qui empile littéralement les projets de développement et autres chantiers d’infrastructure. Le président du conseil régional est naturellement de tous les événements, de toutes les négociations, et chaque signature de contrat dans ce vaste territoire transite par son bureau.

Relativement jeune (il est né en 1962), extrêmement dynamique et particulièrement à l’aise devant les micros et les caméras, El Khattat Yanja sait attirer la lumière. Polyglotte, il sait naviguer entre les cultures, s’accommodant autant de la draïa, habit-symbole du Sahara marocain, que du costume trois-pièces qu’impose sa fonction dans certains événements.

Mais son vrai point fort, c’est d’abord l’action. À l’occasion de la récente visite de l’ambassadeur de France au Maroc, la première du genre dans les provinces du Sud, El Khattat Yanja en a apporté une nouvelle fois la preuve. Nous sommes le 12 novembre 2024, à Dakhla, quand Christophe Lecourtier entame la deuxième étape de son déplacement sahraoui. Entre les deux hommes, les règles du protocole et la tradition d’accueil, qui fait la réputation du Sahara, ont vite fait de céder à une cordialité aux airs de franche camaraderie. Et, surtout, à du concret.

Interrogé par Le360, le président de la région a résumé l’enjeu en peu de mots: c’est de la traduction, sur le terrain, de la nouvelle position de la France appuyant la marocanité du Sahara. «C’est en soi une grande victoire», analyse-t-il. Mais pas seulement: l’idée est de mettre en place le cadre permettant aux potentiels investisseurs de saisir les opportunités offertes par le Royaume dans cette région.

«Dakhla, qui connaît un développement phénoménal et où une grande partie des projets programmés dans le cadre du Nouveau modèle de développement des provinces du Sud est achevée, est une mine d’or en la matière», appuie-t-il. Séance tenante, la ville accueillait justement un roadshow économique de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM), embarquant plus d’une cinquantaine d’hommes d’affaires de l’Hexagone.

El Khattat Yanja fait partie de cette nouvelle génération de leaders sahraouis pour qui la question des provinces du Sud ne se pose plus sous le seul angle de l’intégrité territoriale, acquise au prix de nombreux sacrifices, mais désormais sous celui du développement tous azimuts. Cela tombe bien: la région qu’il préside depuis 2015, et dont il est par ailleurs l’un des grands acteurs économiques, joue les premiers rôles sur ce terrain.

Des idées révolutionnaires à la vraie révolution

Pourtant, rien ne prédestinait le natif de Dakhla à un tel destin, bien au contraire. Issu des Oulad Dlim, grande tribu s’étendant entre le Sahara marocain et la Mauritanie, c’est à l’est du Mur de défense qu’il fait ses premières armes. Au sens propre du terme. À la fin des années 1970, le très jeune El Khattat Yanja rejoint les rangs du Polisario dans les camps algériens de Tindouf. Il a alors 16 ans et la tête encombrée des idéaux révolutionnaires de l’époque. Au sein de la milice armée, il officiera en tant que professeur de mathématiques, mais aussi de dirigeant de la Jeunesse du Polisario. Mais une fois la maturité atteinte et les yeux ouverts sur les manipulations et les mensonges du mouvement séparatiste, il décide de quitter définitivement les camps, d’abord à destination de la Mauritanie, puis de sa ville natale, au Maroc.

S’ouvre à lui alors le chemin de tous les possibles. Un temps inspecteur des Finances, il finit par se lasser de la fonction publique et se lance dans les affaires. Il commence par faire fortune dans les voitures d’occasion, un commerce florissant qui ne connaît pas de crise ni de frontières entre le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal, région où les calandres allemandes sont un véritable marqueur social.

Mais El Khattat Yanja n’en est qu’à la première vitesse: rapidement, il lorgne de plus gros poissons et fait son entrée dans le secteur de la pêche. Via sa société Dakhla Atlantic, il investit dans des unités de congélation à Dakhla et devient, au fil des ans, l’un des plus gros exportateurs de poissons pélagiques, vers plusieurs marchés dont l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine et l’Asie. Signe de son poids (lourd) dans le secteur: il occupe, entre 2013 et 2015, le fauteuil de président de l’Association marocaine des exportateurs (Asmex). Chemin faisant, il diversifie ses activités en les étendant à l’immobilier, le bâtiment et les matériaux de construction, notamment à travers les groupes Yan Drog Entretien ou Koy BTP.

«À elle seule, cette success-story est la preuve que tout est possible au Sahara marocain, et que le temps est au travail et à l’action», résume l’un de ses proches. Le travail de l’intéressé, justement, ne s’arrête pas là. Alors que la logique voudrait que ce soit la politique qui mène aux affaires, El Khattat Yanja effectue le chemin inverse.

C’est fort de son poids économique qu’il entre en politique, choisissant, en 2015, de rallier les rangs du Parti de l’Istiqlal. Candidat la même année à la présidence de la région Dakhla-Oued Eddahab, il l’emporte haut la main. Une fonction qu’il occupe encore aujourd’hui, plus visible et plus sollicité que jamais.

En prime, l’ancien séparatiste devient l’un des plus grands défenseurs de la marocanité du Sahara. En sa qualité de président de la région, El Khattat Yanja est ainsi au premier rang de la délégation marocaine ayant pris part au processus des tables rondes sur le Sahara, organisées sous l’égide de l’ONU à Genève, en décembre 2018 et en mars 2019.

Le vent en poupe

De son fauteuil présidentiel, El Khattat Yanja aura été aussi bien témoin qu’acteur de premier plan de la métamorphose de Dakhla et de l’ensemble de la région. «Sa» ville est désormais auréolée du statut de pôle économique majeur, avec des projets aussi ambitieux que le port Dakhla Atlantique et la voie Express Tiznit-Dakhla, et des secteurs économiques à la fois diversifiés et en pleine expansion. De l’agriculture à l’agro-industrie, en passant par les énergies renouvelables et le tourisme, Dakhla est aujourd’hui une destination d’avenir incontournable.

Les illustrations de cette marche en avant sont multiples. Exemple d’abord par l’embellie du tourisme: de huit établissements classés en 2012, la ville en compte actuellement 45. Et de 5.231 visiteurs en 2006, elle a reçu plus de 44.000 touristes en 2023.

Côté énergies renouvelables, la ville accueille un projet de parc éolien dont la production alimentera en électricité la future station de dessalement de l’eau de mer, opérationnelle en 2025. Cette dernière fournira la ville et sa région en eau potable, et permettra l’irrigation de multiples projets agricoles.

Une vocation continentale

Dakhla, c’est aussi le projet stratégique d’autoroute électrique de 3 gigawatts, qui court jusqu’à Casablanca, et nombre de projets d’unités de production d’hydrogène vert qui positionneront le Maroc parmi les fournisseurs les plus compétitifs dans le monde.

La ville a aussi vocation à devenir une des plaques tournantes du trafic aérien dans le pays. Après RAM, l’espagnol Binter Canarias et le français Transavia, c’est récemment le géant irlandais Ryanair qui a décidé d’y poser ses appareils, annonçant deux liaisons internationales avec Madrid et Lanzarote, dans les îles Canaries.

Dakhla, c’est aussi le cœur battant de mégaprojets à caractère continental, dont l’Initiative royale pour l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, ou le pipeline gazier Nigeria-Maroc, nouvellement rebaptisé Gazoduc Atlantique Africain, et devant peser un investissement de quelque 26 milliards de dollars. Sans oublier, encore, le port Dakhla Atlantique, en cours de construction et appelé à devenir le pivot du commercial entre l’Afrique de l’Ouest et le reste du monde.

De toutes ces réalisations, projets et potentialités, El Khattat Yanja se veut aujourd’hui le VRP et l’ambassadeur. «Il connaît par cœur chaque parcelle du territoire, et peut détailler chaque projet sans même avoir besoin de la moindre fiche. Non seulement il est un interlocuteur crédible pour les investisseurs, mais il est aussi un excellent commercial», témoigne l’un de ses proches collaborateurs.

En avril dernier, le fils de Dakhla plaidait la cause (économique) de sa région à Madrid. En mai, c’est vers Londres qu’il avait pointé son bâton de pèlerin. Quand il n’est pas entre deux couloirs d’aéroport, il est dans son bureau à Dakhla pour accueillir le défilé des délégations étrangères et des prospecteurs. Dans chacune de ses missions, chacun de ses rôles, El Khattat Yanja reste l’incarnation d’un objectif qui concentre les efforts de tout le pays: faire du Sahara le relais de la prospérité du Royaume du Maroc.

Par Tarik Qattab
Le 30/11/2024 à 08h00